vih Islatravir, pause sur les essais

15.03.22
Angeline Rouers
4 min

Islatravir, molécule d’action à longue durée contre le VIH, avait un avenir prometteur. Pourtant, le 18 novembre 2021, le laboratoire pharmaceutique Merck (MSD), qui la développe, a annoncé dans un communiqué officiel la mise en pause de son expérimentation [i]. Le point sur ce revirement.

Lislatravir est un inhibiteur nucléosidique de la translocation de la transcriptase inverse (INTTI). Cette molécule présente différents avantages. D’une part, sa longue durée d’action, en raison d’une longue demi-vie intracellulaire, même à faible concentration. D’autre part, son mécanisme d’action visant la translocation, très conservé et laissant peu de chance au développement d’une potentielle résistance.

Les promesses d’islatravir

Cet inhibiteur était étudié pour le traitement des personnes vivant avec le VIH (PVVIH), en prise orale quotidienne, et pour les programmes de prophylaxie préexposition (PrEP), en comprimé mensuel ou via un implant cutané. Dans ces contextes, les données pharmacologiques et de sécurité de la molécule avaient été validées [ii, iii]. Et une étude de phase 1 pour tester l’islatravir par voie injectable en PrEP avait démarré.

Son utilisation en traitement chez les PVVIH a eu de très bons résultats, avec une suppression de la charge virale après 24 semaines de traitement. Ensuite, les patients recevaient en bithérapie la combinaison islatravir/doravirine [iv].

L’islatravir répondait donc parfaitement aux défis actuels, à savoir une simplification du traitement, associée à une bonne efficacité, avec, en outre, son fort potentiel à être utilisé en PrEP.

La pause des essais

En décembre 2021, 13 essais utilisant l’islatravir étaient en cours : sept en traitement thérapeutique et six en PrEP [v]. Le 13 décembre, la Food and Drug Administration (FDA, l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux) décide la mise en pause des essais à la suite d’une diminution du nombre de lymphocytes observée chez les personnes recevant la molécule. La chute est corrélée à la dose reçue.

Dans le cas du traitement thérapeutique des PVVIH, qui ont déjà un taux de lymphocytes CD4 affecté par le VIH, une chute des cellules immunitaires due au traitement est particulièrement problématique et justifie la suspension des essais, afin également d’en comprendre les raisons. L’effet le plus important a été observé chez les PVVIH recevant une forte dose d’islatravir une fois par semaine, avec une diminution jusqu’à 50 % des CD4, passant parfois sous la barre des 200 CD4/mm3 de sang. Aucun rebond viral n’a cependant été détecté.

En ce qui concerne les programmes de PrEP, une diminution de 20 % de l’ensemble des lymphocytes a été constatée – lors de la prise orale mensuelle – et doit également être investiguée.

L’islatravir a été maintenu dans un seul scénario : les essais de switch, qui consistent dans le passage d’un traitement antirétroviral (bictégravir/emtricitabine/ténofovir alafénamide) à une prise quotidienne par voie orale d’islatravir/doravirine chez des PVVIH présentant une charge virale indétectable à l’inclusion. Pour ces essais, l’inclusion est terminée et une faible chute des CD4 a été observée. Le double aveugle a alors été levé, et les personnes recevant la combinaison islatravir/doravirine seront monitorées régulièrement afin de détecter toute chute importante des CD4.

Un mécanisme à élucider

Pour le moment, les scientifiques ont seulement formulé des hypothèses quant au mécanisme par lequel l’islatravir induirait une diminution des lymphocytes (lymphopénie). « Elle [la diminution] semble dose-dépendante. On pense que la toxicité est probablement directe, peut-être par action sur les mitochondries, explique le Pr Jean-Michel Molina, responsable des essais utilisant islatravir à l’hôpital Saint-Louis (Paris). Des lymphopénies avaient été aussi observées lorsqu’on utilisait des associations de didanosine (ddl) et d’hydroxyurée ou stavudine (d4T). »

Concernant les essais d’un implant l’islatravir (en PrEP), le recrutement n’avait pas encore débuté et ces essais sont donc suspendus. Les scientifiques restent toutefois confiants quant au développement de cet implant. La dose quotidienne délivrée par ce dernier est beaucoup plus faible que le comprimé et devrait donc poser moins de problèmes.

L’utilisation d’islatravir – au dosage actuel – remet en question la balance bénéfice/risque pour les PVVIH, mais aussi pour les personnes séronégatives. En attendant des réponses, tous les pays engagés dans les essais ont interrompu son utilisation. Il est cependant trop tôt pour fermer définitivement la porte à cet inhibiteur. Si l’ajustement des doses s’avère concluant, l’islatravir pourra reprendre son chemin, avec l’accord des autorités sanitaires.

Agissez
Pour lutter contre le VIH/sida
Je donne
45€

Pour informer
24 personnes
sur le dépistage.

Faire un don
hearts

Pour contribuer à lutter contre le VIH

Nos actus

Toutes les actus
Restez informés En vous inscrivant à la newsletter
Vous acceptez que cette adresse de messagerie soit utilisée par Sidaction uniquement pour vous envoyer nos lettres d’information et nos appels à la générosité. En savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits.
Partagez,
likez,
tweetez
Et plus si affinités