vih Homophobie : un combat sur tous les fronts

17.05.21
Romain Loury
6 min
Visuel Homophobie : un combat
sur tous les fronts

Au Nord comme au Sud, l’homophobie demeure très souvent la norme. Gays ou personnes trans, mais aussi les associations qui les soutiennent, en font régulièrement les frais. Si la situation demeure dramatique, les acteurs de la cause LGBT, en Afrique comme en Europe de l’Est, gardent l’espoir de jours meilleurs.

2.031 cas de violences en 2020, contre 1.380 en 2019 et 1.134 en 2018 : tel est le bilan des actes de violence contre les LGBT camerounais, compilé par les associations Humanity First Cameroon et Alternatives Cameroun. Pour la plupart, ces crimes demeurent impunis.

Exemple, le cas de Tobi, 20 ans, assassiné en août 2018 par son frère en raison de son orientation sexuelle. « Nous avons porté plainte, mais le dossier a disparu. L’affaire a été interrompue, et le frère a disparu dans la nature », déplore Jean-Jacques Dissoke, chargé de plaidoyer d’Alternatives Cameroun.

Avant même de s’adresser à la police, nombreuses sont les victimes qui n’osent pas porter plainte, de peur que leur homosexualité soit dévoilée au grand jour. Elles « ont peur que cela remonte à leurs parents, et préfèrent rester dans leur coin, ce qui engendre des dépressions », observe Naomi Campbell, responsable de projets LGBT à l’association burkinabé REVS Plus et présidente de Transgenders Burkina Faso.

Pourtant, plusieurs pays ont amélioré leurs pratiques. Exemple en Côte d’Ivoire, pays où l’homosexualité n’est pas pénalisée : certes, « l’homophobie est toujours là, mais les violences ont un peu baissé, car il y a eu beaucoup de formation des forces de l’ordre, des magistrats et des médecins », explique Claver Touré, directeur d’Alternative Côte d’Ivoire.

Idem au Cameroun, dont la loi 347-1 continue à punir « toute personne qui a des relations sexuelles avec une personne de son sexe » d’une peine allant jusqu’à cinq ans de prison : malgré cette disposition, qui ne s’applique en théorie qu’au flagrant délit, les associations LGBT ont désormais voix au chapitre, notamment sur le plan stratégique national de lutte contre le VIH.

Les personnes trans, cibles d’une haine populaire

Malgré de timides signes d’amélioration, les violences restent fréquentes. Et ce sont de plus en plus souvent les femmes trans qui en font les frais. « Des agressions physiques, nous en subissons beaucoup. Et des agressions verbales, tous les jours », constate Naomi Campbell. « Il y a une véritable haine contre la population trans », renchérit Claver Touré.

Celui-ci évoque le cas récent d’une femme trans, agressée par une bande de jeunes qui a tenté de la violer, avant qu’elle ne tombe entre les mains de policiers « qui l’ont déshabillée et filmée ». Alternative Côte d’Ivoire envisage de porter plainte auprès des autorités policières, afin de retrouver les auteurs de ces actes.

L’espoir de retrouver les auteurs de violences, voire de ces meurtres, demeure cependant minime : « au cours des dernières années, on compte cinq à six LGBT assassinés chaque année dans le pays, mais nous n’avons pas accès aux conclusions des enquêtes », déplore Claver Touré. « Il n’y a jamais eu de cas jugé. A ma connaissance, il y a eu un seul cas où l’assassin a été retrouvé, mais il n’y a pas eu de procès après. La plupart du temps, les policiers n’ont pas les moyens de s’occuper de ces affaires », indique le directeur d’Alternative Côte d’Ivoire.

Cette violence s’étend souvent aux associations elles-mêmes, qu’il s’agisse d’agressions d’activistes ou de vandalisme des locaux : en février, ceux d’Alternatives Cameroun à Douala en ont été la proie, avec vol d’argent et de matériel informatique. Fin janvier 2014, les locaux d’Alternative Côte d’Ivoire étaient attaqués, vandalisé par une foule de riverains homophobes. « Nous avons été auditionnés, les auteurs ont été entendus, mais on attend toujours le procès. A ce jour, personne n’a été condamné », déplore Claver Touré.

En Ukraine, ouverture et conservatisme

Hors d’Afrique, la situation est aussi parfois critique. Exemple en Ukraine, où le directeur de l’association Tochka Opory, Tymur Levchuk, doit quitter l’appartement qu’il partage avec son compagnon, après que celui-ci a échappé début mai à une agression au couteau par leur voisin. Pour les LGBT, les agressions verbales et physiques sont légion, notamment « du fait de groupes radicaux, de droite, religieux ou conservateurs », explique-t-il. Face à ces cas, « la police est très inefficace ». Difficile de connaître les chiffres officiels des actes homophobes en Ukraine : ceux-ci ne font pas l’objet d’une catégorie distincte, et sont groupés avec les actes de hooliganisme.

Quant au cyberharcèlement, la norme pour les LGBT ukrainiens, il demeure sans réponse légale. Là aussi, toute victime s’adressant à la police risque de voir son orientation sexuelle dévoilée à sa famille ou son employeur, prétendument pour les besoins de l’enquête.

Faisant écho à sa position géopolitique fragile, l’Ukraine, tiraillée entre l’Union européenne et la Russie, se trouve aussi divisée sur la question de l’homosexualité : d’une part, de jeunes générations ouvertes, quelques politiciens favorables à une liberté accrue ; d’autre part, des anciens sourds à la parole LGBT, survivants d’une ex-URSS où l’homosexualité était interdite.

« Il existe deux fractions très différentes en Ukraine, et il n’y a pas de dialogue entre les deux », observe Tymur Levchuk. Si la Russie est souvent dénoncée, à l’Ouest, pour son peu de tolérance envers les LGBT, l’Ukraine, qui a « besoin du soutien des Etats-Unis et de l’Union européenne », sera tenue de faire bonne figure sur la question. Un espoir que cultive aussi Jean-Jacques Dissoke, interrogé sur la loi 347-1 camerounaise : « la loi changera un jour. Toute société est dynamique, et l’Etat devra faire avec. Il lui faudra s’adapter aux faits nouveaux ».

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