vih Guerre aux labos, toujours !

10.10.17
Mikaël Zenouda, président d’Act Up-Paris, avec les militant·e·s de l’association
3 min

Billet d’humeur

« Jet de faux sang sur les labos », une phrase que les journalistes aiment à écrire en cette période de sortie du film [120 battements par minute, NDLR] retraçant avec réussite une période d’Act Up-Paris. Rares sont les journalistes à vouloir parler de la lutte d’aujourd’hui. Pourtant, sur l’industrie pharmaceutique, il y aurait à dire : nous constatons que la relation entre les associations et les labos a changé, sous l’impulsion de ces derniers, qui ont la mémoire courte.

Les Melton Pharm[1] souhaitent que soit oubliée leur dette de sang, dette envers les malades des pays pauvres, qu’ils privent de traitements en fixant des prix inaccessibles et en faisant pression pour les empêcher d’émettre des licences obligatoires et de recourir à des génériques.

Nos corps expérimentent les effets indésirables des molécules, davantage les femmes et les personnes trans, minorées, voire exclues des essais, afin de faire fructifier leurs marges. Et il faudrait que l’on accepte les diminutions importantes et/ou l’arrêt des aides financières accordées par les Melton Pharm aux associations. Pour faire passer ces coupes, il est devenu la règle d’être financé par projet spécifique recueillant les honneurs du labo. Nos projets sont réalisés par nos vies, pour nos vies, et personne n’en jugera mieux que nous.

Le dernier Melton Pharm rencontré par Act Up-Paris avait paradé à la Marche des fiertés de 2017, nous disant qu’il faisait partie de la communauté et qu’il avait été atteint par nos dénonciations. Chaque jour, dans nos soins, lorsque nous ingérons ses molécules, nous l’avons en horreur. Il n’a pas sa place dans une marche représentant notre colère. Lorsque dans les magazines publiés par nos communautés, il occupe des pages promotionnelles, nous restons dans l’incompréhension.

Les Melton Pharm veulent qu’on les reconnaisse comme des acteurs de la santé publique, aux côtés du patient·e, payant des études sociales sur les malades, faisant de la publicité aux gays sur les vertus de leurs molécules. Ces petites cautions n’effaceront pas la moitié des séropositif·ve·s dans le monde qui ne sont pas sous traitement par leur faute. Nos militants aux os partis en poussière, aux reins bousillés… iront devant les caméras en parler – et ce seront les plus jeunes, car les journalistes aiment ça – tant que les aides associatives ne seront pas rétablies et que les prix des traitements ne seront pas revus.

[1] Melton Pharm est un laboratoire fictif imaginé à partir de trois laboratoires pour le film 120 battements par minute.

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