vih Fatoumata Kontao, réussir sa vie malgré le VIH

08.03.22
Cécile Josselin
7 min
Visuel Fatoumata Kontao, réussir sa vie malgré le VIH

Née avec le VIH, Fatoumata Kontao fait partie de ses femmes qui ne lâchent rien, qui s’accrochent et qui s’en sortent, bien décidées ensuite à monter aux autres que la vie ne s’arrête pas avec la maladie. Portrait.

À tout juste 26 ans, Fatoumata Kontao a tout sauf l’air d’une victime. Mariée et mère de jumeaux âgés de 16 mois et en parfaite santé, cette jolie jeune femme a le sourire aux lèvres, le regard franc et une voix qui porte.

Sous son costume typique du Mali, elle se révèle ambitieuse et indépendante. Bien décidée à devenir magistrate à l’issue de ses études de droit, elle fait de la lutte contre le VIH un combat personnel.

« Quand je dis que je suis séropositive, généralement on ne me croit pas », confie-t-elle. Au Mali, où je vis, la plupart des gens gardent l’image de personnes vivant avec le VIH décharnées et alitées, à moitié mourantes, ce que je ne suis pas du tout. »

Pour autant, on aurait tort de croire que cette annonce est un moment facile, car, une fois l’incrédulité passée, les préjugés reviennent au galop, comme le lui a montré son mari du temps où il était son petit ami. « Quand je lui ai demandé s’il connaissait le VIH et s’il savait comment cela se transmettait, il a pris l’exemple d’une femme qui vendait des galettes au coin de la rue et qu’il évitait désormais. Profondément choquée, je lui ai dit qu’il pouvait faire de même avec moi, car j’avais la même maladie, puis je me suis calmée et je lui ai laissé le temps d’y réfléchir. On en a rediscuté plus tard et il a fini par accepter mon état de santé »,raconte-t-elle, avant d’ajouter avec une pointe d’amertume qu’il a quand même eu du mal à assumer sa maladie en public.

Pour autant, Fatoumata n’est pas du genre à se soumettre. Le 18 janvier dernier, elle a décidé de révéler publiquement sa séropositivité dans une vidéo postée sur YouTube. « J’ai tenu à le faire pour changer les mentalités, explique-t-elle. Pour montrer qu’on peut avoir le VIH et être bien portant, pour montrer aussi que le VIH continue d’exister, mais qu’on peut s’en sortir. » 

Montrer l’exemple en dédiabolisant la maladie

Courageuse, Fatoumata Kontao a longtemps mûri cette décision. Elle a été l’aboutissement d’un long processus, car, pour elle aussi, l’acceptation a pris du temps. Contaminée à la naissance, la jeune femme a appris sa séropositivité vers l’âge de 11 ans, peu après le dépistage de sa mère, qui était tombée malade. Comme elle, son père [aujourd’hui décédé] s’est révélé positif.

« Personne ne m’a vraiment expliqué comment cela était arrivé. C’est en voyant ma mère [également décédée] prendre des médicaments que j’ai compris qu’elle était infectée, se souvient-elle. Elle m’a appris sa séropositivité en même temps que la mienne, sans autre précision. Je pense qu’elle se disait que j’étais trop jeune pour comprendre et qu’elle craignait que je lui reproche de me l’avoir transmise. Et c’est vrai que je n’arrivais pas à comprendre que des gens instruits comme eux [son père était gendarme et sa mère vétérinaire] aient pu être aussi négligents. J’étais folle de colère. »

Furieuse contre ses parents, elle l’a aussi été contre la terre entière. L’adolescence venant, le simple fait d’entendre prononcer le mot « VIH » ou « sida » la mettait en rage. « Quand j’entendais quelqu’un diaboliser les personnes touchées comme moi par cette maladie, montait en moi l’envie de le contaminer volontairement pour lui fait comprendre à quel point leur discours pouvait faire mal », avoue-t-elle. 

Mais, au lieu d’en arriver à cette extrémité, Fatoumata a finalement choisi de serrer les poings et de continuer à prendre sérieusement son traitement.

L’atout des pairs éducateurs réside dans le fait qu’on partage la même maladie et qu’on a quasiment le même âge que les adolescents qui s’adressent à nous. Ils sont ainsi plus en confiance et savent qu’ils ne seront pas jugés

Elle a même décidé de s’impliquer dans la lutte contre le VIH. Prise en charge en 2012, elle a été confiée à une conseillère psychosociale qui l’a aidée à accepter sa maladie, puis à s’accepter elle-même. « Cela passait notamment par des groupes de parole, qu’on appelle ici des “causeries éducatives”. Cela m’a beaucoup aidée, reconnaît-elle. Très vite, j’ai voulu faire de même et, dès l’année suivante, je me suis engagée bénévolement comme paire éducatrice pour l’ONG Arcad Sida [i], à Bamako. L’atout des pairs éducateurs réside dans le fait qu’on partage la même maladie et qu’on a quasiment le même âge que les adolescents qui s’adressent à nous. Ils sont ainsi plus en confiance et savent qu’ils ne seront pas jugés. »

Pour toucher un public plus large, elle a ensuite animé, avec d’autres jeunes, des groupes de parole, dont un groupe WhatsApp appelé « Espaces jeunes », au sein duquel les adolescents posent des questions de santé sexuelle au sens large. 

Un engagement au-delà du VIH

Mais l’engagement de Fatoumata ne s’arrête pas là. Assoiffée de justice, la jeune femme termine actuellement un mémoire sur les droits humains des personnes vivant avec le VIH au Mali afin de relayer l’existence de discriminations, comme le rejet systématique des jeunes séropositifs au concours de la police et de la gendarmerie.

Sur le plan associatif, la jeune femme a progressivement pris de plus grandes responsabilités. Très engagée, elle est aujourd’hui présidente du groupe technique des adolescents et des jeunes leaders du réseau Grandir ensemble, une réseau soutenu par Sidaction, au sein duquel elle participe avec 24 autres jeunes issus de différents pays d’Afrique de l’Ouest et de l’Est à des réunions pour discuter des défis à relever afin d’aider les jeunes et d’élaborer des plaidoyers.

Celui qui lui tient personnellement le plus à cœur est sans surprise la prise en charge pédiatrique, encore largement sous-développée dans son pays. « Il y a encore des femmes qui accouchent sans s’être fait dépister pour le VIH, se désole-t-elle. Certaines transmettent encore la maladie à leur bébé. Souvent, c’est parce qu’elles ont trop peur de savoir et d’être répudiées par leur époux. »

Parallèlement, la jeune femme a intégré au Mali le conseil d’administration (CA) d’Arcard Santé Plus, qui comprend une douzaine de personnes, toutes plus âgées qu’elle. « Je pense que c’est important que des jeunes intègrent ces CA, parce que c’est là que se décident les choses qui nous concernent, estime-t-elle. Or nous sommes les plus à même de connaître nos besoins. On devrait être plus nombreux, afin d’avoir un réel poids. »

Notes

[1] Association de recherche, de communication et d’accompagnement à domicile des personnes vivant avec le VIH.

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