vih Jeux olympiques de Paris 2024 : faut-il craindre un boom des IST ?

07.06.24
Dorothée Duchemin
8 min
Visuel Jeux olympiques de Paris 2024 : faut-il craindre un boom des IST ?

Les Jeux olympiques de Paris débuteront le 26 juillet 2024. Alors que plusieurs millions de personnes convergeront vers la capitale pour assister à l’événement, le risque d’une augmentation des cas d’IST doit être envisagé.

Avec près de 15 millions de touristes, 15 000 athlètes et environ 40 000 journalistes attendus à Paris cet été, la question des risques épidémiques se pose et s’anticipe, surtout dans un contexte post-Covid. Intoxications alimentaires, maladies transmises par les moustiques, maladies respiratoires, rougeoles… figurent parmi les menaces infectieuses les plus probables, selon Marie Bâville, sous-directrice de la veille et de la sécurité sanitaire à la Direction générale de la santé. « À ce jour, il n’existe toutefois pas de motif d’inquiétude ni de signe d’alerte particulier », assure-t-elle dans une note publiée le 4 mars dernier sur le site de l’Inserm [i].

Quid des infections sexuellement transmissibles (IST) ? Dans cette même note, Dominique Costagliola, épidémiologiste, souligne la probable augmentation des rapports sexuels lors des JO de Paris. « Il n’est pas exclu que dans ce contexte d’échanges il y ait davantage de rapports sexuels improvisés et non protégés, estime-t-elle. Ce risque est difficile à évaluer, car nous ne connaissons pas précisément le profil des visiteurs lors de cet événement. Il semble que le public sera majoritairement familial, mais il y aura aussi certainement un grand nombre de personnes qui seront là pour se retrouver et faire la fête.» Et de prévenir : « Sur le terrain, il faudra se préparer à l’éventualité d’une augmentation des situations d’urgence pour des prescriptions de traitement post-exposition contre le VIH ou de dépistages d’infections sexuellement transmissibles. Cela impactera les services d’urgence. »

Des contaminations difficiles à dénombrer

L’alerte semble plausible au regard des chiffres des IST, en nette hausse dans l’Union européenne. Selon plusieurs rapports publiés le 7 mars dernier par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), les cas d’infections bactériennes à chlamydia ont augmenté de 16 % entre 2021 et 2022, tandis que la hausse a atteint 48 % pour la gonococcie et 34 % pour la syphilis. Trois IST respectivement responsables de 216 000, 70 000 et 35 000 cas en Europe, en 2022 [ii].

Dans ce contexte, Santé publique France (SPF) a diffusé une campagne de promotion globale en santé sexuelle du 21 mai au 9 juin. « Une mise à disposition de brochures spécialisées (l’une d’elles est dédiée aux IST) permet aux différents acteurs de terrain (associations, ARS, Centre de dépistage et de traitement VIH/IST, etc.) de s’équiper en documentation dès la semaine de la santé sexuelle, qui a lieu du 3 au 9 juin, donc en amont des Jeux olympiques de Paris », précise SPF.

L’agence assure qu’effectivement « il n’est pas possible d’exclure une hausse du nombre d’IST pendant les Jeux olympiques de Paris ». Mais il lui semble plus « probable » que ces infections « soient diagnostiquées après les JO, dans le pays de résidence des visiteurs, compte tenu des délais d’incubation des IST bactériennes et de recours aux soins ».

Pour rappel, une prise de sang est recommandée six semaines après exposition afin de confirmer une infection par le VIH. En ce qui concerne les autres IST, le délai d’incubation est de 2 à 7 jours pour le gonocoque, 1 à 2 mois pour l’hépatite B, 1 à 2 semaines pour l’herpès, 2 à 4 semaines pour la syphilis, 4 à 28 jours pour la trichomonase et 3 à 30 jours pour les chlamydioses. Dans ces conditions, il est en effet difficile d’estimer l’impact des JO sur la circulation des IST.

Sensibiliser les athlètes

Prudente, SPF s’appuie sur les grands événements passés pour relativiser la menace : «Une hausse des diagnostics d’IST bactériennes du fait de la présence de visiteurs n’a pas été observée dans les centres de santé sexuelle lors des JO précédents (Londres ou Sydney) ou lors d’autres événements de grande ampleur, comme la Coupe du monde de rugby 2023, ce qui est un point rassurant.» Cependant, une étude de 2003 [iii], portant sur les demandes de soins en santé sexuelle durant les JO de Sydney montre une hausse des risques d’infections. « Une proportion présentant des symptômes ou un contact connu avec une IST était plus élevée durant les Jeux olympiques, de 29 %», informent les auteurs de l’étude dans la revue Sage Journals.

Le comité d’organisation des JO Paris 2024 se déclare «particulièrement sensible à la recrudescence des IST dans la population générale, d’où le fait qu’elles constituent l’un des deux axes de [notre] programme de prévention ». Au sein du village olympique, 210 000 préservatifs masculins, 20 000 préservatifs féminins et 10 000 digues buccales seront mis à la disposition des 206 délégations présentes.

« L’objectif premier de Paris 2024 est de sensibiliser les athlètes aux IST et à leurs modes de transmission. Une campagne de sensibilisation sera déployée au sein de la polyclinique des Jeux, indique le comité Paris 2024. Au sein de la polyclinique [iv], des tests de dépistage, principalement du VIH, seront réalisés et une prise en charge pourra être initiée le cas échéant. La pharmacie du village [olympique] facilitera la délivrance des médicaments pour ces mêmes IST. Des traitements de prophylaxie postexposition pourront être prescrits, si indiqués.»

« Renforcer sans surmobiliser »

Pour l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France, « la première mission consiste à organiser et garantir les soins pour tous, Franciliens, visiteurs, touristes et athlètes. Concrètement, cela signifie d’abord assurer la continuité des soins à l’hôpital, mais aussi renforcer spécifiquement des établissements de santé, identifiés par l’ARS en raison de leur proximité avec les sites de compétition». Ce que Nathalie Nguyen, cheffe de projet Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 à la Direction de l’offre de soins, résume ainsi : « renforcer sans surmobiliser » [v]. Et de préciser : « Nous demandons essentiellement d’anticiper la gestion des plannings estivaux et d’avoir un volume en termes de ressources humaines et de lits légèrement supérieur à un été standard. » On parle de 340 lits de plus qu’en 2022, 4 salles de bloc [opératoire] et 6 équipes SMUR, soit 730 professionnels médicaux et paramédicaux supplémentaires. Les services d’urgences sont en premier lieu concernés par ces hausses de personnels.

En médecine de ville, cela se traduira par une capacité d’accueil plus importante dans les maisons médicales de garde les soirs et week-ends. En outre, tout comme la qualité des eaux de baignade et la présence de moustiques, les maladies infectieuses transmissibles, dont les IST, font l’objet de surveillance et de prévention en amont, selon le site de l’ARS.

Le risque sanitaire, dont ceux liés aux IST, paraît pris en compte par les différents acteurs de santé. Mais il faudra sans doute un recul de plusieurs mois pour savoir si oui ou non l’anticipation a bel et bien porté ses fruits.

Trois questions à Berthe de Laon, coordinatrice de la fédération Parapluie rouge pour la défense des droits des travailleur·euses du sexe

Trois questions à Berthe de Laon, coordinatrice de la fédération Parapluie rouge pour la défense des droits des travailleur·euses du sexe

Craignez-vous une hausse des IST parmi les TDS lors des Jeux olympiques de Paris ? 

Berthe de Laon : Pour l’heure, le risque principal n’est pas une hausse des infections sexuellement transmissibles. Toutefois, la répression contre les travailleur·euses du sexe (TDS) a été nettement renforcée à l’approche des JO, à Paris et dans les autres villes où se tiendront des épreuves. Cela a des conséquences, déjà visibles, sur les conditions d’exercice. Il est actuellement très difficile de travailler. Et plus les JO approchent, plus la situation se tend. Les TDS anticipent et, tant qu’il est encore possible de prendre des clients, travaillent davantage, quitte à accepter des pratiques plus à risque, comme un rapport sans préservatif. De ce fait, on s’expose effectivement à davantage de risques de contamination.

Quelles sont les populations les plus exposées ?

B. de L. : La répression opère actuellement aux bois de Vincennes et de Boulogne. Il s’agit avant tout de personnes migrantes, sans papiers et des personnes trans. On constate aussi une forte répression sur les Chinoises qui travaillent du côté de Belleville [20e arrondissement de Paris]. Il s’agit d’une répression centrée sur des populations très spécifiques, particulièrement précaires, qui exercent dans la rue et qui sont donc les plus visibles.

Parvenez-vous à discuter avec les pouvoirs publics et qu’en attendez-vous ?

B. de L. : Pour l’heure, nos tentatives de discussion avec la préfecture et la mairie n’ont rien donné, chaque administration reportant la faute sur l’autre. Outre la fin de la répression, on demande à connaître les zones de sécurité qui seront mises en place, afin que les TDS puissent s’organiser en fonction. Aucune réponse. On s’attend à un départ des TDS, notamment chinoises, vers d’autres villes de province et on essaie, avec les associations situées sur place, de prévoir un accompagnement adapté. Il s’agit d’accompagnement juridique, en particulier pour les TDS sous le coup d’une OQTF [obligation de quitter le territoire français], et financier, avec la mise en place de cagnottes à destination des plus précaires. Voilà comment on essaie de s’organiser au mieux, tout en restant évidemment disponibles pour dialoguer avec les pouvoirs publics.

Notes et références

[i] https://www.inserm.fr/actualite/jeux-olympiques-faut-il-craindre-le-risque-sanitaire/
[ii] https://www.ecdc.europa.eu/en/news-events/sti-cases-rise-across-europe
[iii] https://journals.sagepub.com/doi/10.1258/095646203321605495
[iv] Une polyclinique sera installée au sein du village olympique pour soigner les près de 25 000 athlètes attendus. Cette polyclinique temporaire, ainsi que sa pharmacie, sera gérée par l’AP-HP.

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