vih « J’ai passé la nuit à Orly comme un prisonnier qui a commis un crime »

31.05.16
Frédérique Prabonnaud
3 min

Discrimination à la française : le témoignage de Souhaila Bensaid, présidente de l’Association tunisienne de prévention positive (ATP+).

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Lettre d’invitation, billets d’avion, visa pour les États-Unis : représentante des populations clés et des personnes vivant avec le VIH en Tunisie, la présidente d’ATP+ était invitée à New York par l’Onusida pour représenter la région MENA (Middle East and North Africa) lors d’une réunion de haut niveau. Le 3 avril, elle prend l’avion sans problème à Tunis. Mais à l’aéroport d’Orly, les douaniers lui demandent un visa Schengen pour passer d’un terminal à l’autre.

Personne ne l’avait prévenue qu’il fallait un visa de transit, et elle n’avait pas eu de problème lors de son dernier voyage aux États-Unis via l’aéroport Charles-de-Gaulle. Mais à Orly, les services visas sont fermés la nuit. Souhaila Bensaid explique qu’elle doit partir le lendemain matin pour New York, pour assister à une réunion importante. La militante est confiante : « C’est l’État français, ils sont corrects ! » Une confiance vite trahie. « J’ai passé la nuit comme un prisonnier qui a commis un crime », raconte-t-elle : fouille par une policière qui confisque ses médicaments ; passage chez un médecin qui lui explique que c’est « la procédure, pour savoir si vous prenez des médicaments dangereux ». « Je ne savais pas qu’il y a des médicaments dangereux, je sais qu’il y a des médicaments qui guérissent », répond celle qui est soignée par antirétroviraux depuis 2007.

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À l’hôtel où elle est conduite, deux policiers l’attendent devant la chambre. Quand elle leur demande ses médicaments, ils ne lui donnent que la dose nécessaire pour la nuit. Sans verre d’eau ni rien à manger. Impossible de récupérer les gouttes pour les yeux dont elle a pourtant besoin toutes les 15 minutes parce qu’elle n’a plus de larmes. Et toujours aucune information. Trois fois dans la nuit, un policier homme entre dans sa chambre : « Ils n’ont même pas respecté mon intimité. » Le lendemain matin, après une nuit sans dormir, Souhaila est persuadée qu’elle va finalement pouvoir prendre son vol pour New York. À la sortie de l’hôtel, ce n’est pas une navette qui l’attend mais une voiture de police. Et quand on la conduit enfin à l’embarquement, c’est pour prendre un avion pour… Tunis. Souhaila Bensaid est expulsée vers la Tunisie !

Expulsée vers la Tunisie

Ils n’ont même pas respecté mon intimité

« Je suis une activiste, qui part dans un pays lointain pour défendre les droits des populations, et je me retrouve maltraitée, mes droits sont bafoués, explique-t-elle aujourd’hui. Ce type de situation est dangereux car il risque d’entraîner des réactions de haine. Ça ne doit pas se reproduire ! »

Depuis, la présidente d’ATP+ a été reçue à l’ambassade de France à Tunis où elle a pu raconter son histoire. Attendant des excuses officielles, elle espère que les règles vont changer pour les voyageurs en transit, mais voudrait surtout que chacun soit « traité avec un minimum de respect et d’humanité ». Une évidence pour cette activiste qui se bat depuis des années pour faire respecter les droits humains.

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