jefaisletest.fr : « Nous espérons compenser une partie des dépistages non réalisés à cause du
Covid » 
Présenté fin septembre lors du 22e congrès de la Société française de lutte contre le sida (SFLS), jefaisletest.fr est un dispositif innovant visant à atteindre des populations exposées non dépistées. Précisions avec Franck Barbier, responsable à la Direction innovation et programme de l’association Aides, qui a œuvré à sa mise en place.
Transversal : Qu’est-ce que « jefaisletest.fr » ?
Franck Barbier : Un site internet lancé en avril 2021 en partenariat avec l’éditeur de médias Blue Savanah, et avec le soutien de l’agence Santé publique France, qui vise à promouvoir et à faciliter le dépistage du virus du Sida (VIH). Sachant que ce dépistage est crucial à deux titres : pour éviter de contaminer d’autres personnes et ainsi mettre fin à l’épidémie de VIH ; et pour être pris en charge rapidement et préserver sa santé, en cas de résultat positif. Plus précisément, jefaisletest.fr permet l’envoi gratuit, à domicile,d’autotests (qui permettent un dépistage en 15 minutes, à partir d’une goutte de sang prélevée ou bout d’un doigt) ; et la délivrance d’informations sur l’intérêt du dépistage – mais aussi sur d’autres aspects de la prévention du risque, comme la PrEP (ou Prophylaxie Pré-Exposition), ce traitement antirétroviral qui permet aux séronégatifs à risque de contamination, de se protéger.
T. : A qui s’adresse exactement cet outil ?
F. B. : Promu par un réseau motivé de commerces et entreprises destinés aux HSH [hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, Ndlr], jefaisletest.fr cible spécifiquement cette population. De fait, ce groupe est particulièrement exposé [il a 200 fois plus de risque d’être contaminé que la population hétérosexuels, Ndlr]. Or les HSH ne recourent pas encore assez au dépistage, alors que depuis 2017 la Haute Autorité de santé (HAS) leur recommande un dépistage tous les 3 mois. Résultat, un nombre encore trop important [288 pour 10 000, contre 6 pour 10 000 chez les hétérosexuels nés en France, Ndlr] ignorent leur séropositivité. D’où la nécessité de déployer de nouvelles solutions pour mieux les atteindre et les ramener vers les systèmes de prévention et de soins.
T. : Pourquoi avoir développé « jefaisletest.fr » seulement maintenant ?
F. B. : Car le dépistage du VIH – chez les HSH mais aussi toute la population – a connu une forte baisse en 2020 et 2021 en raison de la pandémie de Covid [un rapport de l’agence Maladies infectieuses émergentes d’août 2021, fait état d’un déficit de 16 % par rapport aux dépistages sanguins attendus entre mars 2020 et avril 2021 et d’une diminution de 22% des ventes d’autotests en 2020, Ndlr]. Et pour cause : les restrictions de circulation, la peur d’être contaminé dans des lieux fréquentés, la fermeture des Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) lors du premier confinement, puis la transformation de certains d’entre eux en centres de vaccination anti-Covid, ont fortement restreint l’accès aux tests de dépistage du VIH. Nous espérons que notre outil d’envoi d’autotests gratuits à domicile permettra de compenser une partie des dépistages non réalisés à cause du Covid et d’arriver ainsi à éradiquer l’épidémie vers 2030, comme prévu à la base.
T. : Concrètement, comment fonctionne ce dispositif ?
F. B. : Très simplement ! Il suffit de renseigner son nom, prénom et adresse. En effet, nous voulions éviter que les utilisateurs abandonnent leur démarche lors du remplissage du formulaire, à cause d’une longue série de questions ou d’informations. Les données recueillies sont conservées seulement le temps qu’une antenne locale de notre association Aides, proche du domicile de l’utilisateur, traite la demande – ce qui nécessite de 2 à 7 jours selon le nombre de demande et la disponibilité de nos militants. Les informations sur l’intérêt de la prévention sont délivrées elles, via des flyers insérés dans le colis. Notre outil propose également un entretien « de réduction des risques », en face-à-face ou au téléphone avec un membre de notre association. Cela, pour en savoir plus sur le dépistage, la PrEP, les groupes de paroles et les ateliers de prévention locaux, etc. ; ou tout simplement pour faire un point sur les pratiques à risque.
T. : Quels résultats à ce jour ?
F. B. : Au 12 octobre 2021, soit exactement six mois après le lancement du dispositif, 4 750 autotests ont été commandés via jefaisletest.fr. Parmi les personnes qui ont bénéficié de ce service, 42 % ont rapporté n’avoir pas fait de test de dépistage du VIH depuis plus d’un an et 17,6 % n’en avoir jamais fait – alors que, pour rappel, les autorités sanitaires recommandent un test tous les 3 mois chez les HSH. Donc notre dispositif arrive à toucher un public clé qui pourtant se faisait peu dépister jusque-là.
T. : A l’avenir, pourrait-il être étendu à d’autres publics?
F. B. : Jefaisletest.fr aurait un intérêt également auprès d’autres populations à risque, comme les personnes originaires de zones fortement touchées par l’infection, notamment l’Afrique subsaharienne et les Caraïbes, les usagers de drogues injectables et les travailleurs du sexe. Mais pour l’instant, il n’y a pas encore de projet concret en ce sens. Pour ce faire, il nous faudrait trouver d’autres canaux de communications permettant de faire de la promotion ciblée en direction de ces populations, et des financements. Ceci dit, il faut savoir que le gouvernement travaille sur un dispositif qui devrait ressembler à jefaisletest.fr, mais qui concernerait toute la population, et qui porterait sur le dépistage du VIH mais aussi d’autres IST plus fréquentes, dont notamment la gonorrhée et la chlamydia [deux infections bactériennes, Ndlr]. Cet outil devrait être lancé en 2023-2024.
