vih Essais cliniques : Quid de la parité ?

06.10.20
Angeline Rouers
7 min
Visuel Essais
cliniques : Quid de la parité ?

Les essais cliniques incluent moins de femmes que d’hommes. Une constatation d’autant plus marquée dans les essais menés dans le contexte du VIH/sida. Pourtant les différences liées au sexe sont cruciales à prendre en compte lors du développement d’un médicament ou d’un vaccin. Pourquoi une telle disparité dans les essais cliniques ? Transversal fait le point.

Ces dernières années, quelques études se sont penchées sur la représentation des femmes dans les essais cliniques. En 2011, une étude menée par des chercheurs de l’Université de l’Illinois révélait que les essais financés par des fonds publics incluaient en moyenne 37% de femmes(1). Mais dans 75% de ces études, l’impact du genre dans les résultats obtenus n’était pas pris en compte. Plus récemment, la FDA (Food and Drug Administration aux États-Unis) a évalué à 43% le pourcentage de femmes inclues dans les essais cliniques (d’après un rapport de 2015-2016)(2).

Il faut cependant nuancer le tableau en précisant que ce sont davantage les premières phases des essais cliniques (phases 1 et 2 qui évaluent la toxicité et l’efficacité du produit de santé) qui présentent la plus grande disparité entre les sexes. La phase 3, qui adresse la balance bénéfices/risques sur le plus long terme, inclut quant à elle une proportion de femmes généralement bien plus paritaire(3). Il faut aussi noter qu’une partie des essais cliniques sont menés par des industries pharmaceutiques privées desquelles il est difficile d’obtenir des chiffres exacts sur la participation des femmes.

Le VIH à la traîne

La parité semble en tout cas chuter drastiquement dans les essais cliniques menés dans le cadre de la lutte contre le VIH. En ce qui concerne le développement de nouvelles stratégies de traitements, seulement 11% de femmes seraient inclues(4). La représentation de volontaires féminines atteint 19% et 37% lorsqu’il s’agit respectivement d’essais pour des antirétroviraux et des vaccins(4). Des chiffres qui sont loin d’être satisfaisants sachant que plus de la moitié des personnes adultes vivant avec le VIH dans le monde sont des femmes (19,2 millions sur les 36,2 millions au total)(5).

Parmi les raisons avancées pour expliquer cette disparité dans les essais cliniques, la difficulté à mobiliser les femmes. En effet, un projet de grossesse ou l’accumulation des charges du quotidien seraient des éléments qui pousseraient les femmes à abandonner un essai en cours. Il faut surtout soulever l’exclusion des femmes en lien avec les critères de sélection pour participer à la plupart des essais. Généralement, les femmes en âge de procréer sont exclues en raison des cycles hormonaux jugés compliqués à prendre en compte lorsqu’il s’agit de l’évaluation d’un produit de santé. Pourtant, il semble important de pouvoir apprécier ce critère lors du test d’un médicament.

En plus des cycles hormonaux, les femmes présentent une réponse différente aux molécules, due par exemple à une expression plus ou moins élevée des récepteurs cibles à la surface de leurs cellules. Aussi, les femmes ont généralement tendance à prendre plus de médicaments que les hommes, ce qui augmente les chances d’interactions et d’effets secondaires. Notons d’ailleurs que 80% des médicaments retirés du marché le sont car les effets secondaires sont plus forts chez les femmes que chez les hommes(6). Autant de différences hormonales, physiologiques mais aussi génétiques qu’il est important de prendre en compte plutôt que d’occulter.

Une réponse immunologique différente

Dans le contexte du VIH/sida, les différences liées au sexe sont relativement bien connues et décrites(7). La réponse immunologique des femmes face au VIH varie de celle des hommes. On sait par exemple que, pendant la primo-infection et la phase chronique de l’infection, la charge virale des femmes est généralement moins élevée et le nombre de CD4 plus élevé comparé aux hommes. Cependant, les femmes progresseraient plus vite vers la phase sida (si aucun traitement n’est pris). En cause, notamment, une production plus importante de molécule de type interféron en lien avec une sensibilité accrue des récepteurs immunitaires et, partant, de tout le mécanisme d’activation(7). Cette stimulation continue finit par épuiser le système immunitaire et contribue à l’accélération du vieillissement immunitaire souvent observé chez les femmes(7).

En ayant ces éléments en tête, l’inclusion des femmes pour les essais cliniques dans le contexte du VIH apparaît comme primordiale. Et bien que les chiffres semblent montrer une trop faible représentation des femmes dans ces essais, il faut en fait différencier la situation dans les pays du Nord et du Sud. En effet, les femmes sont très largement représentées (plus que les hommes) dans les essais menés au Sud. Cela s’explique à la fois par la plus grande prévalence de l’infection par le VIH chez les femmes et par des aspects sociétaux : les hommes en Afrique sont plus réticents ou moins disponibles pour participer à des essais(8).

Cette forte représentation des femmes dans les essais menés en Afrique sub-saharienne est cohérente avec la future population cible, en particulier en ce qui concerne le test de molécules antirétrovirales. Mais l’inclusion des femmes se heurte à des questions éthiques, perçues et gérées différemment au Nord et au Sud. L’exemple le plus concret est l’obligation de la prise d’un contraceptif lors de l’inclusion dans un essai. Tandis qu’au Nord cette mesure est généralement couverte par les protections sociales, la situation est bien différente au Sud où les femmes ne bénéficient pas du même encadrement. A cela s’ajoute le désir accru de grossesse dû à un état de santé potentiellement amélioré par le médicament testé. Une situation parfois difficile à gérer pour les femmes(8).

Une situation qui s’améliore malgré tout

Au-delà de l’inclusion des femmes dans les essais cliniques, la question de l’inclusion des femmes enceintes et porteuses du VIH se pose également. Comme mentionné précédemment, la survenue d’une grossesse lors de l’enrôlement dans un essai clinique met généralement fin à l’inclusion de la femme concernée. Pourtant, les effets des antirétroviraux ou la possibilité de vacciner les femmes enceintes se doivent d’être adressés. Pour le moment, très peu de réponses sont apportées sur la façon d’adresser ces problématiques. Des protocoles de traitements des femmes vivant avec le VIH lors de leur grossesse existent(9) mais reposent sur des essais excluant les femmes enceintes et sur des observations faites a posteriori sur les nouveaux nés.

Cependant, l’inclusion des femmes dans les essais cliniques, notamment dans le contexte du VIH, tend à s’améliorer. Des laboratoires tels que ViiV Healthcare accordent une importance particulière à la parité dans les essais cliniques qu’ils supportent, certains allant même jusqu’à inclure 100% de femmes(10). Entre 2006 et 2011, l’étude GRACE (Gender, Race, And Clinical Experience) avait pour objectif de mieux comprendre les différences entre hommes et femmes en réponse au Prezista(11). Une étude pionnière, qui a ensuite débouché sur des recommandations afin d’optimiser l’inclusion des femmes dans les essais(12).

Bien que l’objectif d’une totale parité ne soit pas encore atteint dans les essais cliniques, en lien ou non avec le VIH, la situation tend à s’améliorer petit à petit. Les preuves aujourd’hui irréfutables des différences entre hommes et femmes face aux infections ont permis de poser les bases mais beaucoup reste à construire, notamment en ce qui concerne l’inclusion des femmes enceintes. 

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