Jean-Valéry*, séropositif en situation de grande précarité, raconte les difficultés de son quotidien.
« Né à Libreville, au Gabon, je suis arrivé en France, à Paris, il y a un peu plus de deux ans. Je ne comptais pas rester, seulement passer quelques semaines de vacances chez un ami. Lors de mon séjour, il m’a proposé de l’accompagner à l’hôpital Lariboisière pour faire un test de dépistage du VIH. Il m’a dit : “On ne sait jamais, en Afrique vous n’êtes pas assez informés…” D’une certaine façon, j’ai bien fait de l’écouter, car sinon je n’aurais jamais su que j’étais séropositif. Le médecin qui m’a annoncé mes résultats m’a expliqué que je me serais retrouvé tôt ou tard à l’hôpital, j’aurais pu faire un malaise ou je ne sais quoi. Il m’a expliqué tout ce que je devais savoir sur le virus, les CD4, etc. À ce moment-là, mon ami a prévenu mes parents au Gabon et cela a créé beaucoup de tensions. Il était hors de question que j’y retourne, même si j’y avais tous mes repères. J’y ai laissé mes trois filles, qui me manquent énormément – la plus jeune a 4 ans aujourd’hui. J’avais aussi un bon poste là-bas, j’étais chauffeur pour l’assemblée départementale de ma localité, et je pouvais subvenir aux besoins de ma famille. C’est très dur.
Depuis un an, je dors en hébergement d’urgence.
Aujourd’hui, à 38 ans, je suis globalement en bonne santé : je prends mes médicaments comme il se doit, ma charge virale est indétectable, je fais du sport, de la course à pied… Mais depuis un an, je dors en hébergement d’urgence. L’ami qui m’hébergeait m’a dupé et m’a mis à la porte dès que mes réserves d’argent ont été épuisées. J’ai réussi à obtenir un titre de séjour et à m’inscrire à Pôle emploi, ce qui m’a permis de passer une formation “sécurité incendie”. Mais j’ai eu bien du mal à réviser et à assimiler mes cours en étant au 115 [Samu social], car il y a beaucoup de personnes qui se comportent n’importe comment, qui ont perdu le sens de la vie et la confiance en eux·elles-mêmes. Désormais je cherche du travail, mais je ne trouve pas et je ne sais pas pourquoi. J’en ai pourtant besoin pour avoir un logement décent. Et aussi pour avoir accès au traitement contre l’hépatite C, dont je suis porteur également, car il coûte très cher.
Lorsqu’on me croise dans la rue, on peut penser que j’ai de l’argent. Mais mon manteau m’a été offert à l’église à laquelle je vais ; mon pantalon, donné par Arcat et mes chaussures, par un ami. Pour me nourrir, je me rends dans les associations. Une connaissance m’a fait découvrir le Comité des familles, une association où j’ai rencontré certaines des rares personnes sur lesquelles je peux compter. Quand je ne sais pas quoi faire, je viens ici prendre un café. Il y a aussi Françoise*, une personne séropositive que j’ai rencontrée à l’association La Plage et qui fait beaucoup pour moi. Elle s’occupe de mon linge, et si je rate le bus du 115 et que je n’ai pas de place en hébergement d’urgence, je peux l’appeler, la porte est toujours ouverte chez elle. Malgré cela, si j’avais la possibilité de me soigner aussi bien au Gabon, je rentrerais. Cette situation de précarité me donne des idées noires. »
*Les prénoms ont été modifiés.