vih IAS 2017 : Ils nous racontent leur conférence

27.07.17
10 min

Pendant les quatre jours de la 9e Conférence scientifique sur le VIH et les symposiums pré- ou post-Conférence, les résultats scientifiques récents, l’état de l’épidémie ainsi que le travail qui reste à fournir pour atteindre l’objectif des 3 x 901 ont été exposés et débattus. Ici, quelques chercheurs et acteurs communautaires nous racontent leur Conférence.

Elisabeth Menu, Inserm, CEA de Fontenay-aux-Roses, Institut Pasteur, Paris

Par Sophie Lhuillier

Vous vous intéressez à la transmission sexuelle du VIH et vous travaillez sur l’immunité muqueuse au niveau du tractus reproducteur féminin. Au regard de votre domaine, quels ont été les résultats et les discussions les plus importants ?

Les discussions les plus importantes concernent notamment le rôle du microbiote sur la susceptibilité à l’infection VIH et sur l’efficacité de certains antirétroviraux. En effet, le gardnerella, une bactérie du microbiote, interagit avec le ténofovir et diminue son efficacité. Cette information récemment publiée (Nichole Klatt, Science 02 Jun 2017: Vol. 356, Issue 6341, pp. 938-945) est majeure car le ténofovir fait partie des traitements utilisés en prévention, sous forme de gel ou de comprimés (PrEP).

La prise en considération des infections sexuellement transmissibles (IST), avec une session consacrée (« HIV and STIs: The Terrible Lovers », le mardi 25 juillet), est un élément nouveau à l’IAS 2017. Les IST augmentent la susceptibilité à l’infection VIH et il est important que les recherches sur le VIH soient élargies aux co-infections.

On s’intéresse de plus en plus aux réponses immunitaires au niveau des muqueuses, qu’elles soient humorales ou cellulaires, et à l’environnement local qui peut moduler ces réponses. Il s’agit de connaissances qui donnent des indications sur les réponses à booster pour un vaccin ou d’autres stratégies de prévention. Ainsi, une étude chez le macaque montre que l’inoculation d’un candidat vaccin directement sous l’épithélium vaginal, ce qui permet une présentation des antigènes vaccinaux par les cellules souches épithéliales, induit des réponses immunitaires efficaces, et à plus long terme (Marie-Claire Gauduin, Texas Biomedical Research Institute, États-Unis). Une étude prometteuse à confirmer.

De retour au laboratoire, que rapporterez-vous de l’IAS 2017 de Paris ?

L’actualité de la conférence nous confirme que les recherches en cours dans notre laboratoire font parties des priorités du domaine, ce qui est encourageant. Les interactions avec les autres chercheurs travaillant sur des thématiques proches, ou moins proches, enrichissent notre réflexion.

Dr Anne-Sophie Beignon, UMR 1184, CEA, Inserm, Université Paris Sud, Fontenay-aux-Roses.

Par Sophie Lhuillier

Vous travaillez sur les modes d’action des vaccins. À cet égard, quels ont été les résultats et les discussions les plus importants ?

Plusieurs éléments m’ont paru importants, scientifiques et non-scientifiques. C’est l’avantage de ce genre de conférences pluridisciplinaires.

La présentation « Novel envelope proteins to induce neutralizing » de Rogier Sanders (AMC, Pays-Bas) m’a donné accès à des informations qui ne sont pas encore toutes publiées, car il ne s’agit pas de résultats, mais de la mise en place d’essais cliniques de vaccination sur la base d’essais précliniques, qui, eux, sont publiés.

Ces essais vont tester différentes stratégies visant à induire des anticorps neutralisants à large spectre. En fait, les choses sont allées très vite depuis la connaissance de la structure du trimer de l’enveloppe du virus, avec les avancées technologiques pour isoler ces anticorps, et les essais chez l’homme et les premiers candidats vaccins.

Pour ce qui est des résultats scientifiques, le projecteur a été mis sur le rôle des cellules NK et T CD8+ dans les organes lymphoïdes, qui contrôleraient l’infection en éliminant les T CD4 dans les centres germinatifs. Ces données sont issues d’études précliniques avec des comparaisons entre des modèles contrôlant l’infection, et d’autres ne la contrôlant pas. Ce sont de nouveaux corrélats immunologiques de protection. La question se pose désormais de les induire avec un vaccin.

Au-delà de la science, je suis allée sur le stand « Paris sans sida » et cela m’a permis de m’informer sur les actions de dépistage et d’orientation vers une prise en charge, qui se coordonnent en Île-de-France. Dans le contexte de mon travail au laboratoire, je n’ai que trop rarement l’occasion d’échanger avec les acteurs de terrain.

De retour au laboratoire, que rapporterez-vous de l’IAS 2017 de Paris ?

J’étudie la dynamique des réponses précoces, innées et acquises, mémoires aux vaccins, ainsi que leurs interactions dans un contexte de primo-vaccination suivi de rappels. À plusieurs occasions, lors de présentations à l’IAS, il a été observé que le délai entre les deux injections vaccinales impacte la réponse immunitaire par les anticorps. Cela consolide mon hypothèse, ce qui est un véritable « booster » ! Mon défi, c’est justement de prédire le calendrier de vaccination optimal, en identifiant les mécanismes mis en jeu.

Mélanie Plazy, université de Bordeaux

Par Vincent Douris

Vos recherches portent sur l’accès aux soins et à la prévention en Afrique subsaharienne, notamment en Afrique du Sud. Que retenez-vous de l’IAS 2017 ?

Je me suis rendue à la Conférence en tant que membre de l’équipe de rapporteurs du Track C, qui avait pour mission de résumer toutes les sessions concernant les recherches portant sur la prévention. J’ai été marquée par le nombre de présentations sur le thème de la PrEP orale, montrant l’avancée de la recherche sur cette thématique et impliquant différentes disciplines, de la virologie à l’épidémiologie en passant par les sciences sociales.

Les études qui suggèrent une bonne acceptabilité et efficacité de la PrEP ont été menées dans plusieurs contextes, notamment auprès des HSH et des personnes transgenres dans différentes régions du monde, et des adolescents en Afrique subsaharienne. Mais peu de données concernant l’utilisation de la PrEP chez les professionnel(le)s du sexe, une population à haut risque, ont été présentées. Il a aussi été confirmé que la PrEP à la demande, utilisée lorsque les prises de risque ne sont pas régulières, pouvait être une stratégie de prévention efficace. De nombreuses questions restent cependant en suspens : comment diminuer encore plus les effets indésirables (qui, selon les études, ne sont néanmoins pas sévères) ? Comment réduire l’effet de fatigue, qui se traduit par une moins bonne observance de la PrEP au cours du temps, observée dans plusieurs études, et pouvant entraîner une réduction de son efficacité ? Ou encore, comment rendre cette stratégie de prévention accessible aux personnes qui en ont besoin dans le monde ?

Que vous apportent ces travaux dans votre parcours professionnel ?

Cela confirme ma motivation à travailler au sein d’équipes multidisciplinaires, afin de continuer à développer et évaluer la mise en place de stratégies de prévention telles que la PrEP. Je participe d’ailleurs à la réflexion sur un projet de recherche visant à estimer une offre de soins globale (intégrant notamment la PrEP) et communautaire (via des cliniques mobiles) auprès des professionnelles du sexe en Côte d’Ivoire.

Vous travaillez sur l’immunité anti-VIH. À cet égard, quels ont été les résultats et les discussions les plus importants ?

Les progrès sur l’étude des anticorps neutralisants à large spectre sont impressionnants, le fait de pouvoir, à l’avenir, les utiliser en thérapeutique, ou prophylactique, ouvre des perspectives fascinantes, comme l’annonçait Michel Nussenzweig (The Rockefeller University, États-Unis) dans sa présentation du lundi 24 juillet : « Potential role of bNAbs in HIV cure ».

Ces anticorps, en plus de leur effet direct sur le VIH, qui favorise la diminution de la charge virale, permettent de réinitier une réponse immune efficace de l’hôte contre le virus. Cela remet sur le devant de la scène l’intérêt d’aller plus loin dans l’étude des cellules T, parallèlement à l’étude des anticorps. Un axe souligné, par exemple, par Sarah Rowland-Jones (Université d’Oxford, Angleterre) dans son exposé, mercredi 25 juillet, sur la « renaissance » des lymphocytes T CD8+.

Par ailleurs, c’est la première fois que j’assiste à une conférence de cette envergure, qui associe à la fois des chercheurs fondamentaux comme moi, mais aussi des cliniciens, des représentants d’ONG, des activistes, des épidémiologistes et des chercheurs en sciences sociales. C’est une vision beaucoup plus globale de l’épidémie que ce que nous pouvons vivre au laboratoire. C’est très motivant. Je suis admiratif du travail effectué par les acteurs de terrain, et notamment les activistes.

De retour au laboratoire, que rapporterez-vous de la conférence ?

La conférence m’a conforté dans le fait qu’il faut mieux caractériser d’un point de vue fondamental les mécanismes d’initiation de la réponse immune.

Dr Arnaud Moris, CNRS, centre d’immunologie et des maladies infectieuses, CIMI, Inserm U1135, Paris

Par Sophie Lhuillier

Giovanna Rincon, association Acceptess-T

Par Vincent Douris

Vous avez été invitée à tenir l’un des discours d’ouverture de l’IAS 2017. Que retenez-vous de cette Conférence ?

On a enfin la certitude que l’on peut maîtriser l’épidémie et envisager l’éradication du VIH. Mais le relâchement de l’engagement des principaux financeurs et des institutions internationales les plus puissantes peut remettre en question l’application des acquis scientifiques. Évidemment, dans une conférence scientifique telle que l’IAS, la place des activistes est relative. Mais on ne peut plus dissocier activisme et science. On est à un moment crucial : on peut maîtriser l’épidémie à condition de disposer des moyens financiers nécessaires. Cela dit, je regrette que tout soit réduit à la situation clinique. La question de la qualité de vie et de la qualité des soins, de la reconnaissance et de la protection des personnes n’a pas été suffisamment abordée. Dans la stratégie 3 x 90, il manque un quatrième objectif, celui de la protection des droits, du renforcement de la qualité des soins et de la qualité de vie.

Qu’est-ce que votre participation à la Conférence vous a-t-elle apporté sur un plan professionnel ?

Cette Conférence m’a fourni l’opportunité d’avoir, en France, une fenêtre de plaidoyer pour porter à la première personne la question de l’impact de l’épidémie sur les personnes transgenres. C’était l’opportunité d’inverser la situation habituelle : pour la première fois, c’est une personne transgenre qui a porté la voix de tous les publics clés. C’était aussi l’occasion de faire entendre que certains de ces publics, comme les personnes transgenres, cumulent l’ensemble des facteurs de vulnérabilité des autres populations. Enfin, c’était l’occasion de mettre en avant le travail que nous menons à Acceptess-T et de rencontrer un grand nombre de personnes engagées sur les mêmes thématiques ailleurs dans le monde : c’est important pour renforcer le travail mené à l’échelle internationale en faveur des communautés transgenres.

Notes

1 – Objectifs de l’Onusida pour 2020 : 90% des personnes vivant avec le VIH devront être dépistées, 90% des personnes diagnostiquées devront recevoir un traitement antirétroviral durable et 90% des personnes traitées devront avoir une charge virale durablement supprimée.

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