A l’occasion du 1er décembre, Santé publique France vient de publier le chiffre des découvertes de séropositivité en 2020. Un chiffre, apparemment en baisse, impacté par une drastique baisse des dépistages en 2020. Autre enseignement : les jeunes représentent 14 % des nouvelles contaminations. Dans le monde, 410 000 jeunes âgés de 10 à 24 ans ont été nouvellement infectés par le VIH en 2020.
« La pandémie de Covid-19 ne doit pas nous faire oublier que celle du VIH qui court depuis 40 ans n’est pas terminée » : c’est le cri d’alerte lancé par Bruno Spire, directeur de recherche à l’Inserm, dans l’éditorial du dernier bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’agence Santé publique France, consacré au VIH « au temps de la Covid-19 » [i].
De fait, selon les derniers chiffres de l’Onusida, désormais près de 38 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde, ce qui équivaut à près de la moitié de la population française. En France, ce chiffre atteint 173 000 personnes, soit 0,25 % de la population, d’après l’Inserm.
Certes, grâce aux traitements antirétroviraux, au dépistage et aux moyens permettant de diminuer le risque de contamination (préservatif, PrEP, TASP…), les nouvelles infections dans le monde ont chuté de 52 % depuis le pic de l’épidémie en 1997. Malgré tout, il y a eu encore 1,5 millions de nouvelles infections par le VIH dans le monde en 2020.
En France, une baisse trompeuse des chiffres
Santé publique France (SpF) a enregistré près 4 856 nouvelles contaminations découvertes en 2020 : 43 % concernaient des HSH, 38 % des hétérosexuels nés à l’étranger, 16 % des hétérosexuels nés en France, 1,5 % des usagers de drogues injectables et 1,5 % des personnes trans, toutes contaminées par rapports sexuels. Ces chiffres, qui semblent en recul par rapport aux années précédentes [ii], sont néanmoins à prendre avec de très grosses pincettes.
En effet, en raison de la pandémie de Covid-19, le recours aux tests a fortement marqué le pas entre 2019 et 2020. En France, alors que l’activité de dépistage a augmenté sans interruption entre 2013 et 2019 (où elle est passée de 5,3 millions tests à 6,1 millions), en 2020 elle a chuté de 14 % par rapport à 2019, pour atteindre 5,2 millions de sérologies VIH, et a ainsi retrouvé le niveau de 2012, révèle Santé publique France dans son Bulletin de santé publique de décembre 2021.
« Cette forte diminution peut s’expliquer par un moindre accès au dépistage, notamment lors du premier confinement au printemps 2020 ; et peut-être aussi par une moindre exposition au VIH du fait des mesures de distanciation sociale », a précisé Françoise Cazein, épidémiologiste à Santé publique France, lors de la réunion de présentation de ces données.
Sans surprise, cette chute de l’activité du dépistage du VIH entre 2019 et 2020 est associée à une diminution du nombre de diagnostics, estimée elle à -22 %. Cette dernière étant plus marquée chez les personnes nées à l’étranger (-28 % ; versus -14% chez celles nées en France). L’explication pourrait être « une plus grande difficulté d’accès au dépistage, et peut-être aussi une diminution des flux migratoire », a précisé Françoise Cazein.
De manière générale, le recul du dépistage et du diagnostic a été constaté « dans de nombreux pays », souligne le Onusida, sur son site Internet. Qui précise : « selon les données recueillies dans 502 établissements de santé de 32 pays d’Afrique et d’Asie, le dépistage du VIH a diminué de 41 % et les orientations vers un diagnostic et un traitement ont diminué de 37 % pendant les premiers confinements dus à la COVID-19 en 2020, par rapport à la même période en 2019 ».
Ces données sont inquiétantes. La chute des dépistages pourrait mener à des retards de diagnostic : « pour les personnes qui auraient dû être dépistées en 2020 ne l’ont pas fait, cela représente une perte de chances, car elles n’auront pas bénéficié assez précocement des traitements. Au niveau de la population, cette évolution génère une circulation accrue du VIH, avec possibilité de contaminations. D’où l’importance d’inciter au dépistage dans toutes ses modalités », a souligné Françoise Cazein lors de la réunion de Santé publique France.
Les jeunes particulièrement à risque
Dans ce contexte d’invisibilisation de l’épidémie par celle de Covid-19, les jeunes semblent particulièrement à risque vis-à-vis du VIH. Certes, selon les dernières données de Santé publique France, en 2020 la grande majorité des nouvelles découvertes de séropositivité en France concernaient les 25-49 ans (64 % des nouvelles découvertes) et les 50 ans et plus (22 %), les moins de 25 ans représentant « seulement » 14 %. Mais voilà : comme l’a révélé en mars 2021 un sondage réalisé par l’Ifop pour Sidaction auprès de 1 002 personnes représentatives de des Français de 15 – 24 ans, le taux des jeunes s’estimant mal informés sur le VIH en 2021 a augmenté de 22 points par rapport à 2009 et de 7 points par rapport à 2020, pour atteindre désormais 33 %, versus 11 et 26 % respectivement.
Conséquence : seules 34 % des personnes interrogées ont déclaré avoir utilisé systématiquement un préservatif lors d’un rapport sexuel (-9 points par rapport à 2020). Côté dépistage, parmi ceux ayant eu un rapport sexuel lors des 12 derniers mois, seuls 23 % ont rapporté avoir fait un test de dépistage su VIH sur la même période.
Au niveau mondial, seuls 25 % des adolescentes et 17 % des 15 – 19 ans vivant en Afrique orientale et australe – région la plus touchée par le VIH – ont bénéficié d’un test de dépistage du VIH au cours des 12 derniers mois, indique le Fonds des Nations unies pour l’enfance, Unicef. Or « les adolescents et les jeunes représentent une part croissante des personnes vivant avec le VIH dans le monde », souligne l’agence onusienne.
Rien qu’en 2020, 410 000 jeunes âgés de 10 à 24 ans ont été nouvellement infectés par le VIH. « Si les tendances actuelles se poursuivent, il y aura encore quelque 183 000 nouvelles infections à VIH par an chez les adolescents en 2030 », estime l’Unicef. D’où sont appel à « se concentrer davantage sur les adolescents et les jeunes » afin d’intensifier la lutte contre le sida.
[i] BEH n°20-21, Santé publique France, 30 novembre 2021.
[ii] Entre 2017 et 2018, Santé publique France a enregistré 6 200 nouveaux cas.