Au moment de l’étude, la séroprévalence du VHC sur les personnes détenues était 6 fois supérieure à la population générale. Pour Michel Celse, conseiller expert au CNS (Conseil national du sida et des hépatites virales) et membre du groupe de travail sur l’avis -dont la sortie était prévue courant novembre- sur la prévention, le dépistage et le traitement de l’hépatite C chez les personnes détenues, même si la prévalence du VHC en France a très certainement baissé dans la population générale, comme chez les personnes détenues, il semble que cet écart entre prison et milieu ouvert reste équivalent. Pour cet expert, les personnes détenues sont une population clé dans le processus d’éradication de cette épidémie. Et par conséquent, déployer une stratégie auprès d’eux et à leurs bénéfices, est un enjeu déterminant par rapport à l’objectif du gouvernement. « Penser que les détenus sont une population à part est une erreur, précise-t-il. Globalement, chez les détenus concernés par le VHC, souvent usagers de drogue, on observe un parcours fait de petites peines à répétition. Ils réalisent des allers-retours entre la détention et le milieu ouvert. C’est une population qui circule beaucoup. »
Des dépistages insuffisants
Ainsi pour le CNS, l’objectif principal est de réussir à impulser la mise en place d’un dépistage et d’une mise sous traitement rapide pour favoriser la guérison durant la détention. Le premier frein à tout cela, c’est le dépistage. « On estime qu’une personne sur deux se fait dépister en prison », précise Michel Celse, un chiffre assez faible, qui peut s’expliquer par le délai existant entre la proposition de dépistage et sa réalisation. « Il y a bien sûr le facteur refus, cas tous les détenus se voient proposer un dépistage lors de leur visite médicale d’entrée, mais il y a aussi un problème d’organisation, de raccourcissement des délais » ajoute-t-il. Concrètement, une perdition est constatée entre le moment où le détenu accepte de se faire dépister et sa convocation. Pour ceux qui se font dépister et qui se révèlent positif au VHC, la prise en charge vers le traitement est assurée de manière correcte. Mais c’est au niveau des délais que la marge de progression est encore énorme. L’expert du CNS estime que dans certains établissements, « un délai de six mois, entre l’annonce de la séropositivité au VHC et le début du traitement, a été observé. Dans l’idéal, il faudrait, et c’est possible, le réduire à deux semaines. »
La RDR sur le banc de touche
Le deuxième point faible pointé du doigt par le CNS, c’est la question de l’accès à la réduction des risques. Pour Ridha Nouiouat, « ce qui est choquant, c’est que des plans, des programmes qui sont en place depuis des années, voire des décennies à l’extérieur, ne sont pas appliqués en prison. Comme c’est le cas de la réduction des risques qui est en place depuis 2005 en France. On sait aussi que la plupart des usagers de drogue font un séjour en prison à un moment de leur vie, mais la RDR n’est pas mise en place en prison. Un médecin qui va donner un steribox à l’hôpital à un patient pourra le refuser quelques heures plus tard à un patient détenu parce que le personnel pénitentiaire estime que c’est trop dangereux. C’est un non-sens. » Et si la loi du 26 janvier 2007 précise bien que la RDR doit être étendue à la prison, l’absence d’un décret d’application, bloqué par les syndicats du personnel, empêche sa mise en place. Dans les faits, chaque médecin décide en son âme et conscience. Le TROD quant à lui, reste encore très rarement utilisé. Un constat ahurissant pour Michel Celse, confirmé par Ridha Nouiouat pour qui le souci vient aussi du manque d’échanges entre le monde associatif et le milieu pénitentiaire : « les associations qui font du TROD à l’extérieur sont rarement les bienvenues ».
L’avis du CNS sur la prévention, le dépistage et le traitement de l’hépatite C chez les personnes détenues devait sortir fin novembre. Il doit apporter un éclairage sur les pratiques en cours dans les prisons et proposer des axes de progression en vue de l’élimination de l’hépatite C. Un rapport plus détaillé devrait être disponible courant décembre. Des retours qui rejoignent en grande partie les éléments soulevés dans le guide « promotion de la santé, VIH et prison » édité par Sidaction le 1e septembre 2019. Parmi les engagements du gouvernement, figure la mise en place de ces recommandations sur le terrain dans les années à venir.