Elle aurait pu vivre la nouvelle de sa séropositivité comme une tragédie, mais cela aurait été sans compter sur son indéfectible optimisme et son exceptionnelle force de caractère. Ingrid n’a jamais été une femme que l’on a envie de plaindre. Elle est un modèle de résilience et la preuve vivante que l’on peut toujours aller de l’avant malgré l’adversité.
« J’ai appris ma séropositivité en 1994, à l’occasion d’une opération des dents de sagesse, deux mois avant mes 40 ans. Pour préparer l’intervention, le dentiste avait demandé un test VIH sans m’en avertir. Comme j’ai toujours été en pleine forme, je suis tombée des nues lorsqu’il m’a annoncé le résultat, et plus encore quand il a ajouté qu’à la lumière des examens j’étais séropositive depuis au moins cinq ans.
À l’époque, il n’existait quasiment pas de traitement. Pendant un ou deux ans, on m’a prescrit des antibiotiques, puis de l’AZT. Ensuite, j’ai pris une trithérapie, puis une quadrithérapie quej’ai beaucoup moins bien supportée. Le traitement était très lourd et attaquait énormément mon foie.Les médicaments n’étaient alors pas très adaptés aux femmes. Ils déformaient notre corps et amaigrissaient nos membres. J’ai ce côté un peu amaigri au niveau des jambes et des bras à cause d’une lipodystrophie, laquelle s’est vue un temps aussi sur mon visage avant que je consulte un chirurgien esthétique qui a fait ce qu’il fallait. Je retourne le voir tous les deux ou trois ans, et cela n’y paraît plus.
Aujourd’hui, je supporte bien le traitement, même s’il me fait mal au ventre. Donc, je prends aussi des médicaments pour contrer ces effets secondaires, d’autres pour la thyroïde et pour les palpitations qui résultent au moins en partie de mon VIH, mais sinon tout va très bien ! Je suis en pleine forme !
Allez de l’avant ! Tel est le credo d’Ingrid
Je ne peux pas en dire autant des personnes séropositives que je connais. Elles ont la cinquantaine, mais la maladie se lit sur leur visage. Elles ont les traits marqués, ont l’air tristes et déprimées, comme si elles portaient en permanence un poids sur leurs épaules. Leur santé n’est pourtant pas mauvaise, mais elles sont obsédées par le VIH, n’ont que cela en tête. Je pense que c’est leur principal problème, car maintenant nous sommes très bien soignés et suivis. C’est devenu une maladie chronique. C’est comme avoir de l’asthme. Personnellement, je préfère avoir le VIH qu’un cancer ou le diabète.
Quand j’ai appris ma séropositivité, c’est comme si j’avais suivi une psychothérapie subite. Du jour au lendemain, j’ai changé ma vie. Cela m’a permis de tout relativiser.
J’ai adopté une bonne hygiène de vie. J’ai arrêté de sauter des repas. J’ai ralenti mon rythme de vie qui était un peu effréné et j’ai amélioré ma qualité de sommeil. J’ai également diminué ma consommation d’alcool, mais c’est vrai que j’ai eu la chance d’être très bien entourée. Je vivais avec quelqu’un à qui j’ai été obligée de le dire. Il a fait le test. Par chance, il était séronégatif. Il m’a beaucoup aidée. Encore aujourd’hui, nous formons un couple même si nous vivons chacun de notre côté. Par contre, ma famille ignore tout de ma maladie. Ils ont très peur de ce genre de choses. Je ne voulais pas les angoisser pour rien, je ne leur ai donc jamais dit et c’est très bien ainsi.
J’ai 66 ans et je n’ai pas le sentiment que mon parcours de vie a été très affecté par ma séropositivité. Je n’ai jamais souffert de discrimination. Je ne me suis jamais mariée et je n’ai pas eu d’enfant, mais cela me convient parfaitement. Concernant ma carrière professionnelle, je n’ai jamais pris le moindre jour d’arrêt maladie ou d’hospitalisation à cause du VIH. Pourtant, je n’ai jamais ménagé ma peine. Après un début de carrière dans l’esthétique, je me suis réorientée dans la restauration. J’ai tenu deux restaurants à Bordeaux. Je passais de la cuisine au service en permanence. Dans la restauration, je peux vous dire que le travail est très dur, mais cela s’est toujours bien passé. Tout le monde est persuadé que nous sommes continuellement fatigués. Je voudrais dire aux gens qu’on peut avoir le VIH et être fier de son parcours de vie. »
* Son prénom a été modifié afin de préserver son anonymat, car sa famille ne connaît pas son état.
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