Dans quel cadre rencontrez-vous les femmes excisées dont vous vous occupez ?
Lors de la consultation de gynécologie que j’assure une fois par semaine dans le service des maladies infectieuses de l’hôpital de Saint-Antoine (Paris). Il y a quelques années, j’avais calculé qu’une femme séropositive sur cinq que je recevais était excisée. C’est donc très fréquent, même si cela ne veut pas dire que les femmes séropositives sont plus fréquemment excisées que les autres, à origine et milieu culturel équivalents.
Par contre, les femmes séropositives diagnostiquées étant très suivies, je pense qu’il faut se saisir de cette opportunité pour aborder le problème de l’excision.
Comment procédez-vous ?
Cela commence par des questions afin d’évaluer la qualité de leur vie sexuelle, un aspect que les gynécologues et les infectiologues mettent trop souvent de côté. Puis, il faut penser à repérer l’excision quand on les examine. Ce qui n’est pas toujours évident à identifier. La démarche s’apparente un peu aux poupées russes : il ne faut pas s’arrêter à la femme séropositive, mais chercher derrière la potentielle femme excisée. Et il faut aussi savoir écouter et le prendre en compte.
Est-ce que l’excision augmente le risque de contamination du VIH ?
Quand les excisions sont faites à la chaîne avec du matériel souillé, une contamination est possible, mais le problème ne se pose pas en France. Une fois l’excision pratiquée et les tissus cicatrisés, il n’y a pas de raison que cela augmente le risque de transmettre ou d’être contaminé par le VIH. Je ne vois que le cas des excisions avec infibulation, c’est-à-dire couture des lèvres et fermeture du vagin, pour lequel les rapports sexuels peuvent occasionner des saignements. C’est particulièrement vrai lors du premier rapport, car le mari ouvrira le vagin avec un couteau ou ce qu’il a à disposition. Là, évidemment, les muqueuses saignent, ce qui augmente le risque pour ces femmes d’être contaminées par le VIH. En France, on ne rencontre quasiment pas ce cas extrême d’excision qui est pratiqué dans la Corne de l’Afrique. Personnellement, je n’en ai pratiquement jamais vu lors de mes consultations.
Enfin, on peut imaginer, en Afrique, un risque accru dû à une complication obstétricale liée à une déchirure consécutive à l’accouchement… Mais cela est un peu tiré par les cheveux et aucune étude ne le démontre. Ce sont surtout des risques théoriques qui ne s’appliquent pas à la France.
Une étude[1] évoque des causes indirectes, car elles correspondraient à un profil de femmes plus exposées. Qu’en pensez-vous ?
Effectivement, les femmes excisées ont probablement plus tendance à être contaminées que les autres, car elles partagent des facteurs de risque accrus de transmission. Ce sont généralement des femmes qui sont victimes de mariages et de rapports forcés. Elles épousent plus souvent des hommes beaucoup plus âgés qu’elles, etc. Elles ont donc plus de risque d’être exposées à une situation de contamination, mais c’est de manière complètement indirecte.
[1] Kathryn M. Yount and Bisrat K. Abraham, “Female Genital Cutting and HIV/AIDS Among Kenyan Women”, Studies in Family Planning, vol. 38, n° 2, juin 2007.