Quelle est la particularité de votre l’étude ?
Sidaction n’est pas la seule structure à travailler sur cette question ; il y a déjà eu de nombreux états des lieux qui mentionnent le retard du traitement du VIH pédiatrique par rapport au VIH adulte dans cette région du monde. Cependant, la grande nouveauté de cette enquête, ce que nous apportons, c’est que nous sommes allés chercher les informations aux endroits mêmes où les enfants prennent les traitements (sites de dispensation, associations communautaires, etc.). Il ne s’agit pas de « données pays » – qui reflètent rarement la réalité pour les enfants –, mais bien de chiffres collectés tout au bout de la chaîne, là où les jeunes patients reçoivent – ou pas – leur traitement.
Quels en sont les principaux enseignements ?
Cette étude nous a permis de constater que les traitements antirétroviraux (ARV) pédiatriques de première ligne sont de plus en plus accessibles sur les terrains : il y a eu une amélioration notable entre 2008 et 2018. Cependant, il y a un « mais ». Dans les faits, il existe encore beaucoup de « bricolage » pour que les enfants soient traités en continu par un traitement adapté. Ruptures des stocks liées à des problèmes logistiques ou à des changements de recommandations sans période de transition, modification des combinaisons du jour au lendemain, manque de disponibilité des formes galéniques (adaptées aux enfants), changements brutaux de recommandations nationales… Tout cela nuit considérablement à la bonne observance et augmente le risque de résistances.
Non sans lien avec la question des résistances, l’étude constate également des lacunes en termes d’accès au génotypage et à la charge virale. Pour cette dernière, d’importants progrès ont été accomplis en théorie (84 % des sites y accèdent plus de dix mois sur douze en 2018, contre 10 % en 2008), mais, en pratique, cela ne se traduit malheureusement pas par une mesure de la charge virale annuelle pour 84 % des enfants, et ce, pour de multiples raisons : les appareils sont souvent en panne ou les réactifs en rupture de stock ; l’analyse est parfois sous-prescrite et payante ; l’acheminement des échantillons et le retour des résultats sont souvent à améliorer… Bref, la réalité est loin d’être aussi positive.
Dans le sillage de cette publication, quelles sont les priorités pour améliorer l’accès aux ARV pédiatriques dans cette région ?
Il est urgent d’améliorer l’accès au suivi virologique, qui doit être indissociable de l’accès au traitement adapté. Par ailleurs, si l’on peut observer que les recommandations publiées en 2016 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur le diagnostic et la prise en charge du VIH pédiatrique sont à peu près bien appliquées, ce n’est pas le cas de celles émises en 2018. On constate un écart de trois ou quatre ans entre la date des recommandations et leur concrétisation pratique. Ainsi, si l’OMS est là pour formuler des recommandations, il faut être lucide sur le fait que les pays, pour diverses raisons (temps de transposition au niveau national, questions de logistique, de formation, etc.), sont en décalage. Notre enquête a donc aussi pour objectif de montrer qu’il ne faut pas négliger l’accompagnement des acteurs de terrain à la mise en place des recommandations : malgré les progrès dans l’accès à certains traitements et analyses, la qualité n’est pas encore au rendez-vous.
Étude publiée en juin dernier par Sidaction : preprod-fcinq.sidaction.org/sinformer/transversal/ressources/documents/1/777d4a8-1000-Etude_Acces-aux-ARV-pediatriques-et-analyses-virologiques_Sidaction_FR-1.pdf