La 18e journée scientifique du TRT5 avait pour thème les défis de la prévention combinée. Un enjeu qui s’est surtout focalisé sur les potentialités de la prévention pré-exposition, la PrEP.
Le 10 juin, le TRT-5 invitait chercheurs, décideurs et associatifs au ministère de la Santé pour transformer la théorie – la nécessaire combinaison des moyens de prévention – en réalité : leur appropriation par les populations et leur mise en place sur le terrain. Car les mentalités évoluent moins vite que la science… Le Pr Gilles Pialoux, chef de service des maladies infectieuses à Tenon, a rappelé que les contaminations n’avaient jamais aussi été élevées chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) en 2014, alors que les outils de prévention sont multiples, et s’adaptent aux besoins des populations : préservatif certes, mais aussi circoncision, dépistage et traitement des IST, microbicides, TasP (traitement comme prévention), TPE (traitement post-exposition) et PrEP.
Des outils qui manquent leur cible parfois par retard du dépistage ou occasions manquées. La moitié des patients HSH ne le mentionnent pas aux structures de soins et les soignants ne proposent pas le dépistage à plus de la moitié des HSH qui se déclarent tels. Virginie Supervie, épidémiologiste à l’Inserm a rappelé « l’épidémie cachée », les 25 000 personnes qui ignorent leur séropositivité en 2013 en France, et n’ont pas recours au dépistage. Elle a aussi montré les délais entre la découverte de l’infection et l’initiation du traitement par les antirétroviraux, qui restent élevés en 2010 : 5,4 ans en moyenne et jusqu’à 8,5 ans pour les usagers de drogue injectable, alors que la science plaide pour le Test and Treat, l’initiation la plus rapide possible du traitement.
Une épidémie « cachée »
5,4 ans s’écoulent en moyenne entre la découverte de l’infection à VIH et l’initiation du traitement par les antirétroviraux
5,4 ans s’écoulent en moyenne entre la découverte de l’infection à VIH et l’initiation du traitement par les antirétroviraux
Le Pr Pialoux et le Dr Dabis ont ainsi rappelé les résultats des différentes études de PrEP et de Tasp qui ont montré depuis les années 2010 l’intérêt individuel, mais aussi collectif de la mise sous traitement. François Dabis, de l’Inserm, a rappelé le sens du TasP : fournir des antirétroviraux aux personnes infectées par le VIH, quel que soit leur taux de CD4, en espérant que la suppression de la charge virale aura un effet préventif sur la transmission du VIH. De nombreuses études tentent de valider cette hypothèse, alors que la plupart des pays ont pris des recommandations en faveur du traitement universel. En France, le rapport d’experts 2013 recommande « d’informer et d’accompagner les personnes vivant avec le VIH sur l’intérêt préventif du traitement, et les conditions permettant d’obtenir une efficacité préventive maximale ». L’OMS préconise le traitement universel sans restriction dès septembre 2015 et vient d’actualiser ses recommandations.
Quant aux études de PrEP, leurs résultats ont évolué depuis 2013, de la déception (essai Voice, en Afrique), au succès relatif (iPrex) pour atteindre un actuel consensus : les essais Proud et Ipergay, respectivement mené en Angleterre et en France auprès de HSH, montrent une réduction de la transmission de 86%. Gilles Pialoux, co instigateur d’Ipergay, évoque un seul cas d’infection par un virus multirésistant notifié à la CROI 2016, en dépit d’une excellente observance. Car si des conditions doivent être réunies pour l’efficacité collective du Tasp (90% de personnes dépistés, un dépistage répété, et 90% des personnes diagnostiquées sous traitement ARV démarré dès le diagnostic), l’observance est la clé de la réussite de la PrEP.
PrEP : l’exemple de San Francisco
A San Francisco, les infirmiers praticiens peuvent prescrire la PrEP, parfois après un rendez-vous de 90 minutes (dépistage compris)
A San Francisco, les infirmiers praticiens peuvent prescrire la PrEP, parfois après un rendez-vous de 90 minutes (dépistage compris)
L’exemple de San Francisco, première ville à s’être résolument engagée dans une politique d’éradication du virus, a donné de l’espoir aux promoteurs de Paris sans sida. En créant une coalition entre médecins, politiques, associatifs, San Francisco est en train de prouver que dépister, traiter tôt et offrir la PrEP pouvait réduire l’épidémie. La présentation pragmatique de Pierre-Cédric Crouch, qui dirige la clinique Magnet@Strut, créée par des gays pour les gays, a passionné le public tout en soulignant les disparités entre les deux systèmes : à San Francisco, les infirmiers praticiens (6 ans d’étude) peuvent prescrire la PrEP, parfois après un rendez-vous de 90 minutes (dépistage compris). En France, Marisol Touraine vient de signer un arrêté pour mettre à disposition le Truvada dans les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD). Cette décision qui met fin à l’exception hospitalière pour la prescription devrait simplifier l’accès à la prévention. Car les services sont saturés : le Pr Molina, co-instigateur d’Ipergay, constate une augmentation des consultations PrEP à Saint-Louis à moyens constants. Et le public reste à 99% HSH, alors que la PrEP devrait être disponible pour les trans et les femmes migrantes.
Il est conscient des défis à relever (scepticisme, démonstration de l’intérêt collectif de la PrEp, nécessaire adaptation des messages de prévention, mais lance un appel : « Get PrEPared ». France Lert, qui a écrit le rapport « Vers Paris sans sida », estime également qu’il n’est plus temps de « chipoter devant la progression de l’épidémie » et qu’il faut porter « un discours fort et cohérent ». Au boulot !