Une étude canadienne, récemment publiée dans la revue Plos Biology, a mis en évidence l’implication des neutrophiles, une sous-population de cellules immunitaires, dans l’inflammation chronique et l’altération de la fonction et du nombre de lymphocytes T, associés à l’infection VIH.
Les neutrophiles font partie des nombreuses populations cellulaires du système immunitaire qui circulent dans le sang. Composante de l’immunité innée, elles agissent en première ligne de défense contre les agressions que subit l’organisme. Leur mode d’action repose principalement sur leurs capacités de phagocytose et de dégradation des pathogènes. En effet, après avoir reconnu des motifs spécifiques présents à la surface des micro-organismes (bactéries, virus), ces cellules vont les ingérer (= phagocytose) et les dégrader en utilisant des molécules oxygénées ou des enzymes [i]. Une autre fonction de ces neutrophiles consiste en la sécrétion de protéines spécifiques de l’immunité, notamment des chimiokines, qui permettent d’appeler au site de l’infection d’autres types de cellules immunitaires.
Dans le cadre de l’étude canadienne menée par l’équipe du Dr Elahi (Université d’Alberta), les chercheurs ont analysé les échantillons sanguins de 115 personnes vivant avec le VIH (PvVIH) et 60 personnes non infectées. Ils ont porté leur attention sur les gènes qui étaient exprimés par les neutrophiles dans les deux groupes, pour voir s’il existait des différences dans les profils d’expression. Les résultats indiquent que les neutrophiles isolés de PvVIH ont un profil d’expression plus activé que celui des personnes non infectées. Concernant la nature des gènes exprimés, le profil d’expression chez les PvVIH tend vers des fonctions pro-inflammatoires. Les données ont également pu mettre en évidence que les profils transcriptionnel et fonctionnel des neutrophiles chez les PvVIH différaient selon le nombre de lymphocytes T CD4.
La galectine-9, future cible thérapeutique ?
Les scientifiques ont ensuite porté leur attention sur la galectine-9, une protéine produite par les neutrophiles, quand ils sentent un signal de danger. Cette protéine a de multiples fonctions et interagit notamment avec d’autres cellules immunitaires. Ils ont observé chez les PvVIH, une diminution de l’expression de galectine-9 à la surface des neutrophiles à mesure que l’infection progresse. Ce déclin est même plus prononcé pour les PvVIH ayant un faible taux de lymphocytes T. Cette diminution d’expression de la galectine-9 passe par la perte de la protéine à la surface des neutrophiles, qui va se retrouver dans le sang. Elle se lie alors à la molécule CD44 présente à la surface des lymphocytes T, entrainant leur activation. La présence en grande quantité de galectine-9 dans le sang pourrait alors apparaitre comme une des sources de l’activation immunitaire chronique, caractéristique de l’infection VIH, qui contribuerait à l’épuisement des lymphocytes T.
L’implication de la galectine-9 dans la physiopathologie de l’infection VIH a été source de nombreuses recherches. Selon une étude américaine de 2016, cette protéine jouerait un rôle dans la régulation de la transcription du VIH et de la production virale pendant le traitement [ii]. Rapidement libérée, au cours de l’orage cytokinique qui a lieu lors d’une infection aiguë par le VIH-1, la galectine-9 se maintient à des niveaux élevés malgré la suppression virale, contribuant potentiellement à l’inflammation continue et au dysfonctionnement persistant des lymphocytes T [iii]. Ces dernières données semblent aller dans le même sens que l’étude canadienne.
Pour conclure, les neutrophiles via la galectine-9 représenteraient un des mécanismes à l’origine de l’activation immunitaire exacerbé et l’inflammation chronique retrouvées dans l’infection VIH et conduisant à un vieillissement immunitaire précoce. Au regard de ces données, la galectine-9 pourrait apparaître comme une potentielle cible thérapeutique pour lutter contre l’infection VIH, sur un autre front que celui du virus.
[i] https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2009/09/medsci2009258-9p699/medsci2009258-9p699.html
[ii] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27253379/
[iii] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24786365/