vih HPV : pourquoi vacciner les garçons ?

05.12.23
Dorothée Duchemin
7 min
Visuel HPV : pourquoi vacciner les garçons ?

Effective depuis le 1er janvier 2021, la vaccination contre le HPV élargie aux garçons âgés de 11 à 14 ans peine à convaincre. À tel point que le gouvernement a lancé une campagne ciblant tous les élèves de cinquième à la rentrée 2023.

Une campagne de vaccination contre les papillomavirus humains (HPV) a débuté à la rentrée de septembre dernier dans tous les collèges de France. Elle s’adresse à l’ensemble des élèves de cinquième (filles et garçons). Précédemment préconisée chez les jeunes filles de 11 à 14 ans révolus, les personnes immunodéprimées des deux sexes et les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), et ce, jusqu’à 26 ans, la vaccination s’est finalement ouverte, après la recommandation de la Haute Autorité de santé en 2019, aux garçons de 11 à 14 ans – une recommandation effective depuis le 1er janvier 2021.

Selon l’OMS, le groupe formé par les virus du papillome humain comprend 200 types : 13 sont classés à haut risque cancérogène, d’autres sont responsables des verrues génitales. Le vaccin Gardasil 9©, utilisé dans la campagne de vaccination française, cible neuf types de HPV : deux responsables de verrues et sept oncogènes, dont le « 16 », le plus largement répandu.

En septembre 2023, seul·es 48 % des filles et 13 % des garçons âgé·es de 15 ans avaient reçu au moins une dose de vaccin. Des chiffres bien en deçà de ceux de nos voisins européens ou, par exemple, de l’Australie, pays qui a commencé un programme national de vaccination pour les filles en 2007, avant de l’étendre aux garçons en 2013.

En 2020, selon les chiffres de l’Académie nationale de médecine, la couverture vaccinale dépassait 50 % dans 20 pays européens et 75 % dans 11 d’entre eux (dont le Portugal, l’Espagne et le Royaume-Uni). La France pointait à la 27e position avec une couverture vaccinale de 41 %, très loin des objectifs fixés par la stratégie nationale de santé sexuelle et le plan cancer (60 % chez les adolescentes âgées de 11 à 19 ans en 2023 et 80 % à horizon 2030).

Vacciner les garçons bénéficie à tou·tes

En France, chaque année, 6 400 cancers induits par le HPV sont diagnostiqués. En outre, chez près de 100 000 personnes (hommes et femmes), les HPV sont responsables de la survenue de verrues génitales. « Celles-ci sont bénignes, souvent récurrentes, possiblement envahissantes. Elles peuvent nuire à la sexualité et être délétères au quotidien», précise la Pr Cécile Badoual, cheffe du service d’anatomopathologie à l’hôpital européen Georges-Pompidou (Paris) et spécialiste des papillomavirus humains.

Une contamination par un HPV est la cause principale du cancer du col de l’utérus – environ 3 000 cas par an en France. En 2015, les HPV étaient aussi responsables d’une centaine de cancers du pénis, 200 cancers de la vulve et du vagin, de 1 500 cancers anaux, dont 400 chez les hommes, et de 1 700 cancers de la sphère ORL – les cancers oropharyngés –, dont près de 80 % d’entre eux touchent des hommes [i]. 

À la lecture de ces chiffres, préconiser la vaccination pour les filles et pour les garçons est justifié. Elle peut, en premier lieu, faciliter son acceptabilité et l’adhésion des parents. Concernant les garçons, la vaccination n’était jusqu’à récemment recommandée que pour les HSH. « Outre une possible stigmatisation, le message n’était clair ni pour les parents ni pour les médecins », note la professeure.

Par ailleurs, Cécile Badoual explique que « pour les cancers de la sphère ORL, qui touchent majoritairement les hommes, on ne dispose pas de tests ou d’imagerie permettant de détecter les lésionsdysplasiques [précancéreuses, ndlr]. Ces cancers se localisent souvent au fond de la gorge, et les patients consultent généralement à un stade évolué, voire métastatique. Épidémiologiquement, il s’agit d’hommes âgés de 55 à 65 ans. »

La vaccination, une nécessité de santé publique 

Une étude, parue cet été dans The Lancet [ii], livre des résultats inquiétants. L’équipe internationale de chercheurs mobilisés a estimé la prévalence des HPV chez les hommes en analysant 65 études réalisées dans 35 pays et incluant 44 769 hommes âgés de 15 ans et plus. Résultats : 31 % des hommes sont atteints par un HPV et 21 % d’entre eux ont été contaminés par un HPV à haut risque oncogène. En ce sens, aucune raison ne justifie que les filles soient les seules à porter la charge de la vaccination.

Actuellement, on connaît l’impact de la vaccination chez les filles sur la prévalence du cancer du col de l’utérus. Il suffit de jeter un œil sur les chiffres en Australie. « Au cours des cinq premières années du programme, parmi les premiers indicateurs de succès, on a observé une diminution de 77 % du nombre de femmes âgées de 18 à 24 ans atteintes du HPV. Les anomalies cervicales précancéreuses ont diminué de 34 % chez les 20 à 24 ans, ce qui signifie un risque beaucoup plus faible de développer un cancer du col de l’utérus »,détaillait pour le journal Le Point Karen Canfell, en charge de la coordination de la campagne nationale australienne [iii].

Elle ajoutait : « Il y a également eu une baisse marquée des verrues anogénitales chez les femmes au début de la vingtaine. De plus, on a constaté une baisse du taux de verrues génitales chez les jeunes hommes hétérosexuels avant même leur inclusion dans le programme de vaccination. […] Au fil du temps, le programme de vaccination réduira également le fardeau d’autres cancers liés au virus, comme les cancers de la tête, du cou et de l’anus. »

« Au fil du temps » ? En général, les cancers HPV-induits surviennent dix à trente ans après une infection. Il faut donc que la population ciblée par la vaccination vieillisse suffisamment pour obtenir des données fiables du nombre de cancers évités. « On sait déjà que les lésions précancéreuses de bas grade, de haut grade et aussi des cancers du col [de l’utérus] diminuent dans les pays qui ont mis en place un programme de vaccination. Pour les cancers de l’oropharynx, comme je l’ai déjà précisé, on n’a pas les moyens d’identifier les lésions dysplasiques. Il faut donc que la population vaccinée des filles et des garçons atteigne l’âge où apparaissent ces cancers pour montrer la potentielle baisse effective de leur nombre », explique la Pr Cécile Badoual.

Ces cancers viro-induits sont nombreux, leur origine infectieuse est connue et largement documentée. La généralisation de la vaccination (garçons et filles) doit permettre de réduire significativement les risques liés au HPV.

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