vih François Benet, la disparition d’un « survivant »

14.05.21
Cécile Josselin
5 min
Visuel François Benet, la disparition d’un « survivant »

Après une première carrière dans l’enseignement, une deuxième dans la lutte contre le VIH et une troisième dans l’action politique à Creil dans l’Oise, François Benet est décédé dans son sommeil dans la nuit de vendredi à samedi 8 mai à l’âge de 61 ans.

Contaminé par le VIH en 1986 à l’âge de 26 ans, François Benet était comme il aimait à la dire un « survivant » et c’est au fond d’un lit d’hôpital, très affaibli par la maladie qu’il avait regardé en 1994 le premier Sidaction retransmis à la télévision. Son pronostic était alors réservé et il était loin d’imaginer que neuf ans plus tard il y porterait un très beau projet de sensibilisation au VIH.

« Quand je l’ai rencontré par hasard à la terrasse d’un café en 2003 et qu’il m’a dit qu’il cherchait un nouveau travail, je lui ai proposé de nous rejoindre car je savais que nous devions faire quelque chose pour les jeunes sans réellement savoir quoi, se souvient Bertrand Audoin, alors directeur général de Sidaction (2000-2011). Comme il avait été enseignant et directeur d’école et qu’il avait travaillé à Sol en si durant six ans, je lui ai laissé carte blanche et je ne l’ai pas regretté. Mis à disposition par l’Éducation nationale, il a monté de A à Z le programme ‘Pour la vie’ dont nous étions très fiers. »

Ancêtre de VIH Pocket film, ce projet consistait à impliquer les jeunes dans la lutte contre le sida en les aidant à produire eux-mêmes des outils de prévention pour participer à un concours vidéo. « Quand la première édition a été lancée nous étions en 2005, l’année où le sida a été désigné grande cause nationale et l’équipe a été reçue à l’Élysée par Chirac. Ça avait de la gueule ! » se souvient avec admiration Marie Bodin qui a rejoint le projet l’année suivante.

« Comme ces jeunes, François était quelqu’un qui parlait très ouvertement de son statut sérologique, de son homosexualité comme de tout sans aucun tabou », note encore Bertrand Audoin, qui se rappelle aussi d’un homme discret et modeste qui ne cherchait pas à se mettre en avant. « C’était quelqu’un auprès de qui on pouvait se confier. Il était attentif et était toujours de très bon conseil, ce qui ne l’empêchait pas d’énoncer clairement les problèmes quand quelque chose n’allait pas » se souvient encore l’ancien directeur, qui l’a plusieurs fois vu rentrer furax dans son bureau. « Il relayait toujours les difficultés de l’équipe qui n’osait pas me parler directement avec délicatesse, si bien que même des situations un peu compliquées parvenaient à se résoudre et nous finissions par en rire », conclue-t-il.  

C’était quelqu’un d’attachant, curieux de tout, cultivé, ouvert aux autres. Florence Thune, directrice générale de Sidaction

« C’est un mec qui aimait rire, nous confirme Didier Valentin, un ami qui l’a connu à Sol en Si. Je me souviendrais toujours de son rire, un rire particulier et très communicatif. Avec une bande d’amis, nous nous retrouvions tous les ans dans un restaurant où nous rigolions ensemble parfois jusqu’à très tard dans la nuit. » Il aimait la fête et le champagne et organisait tous les ans une grande fête dans sa maison de Creil.

C’était aussi un esthète qui ne passait pas inaperçu. « Il était toujours très bien habillé et très élégant », se souvient encore Miassa Aimene, qui a été son amie et collègue à Sidaction, comme nous le confirment de nombreuses autres personnes.

« Il a failli mourir vingt fois mais il conservait toujours beaucoup d’humour et de recul. Je me souviens que quand il a fêté ses 50 ans, son carton d’invitation, c’était « 50 ans. Qui l’eut cru ? » nous confie Marie Bodin. « Être séropositif depuis presque trente ans demande obstination et persévérance. Pour celles et ceux qui seront contaminés depuis moins longtemps cela leur demandera la même rigueur et la même observance », prévenait-il à la soirée de lancement de Sidaction en 2015 où il était venu témoigner.

Après avoir quitté l’association en 2009, il s’était engagé dans un mouvement citoyen de tendance écologiste dans sa chère ville natale de Creil. Amoureux de cette ville où ses parents avaient tenu un commerce et où il a vécu toute sa vie, il entendait développer toutes sortes de projets culturels qui lui tenaient à cœur comme à la Faïencerie dont il était administrateur.

Passionné de danse qu’il aimait autant regarder que pratiquer, François était un homme très cultivé qui s’intéressait à beaucoup de choses. « Les conversations que l’on avait avec lui n’étaient jamais banales », se souvient Marie Bodin. « C’était un puits de science, profondément érudit qui lisait beaucoup », nous confirme Didier Valentin qui comme quelques amis avait reçu il y a quelques semaines, le premier jet d’un livre où il racontait son parcours avec la maladie. Un livre que ses amis comptent bien faire publier pour qu’une dernière fois son exemple puisse servir aux autres. 

J’ai traversé l’épidémie, sur le fil, avec angoisse et terreur. Je suis un survivant, survivre à une telle catastrophe ne vous laisse pas indemne. François Benet

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