Aymeric Silvin, jeune chercheur en virologie fondamentale à l’Institut Curie, se confie avec franchise sur le difficile renouvellement de la communauté scientifique dans le domaine du VIH/sida.
Le renouvellement est inhérent au fonctionnement de la recherche : les étudiants en thèse et les post-doctorants restent entre deux et six ans dans un laboratoire, avant de laisser la place à de nouveaux arrivants qui auront forcément une vision plus fraîche et des compétences différentes. Mais au niveau des directeurs de laboratoires, des têtes pensantes qui inscrivent la recherche dans un projet plus global, le renouvellement est restreint par la politique du gouvernement qui n’ouvre que très peu de postes par an.
En plus, la recherche sur la VIH est un domaine extrêmement compétitif, car on sait que la personne qui découvrira une solution recevra le prix Nobel à coup sûr ! C’est un peu le Saint-Graal de la recherche… et du coup, la course à celui qui publiera ses résultats en premier. Les chercheurs travaillent ensemble, mais avec une réserve pour ne pas se faire doubler. Le système des financements créé en outre un climat de collaboration difficile, car les laboratoires se battent pour les mêmes subventions auprès des mêmes organismes. D’autant que le temps passé à régler des problèmes administratifs et financiers n’est pas du temps passé à réfléchir. Faire de la recherche, c’est collaborer. C’est le seul moyen d’être sûr qu’un jour, quelque chose se passe dans un ou plusieurs esprits brillants.
Un domaine extrêmement compétitif
Le système des financements créé un climat de collaboration difficile
Le renouvellement de la communauté scientifique doit passer par les personnes, mais aussi par les idées. Je trouve que la recherche est, heureusement, de moins en moins sujette au dogme. Des concepts très forts ont été posés en biologie et nous les considérons donc comme acquis, mais il faut garder à l’esprit la diversité impressionnante de l’organisme qui fait que plusieurs concepts peuvent coexister et se compléter.
La recherche avance tout de même très vite. Depuis que j’ai commencé ma thèse il y a cinq ans, une quantité phénoménale d’articles et de découvertes permet de beaucoup mieux comprendre ce qui se passe dans l’organisme. N’oublions pas que nous sommes face à un virus principalement humain et simien, difficile d’étude (que ce soit chez l’homme ou chez le singe), qui déjoue le système immunitaire dont on ne maîtrise par ailleurs pas complètement le fonctionnement non plus. La tâche est donc complexe.