vih « It’s a sin », quand une fiction booste le dépistage

01.04.21
Cécile Josselin
7 min
Visuel « It’s
a sin », quand une fiction booste le dépistage

Il y avait « Philadelphia », « The Normal Heart », « 120 battements par minutes »… Il y aura maintenant « It’s a sin ». Plus efficace que de longs discours, une fiction sur le VIH peut avoir un vrai impact sur le public, faire réfléchir et doper les dépistages. « It’s a sin » en est une belle illustration.

À la fois drôle et tragique, terriblement touchante, « It’s a sin », la nouvelle série de Russel T. Davies (Years and Years, Queer as Folk, Doctor Who…) enchaîne à raison les commentaires dithyrambiques.

Après avoir séduit les Britanniques, cette fiction écrite par un ardent défenseur de la communauté LGBTQ+ a débarqué en France récemment sur Canal+. La série suit les débuts dans la vie adulte de cinq personnages animés par une incroyable envie de profiter de la vie en assumant au grand jour leur homosexualité dans le Londres des années 80 (1981-1991).

Il y a d’abord Ritchie, incarné par Olly Alexander (chanteur de Years and Years), un étudiant en droit originaire de l’île de Wight qui se lie d’amitié avec Jill Baxter (Lydia West) [i], une jeune étudiante en théâtre pétillante et pleine de vie. Véritable pilier du petit groupe, c’est elle qui éveillera les consciences et prendra soin de tous. Ils sont vite rejoints par Roscoe (Omari Douglas), barman haut en couleur qui quitte avec fracas sa famille nigériane qui veut le renvoyer au pays pour le guérir de ses penchants « sodomites ».

Tout ce petit monde s’installe dans le « Pink Palace », un appartement miteux où la bande vit dans une bonne humeur communicative avec Ash, jeune étudiant bien dans sa peau et Colin (Callum Scott Howells), un jeune homme poli et réservé, originaire de Galles du Sud qui est apprenti vendeur chez un grand tailleur de Savile Row.

Le déni autour du VIH dans la communauté gay des années 80

Sans y prendre garde, le thème du sida fait son apparition dès les quinze premières minutes. C’est d’abord une anecdote new-yorkaise dont on n’entend qu’un lointain écho qu’ils ne prennent pas du tout au sérieux. « Une grippe gay, ça n’existe pas. C’est ridicule. ça ferait la une des journaux », lance un personnage. La maladie est même l’objet d’une théorie du complot « Le sida, tu sais ce que c’est ? C’est une arnaque des labos. Tu y crois à cette maladie qui ne cible que les gays ? Elle repère que tu es gay et te tue et pas les autres (…) Sérieusement, un cancer gay ? Comment un cancer peut être gay ? ça se voit à quoi ? Il est rose ? (…) Ils veulent nous dégouter du sexe parce qu’ils sont frustrés, voilà la vérité. »

Le réalisateur pointe aussi l’homophobie rampante des années Thatcher avec sa dangereuse section 28 [ii]. Il dénonce la discrimination dont ont souffert les premiers malades enfermés à double tour dans des chambres d’hôpital immenses pour des raisons nébuleuses de santé publique, les questionnaires médicaux humiliants, les funérailles d’où sont exclus le compagnon du défunt et ses amis gay, cette maladie qui tue et que l’on tait tant elle est honteuse…

Internet n’existait pas encore et l’on sait encore peu de choses des modes de contamination du VIH. Alors, on se tient à distance des malades même quand il s’agit de proches. Dans le deuxième épisode, un personnage s’occupe de son ami séronégatif en portant des gants de ménage et finit par casser la tasse dans laquelle celui-ci a bu de peur qu’elle ne véhicule le VIH à un autre colocataire.

Contrairement à « 120 battements par minutes » ou « The Normal Heart », « It’s a sin » met en scène la majorité silencieuse. « L’immense majorité de celles et ceux qui ont vécu les années sida n’était pas en première ligne. J’en fais partie », confiait Russel T. Davies à Télérama (15/03/2021). Il ne se contente pas de dénoncer l’homophobie ambiante, il rend à la communauté homosexuelle sa part de responsabilité dans le déni et la décision d’un des personnages de continuer à avoir des relations sexuelles non protégées après son diagnostic.

Réception et impact dans la lutte contre le VIH au Royaume-Uni et en France

Très bien préparée, la sortie de la série le 22 janvier 2021 sur Channel 4 a été un immense succès. Vue par plus de 18 millions de Britanniques sur la plateforme de la chaîne en comptant sa diffusion télé et les replays, cette fiction en cinq épisodes a pulvérisé tous les records d’audience devenant la série dramatique la plus regardée de la chaîne à ce jour. Ce qui est encore plus remarquable, c’est le retentissement de la série dans la lutte contre le VIH.

Sortie fort à propos une semaine avant la « HIV Testing Week » qui fait tous les ans la promotion du dépistage du VIH outre-Manche, elle a permis de battre un deuxième record, celui des autotests demandés en une seule journée au Terrence Higgins Trust [iii]. Les vidéos sensibilisant aux tests sur les réseaux sociaux, les débats organisés à l’occasion de la série ont contribué à améliorer la connaissance du public sur la situation actuelle de la maladie, ce qui est loin d’être inutile quand on songe qu’encore aujourd’hui 33 % des Français de 15-24 ans interrogés estiment être mal informés sur le sida [iv].

[ii] Amendement controversé à l’acte de gouvernement local de 1986 au Royaume-Uni, abrogé en 2003 qui interdisait de promouvoir intentionnellement l’homosexualité. Il pouvait dissuader les professeurs d’aborder le problème de l’homophobie comme la prévention des maladies sexuellement transmissibles, comme le sida chez le public homosexuel.

[iii] 8200 contre 2800 habituellement (17 000 en une semaine). Le Terrence Higgins Trust est l’association caritative de référence dans la lutte contre le VIH/Sida au Royaume-Uni. Habituellement

[iv] Sondage Sidaction : Les jeunes, l’information et la prévention du sida. 22/03/2021.

[v] Le traitement comme prévention

En France, où la série est diffusée sur Canal Plus, l’effet est plus difficile à estimer car la chaîne (payante) ne communique pas sur son audience. Mais des initiatives voient le jour, notamment via les COREVIH Arc Alpin et PACA Est qui ont décidé d’utiliser le hashtag #leVIHachangé (qui reprend #HIVhaschanged utilisé en Angleterre) pour accompagner la sortie de la série. « L’idée est double, nous indique Anne Monnet-Hoël, coordinatrice du COREVIH Arc Alpin : inciter au dépistage en relançant la campagne d’envoi d’autotests à domicile et communiquer sur le message I=I (Indétectable = Intransmissible). » 

« Au COREVIH PACA Est, nous faisons la promotion des dépistages en CeGGID et en laboratoire via l’opération « Au labo sans ordo », qui permet de demander un dépistage Elisa sans passer au préalable par un médecin, explique Julie Valbousquet, qui en est la coordinatrice. À part au moment du Sidaction et autour du 1er décembre, on ne parle plus beaucoup du VIH. Alors, une série comme celle-ci nous a semblé être un excellent support pour relancer le débat et rappeler des notions comme le TASP [v]. »

Notes

[i]Inspirée par Jill Nalder, une amie du réalisateur qui joue dans la série le rôle de la mère de Jill Baxter.

[ii] Amendement controversé à l’acte de gouvernement local de 1986 au Royaume-Uni, abrogé en 2003 qui interdisait de promouvoir intentionnellement l’homosexualité. Il pouvait dissuader les professeurs d’aborder le problème de l’homophobie comme la prévention des maladies sexuellement transmissibles, comme le sida chez le public homosexuel.

[iii] 8200 contre 2800 habituellement (17 000 en une semaine). Le Terrence Higgins Trust est l’association caritative de référence dans la lutte contre le VIH/Sida au Royaume-Uni. Habituellement

[iv] Sondage Sidaction : Les jeunes, l’information et la prévention du sida. 22/03/2021.

[v] Le traitement comme prévention

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