vih High-Level Meeting on HIV/AIDS : enjeux et limites d’une réunion au sommet

23.06.21
Sonia Belli
7 min
Visuel High-Level Meeting on
HIV/AIDS : enjeux et limites d’une réunion au sommet

Prévue pour être le tremplin d’une décennie d’action pour réduire les inégalités et éradiquer les déterminants sociaux qui alimentent l’épidémie de VIH/sida, la dernière réunion de haut niveau sur le VIH/sida des Nations Unies s’est heurtée au difficile consensus entre États membres.

Quarante ans après le signalement du premier cas de VIH/sida et vingt ans après sa première session extraordinaire pour faire face à l’épidémie, l’Assemblée générale des Nations Unies a convoqué son cinquième High-level meeting (HLM, réunion de haut niveau en français) on HIV/AIDS du 8 au 10 juin dernier, à New York.

Cette réunion quinquennale de haut niveau a pour mission de donner une impulsion globale à la lutte contre le VIH/sida, avec des engagements forts des États sur un certain nombre de principes et d’interventions, d’examiner les progrès réalisés depuis la session précédente et d’adopter une nouvelle Déclaration politique pour guider l’orientation future des réponses à apporter.

Concrètement, le HLM réunit des chefs d’États, des ministres de la santé, des hauts fonctionnaires des Nations Unies, des représentants d’organisations internationales, du secteur privé, de la société civile, du monde universitaire, des personnes vivant avec le VIH et d’autres parties prenantes engagées dans la lutte contre le VIH/sida, qui discutent sur les priorités et les grands axes stratégiques et des moyens pour traduire cette Déclaration politique en actions et en résultats.

Lors de cette cinquième édition, à laquelle 169 États membres avaient répondu présents, les principaux enjeux ont porté sur la stigmatisation et la discrimination, la marginalisation et la criminalisation de communautés entières[1], et le manque d’accès à la santé, à l’éducation et à d’autres services essentiels, qui continuent d’alimenter l’épidémie. Si les discussions ont permis des avancées significatives dans la nouvelle Déclaration politique, sur certaines questions, un frein de taille demeure : l’obtention d’un consensus entre les États membres.

Les engagements clés de la Déclaration politique

« Le High-level meeting a débouché sur des choses positives, reconnaît Arben Fetai, chef de la politique européenne de l’ONG néerlandaise Aidsfonds. Je pense notamment aux objectifs exprimés en pourcentage sur les questions de lois discriminatoires, de discrimination, de stigmatisation, de leadership communautaire, de financement de programmes de prévention… Sans oublier qu’il y a eu pour la première fois des engagements clairs et chiffrés sur les populations clés, des groupes qui n’existaient pas auparavant dans les documents des Nations Unies ».

Pour les populations clés (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, travailleurs/ses du sexe, usagers de drogues, personnes transgenres et personnes en milieu carcéral), les États membres se sont en effet fixé pour objectif d’ici 2025 que moins de 10 % des pays disposent de cadres juridiques et politiques restrictifs conduisant au refus ou à la limitation de l’accès aux services contre le VIH/sida. Ils se sont aussi engagés à faire en sorte que moins de 10 % des personnes vivant avec le VIH, exposées au risque d’infection ou affectées par le VIH soient confrontées à la stigmatisation et à la discrimination d’ici 2025. En parallèle, de nouvelles cibles ont été définies pour fournir à 95 % des personnes exposées au risque de contracter le VIH un accès à des options de prévention combinée, permettre à 95 % des personnes vivant avec le VIH de connaître leur statut sérologique et d’être sous traitement, et enfin, faire en sorte que 95 % des personnes sous traitement contre le VIH soient sous suppression virale.

Interrogée sur la position française sur ces questions, Stéphanie Seydoux, ambassadrice pour la santé mondiale, qui était présente au High-level meeting aux côtés d’Olivier Véran, Ministre des Solidarités et de la Santé, a assuré que la France avait porté « ce message de respect des droits humains au Conseil d’administration du Fonds mondial et d’Unitaid et fait en sorte que ces barrières soient bien identifiées dans la nouvelle stratégie de l’Onusida ».

Sur l’aspect financier, les États membres se sont accordés sur la somme nécessaire pour financer la riposte au VIH/sida,29 milliards de dollars par an d’ici 2025 dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Un chiffre qui inclut un investissement prévu d’au moins 3,1 milliards de dollars dans les « leviers » sociétaux, notamment la protection des droits de l’homme, la réduction de la stigmatisation et de la discrimination, et la réforme législative.

Un difficile consensus entre États membres

Reste cependant que sur les 169 pays présents au HLM, 165 ont voté pour la Déclaration politique et 4 contre (Russie, Biélorussie, Syrie et Nicaragua). Un chiffre qui peut sembler faible mais qui représente un vrai frein, selon l’Onusida : « Il est très important que la Déclaration soit adoptée par consensus, car nous avons besoin d’un plan mondial pour les cinq prochaines années, dont les pays pourront être tenus responsables de la mise en œuvre, et non de plans nationaux ».

Les sujets les plus clivants ont concerné les droits humains (éducation à la sexualité, santé sexuelle et reproductive, orientation sexuelle, genre, populations clés…) et ne sont pas passés dans la Déclaration politique, à l’exception des engagements sur les populations clés. « L’opposition est surtout intervenue sur les questions de souveraineté nationale, notamment du côté des pays dits conservateurs sur les droits humains. Mais les Européens, des Américains ou la Suisse ne sont pas en reste non plus sur les questions de propriété intellectuelle. Ils ont quant à eux évoqué l’intérêt national pour bloquer des mesures destinées à faciliter l’accès aux médicaments… Le droit à la santé est pourtant lui aussi un droit humain », pointe Arben Fetai.

Si le chef de la politique européenne d’Aidsfonds souligne les limites du HLM, Stéphanie Seydoux, estime pour sa part que « ce genre de réunion de haut niveau des Nations Unies n’est pas le lieu d’avancées exceptionnelles. Elle ne fait que refléter un travail de fond, produit par les organisations de la société civile, les associations, les fonds multilatéraux, les États… tous les acteurs impliqués dans la lutte contre le sida chaque jour ».

Précisément, la place dévolue aux acteurs de la société civile a été un autre point de friction lors du HLM. Alors que leur travail débute habituellement bien en amont de la réunion, la crise sanitaire a, en partie, compliqué leur mobilisation et leur intégration dans le processus. « Dans beaucoup de pays, la société civile a eu des difficultés à intégrer les délégations nationales ou a été intégrée extrêmement tard, ce qui empêche de pouvoir alerter sur certains aspects de la Déclaration politique. Il n’y a par exemple pas eu d’intégration officielle de la société civile dans la délégation française malgré nos sollicitations, regrette Hélène Roger, directrice du pôle Analyses et Plaidoyer chez Sidaction. Si l’on ajoute à cela la difficulté à trouver du consensus et le fait de voir certains pays s’afficher aussi ouvertement anti-droits humains, sans qu’aucune voix ne s’élève, cela devient préoccupant. Ce n’est pas simplement une question de principe mais une question de pragmatisme sur ce qui fonctionne ou non dans la lutte contre le VIH/sida ».

Notes

[1] Les femmes et les filles en Afrique subsaharienne et les populations clés (gays et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, travailleurs et travailleuses du sexe, personnes transgenres, consommateurs et consommatrices de drogues injectables, population carcérale) ainsi que leurs partenaires, qui continuent d’être particulièrement victimes du VIH.

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