Dans SurVivant! Mes 30 ans avec le sida, l’élu Jean-Luc Romero revient sur sa vie avec le VIH et nous fait revivre, à travers le récit de son combat, les débuts de la mobilisation contre l’épidémie.
C’est un des livres auxquels je tiens le plus avec Virus de vie, dans lequel j’avais révélé ma séropositivité. C’est un sujet sur lequel il est très difficile d’écrire et d’être entendu : le sida n’intéresse personne, pas même les éditeurs. Mais je célèbre, d’une certaine manière, un anniversaire, celui de mes trente années de vie avec le virus. C’était pour moi l’occasion de raconter l’histoire de la lutte contre le sida vue par un militant de longue date. En dehors du Sidaction et du 1er décembre, on ne parle pas du VIH/sida aujourd’hui, ce qui est un grand paradoxe, car jamais autant de personnes n’ont vécu avec le VIH dans le monde ! Je pense qu’il est important de rappeler ce qu’est l’histoire de ce virus et de faire connaître à des personnes qui ne sont pas spécialistes ce qu’est la prévention diversifiée, par exemple. Quand on voit qu’actuellement 20 % des jeunes pensent que le VIH se transmet en s’embrassant [selon le sondage IFOP pour Sidaction de mars 2016], on se dit qu’il y a un petit souci… Mais mon livre a également une dimension plus personnelle, puisque j’y raconte mon combat individuel, devenu collectif.
Qu’est-ce qui a inspiré ce dixième ouvrage ?
Mon livre a également une dimension plus personnelle, puisque j’y raconte mon combat individuel, devenu collectif.
Pour intéresser un large public, il fallait que cette histoire soit incarnée, qu’elle ne soit pas trop « technique ». Donc, il fallait que je me confie un minimum. Je ne suis pas un écrivain ni un acteur et je trouvais dommage de ne délivrer qu’un témoignage personnel. Mais je souhaitais tout de même expliquer la difficulté de vivre sur le long cours avec le VIH, afin de sortir des clichés véhiculés par tous ceux qui banalisent cette maladie. Oui, on peut vivre avec le VIH, et il faut donner de l’espoir, mais je pense qu’à travers mon histoire chacun comprendra qu’il est quand même plus simple d’être séronégatif que séropositif…
Vous vous êtes beaucoup livré.
Que ce soit clair : je ne suis pas un historien et je revendique l’aspect partial de mon récit. Je n’ai pas tout raconté, puisque je n’ai pas tout vécu. Je voulais néanmoins être au plus près de la vérité, je me suis donc documenté ; depuis le temps que je suis investi, j’ai beaucoup d’archives. Après avoir lu SurVivant, Willy Rozenbaum [médecin et chercheur, spécialiste du VIH] m’a dit qu’il avait appris des choses ! J’en suis très heureux.
Votre livre est très documenté. Comment avez-vous procédé pour vos recherches ?
Je ne suis pas un historien et je revendique l’aspect partial de mon récit.
Oui, je pense qu’il existe forcément de moins en moins de gens qui peuvent raconter ce qui s’est passé au début de l’épidémie et j’en fais partie. Il a quelque temps, j’ai vu un film qui m’a beaucoup marqué, The Normal Heart[téléfilm américain de Ryan Murphy, 2014]. Il raconte la mobilisation des gays américains dès les années 1981. Contrairement aux politiques, aux journalistes et à tous les autres, les gays ont été très rapides à se mobiliser. Cette histoire est inconnue des plus jeunes, parfois séropositifs. Il faut que chacun se rappelle que l’on doit de nombreuses avancées à ces personnes vivant avec le VIH, ces hommes et ces femmes qui se sont pris en main et qui pour la plupart ont aujourd’hui disparu. Je trouve important de leur rendre hommage.
On sent actuellement une vraie volonté de la communauté des militants de raconter l’histoire de la lutte contre le sida. Votre témoignage s’inscrit-il dans cette démarche ?
J’ai pensé à tous ceux qui ont eu moins de chance que moi et qui sont moins des vivants que des survivants.
Non, pas du tout ! J’ai objectivement évoqué les réponses dans ce domaine de tous les présidents français qui se sont succédé, quel que soit leur bord politique. En France, Jacques Chirac a été le seul président à vraiment porter la riposte au VIH/sida et, dans le monde, il y a eu Lula [ex-Président du Brésil]. Aujourd’hui, il n’y a plus de Chirac ou de Lula à agir, c’est une simple réalité. Je reconnais de notre gouvernement actuel les grandes avancées et, en parallèle, un manque de portage sur le plan politique.
Vous citez de nombreuses personnalités publiques, notamment politiques. Ce livre est-il une manière de régler vos comptes ?
Au départ, seule figurait la majuscule à « Vivant », importante pour moi. Puis, j’ai pensé à tous ceux qui ont eu moins de chance que moi et qui sont moins des vivants que des survivants. J’ai ajouté le grand « S » en hommage à tous ceux que le virus a empêchés de construire une vie affective, sexuelle, professionnelle, etc.