vih Karine Lacombe, du VIH au COVID-19

08.06.20
Cécile Josselin
6 min
Visuel Karine Lacombe, du VIH au COVID-19

Cheffe de service des maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Antoine à Paris, membre du comité scientifique de Sidaction – comité qui se tient cette semaine -, le professeur Karine Lacombe est bien connue des acteurs de la lutte contre le VIH. Portrait d’une femme engagée qui s’est révélée au grand public lors de l’épidémie de Covid-19.

Fille d’un ouvrier papetier et d’une mère institutrice, rien ne prédestinait Karine Lacombe à devenir médecin. À l’origine de sa vocation, une image encore très nette et pourtant si lointaine : celle d’une petite fille de quatre ans pleine d’admiration pour son médecin de famille : « un vieux monsieur avec une sacoche en cuir qui allait de maison en maison soigner les gens ». Elle aurait pu ensuite changer d’orientation mais cela aurait été sans compter sur sa détermination à toute épreuve.

Alpiniste chevronnée et ceinture noire de judo, Karine Lacombe n’a pas l’habitude de renoncer. Brillante élève, elle entre, le bac en poche, en fac de médecine à Grenoble, où elle découvre la santé publique, avant de bifurquer pour la deuxième partie de son internat dans le service des maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Antoine.

Loin d’être une rupture, ce changement de cap s’inscrit dans une suite logique : « Je trouve qu’il y a un relation très complémentaire entre ces deux spécialités. J’ai d’ailleurs toujours privilégié une approche populationnelle du VIH et des hépatites virales à une approche strictement clinique. Ce qui m’intéresse ce sont l’évaluation des facteurs de risque, l’étude de la morbidité, les stratégies de dépistage… », nous confie-t-elle.

Spécialiste de la co-infection VIH-hépatite B

Spécialiste de la co-infection VIH-hépatite B dont elle fait le sujet de sa deuxième thèse en épidémiologie [i], elle s’engage dès 2002 dans l’humanitaire en Asie puis en Afrique subsaharienne. « Jusqu’à 2012, j’ai été bénévole pour Médecin du monde au Vietnam. Dans ce cadre, j’ai participé à la mise en place du premier programme d’accès au traitement anti-VIH pour les usagers de drogues et les travailleurs du sexe », nous raconte-elle.

Ayant le service public très à coeur, cette mère de trois enfants, dont une fille de 22 ans qui a décidé de suivre sa voie en devenant médecin, a indéniablement le sens du travail d’équipe. Cette enseignante-chercheuse rattachée à l’INSERM (Institut national de la santé et la recherche médicale) ne manque en effet pas une occasion pour saluer le travail de tous les personnels soignants qui font preuve, insiste-t-elle d’« une extrême adaptabilité. Avec la pandémie, les gens ont été capables de changer de métier du jour au lendemain. Des chirurgiens sont devenus brancardiers. Des tas de gens qui n’avaient pas de fonction de soin nous ont aidé au quotidien… »   

Première femme nommée en mai 2019 cheffe de service des maladies infectieuses à Paris, elle conserve cette particularité sur les plateaux télé où nous étions plus habitués à voir des experts hommes sur le devant de la scène.

À ceux qui critiquent la politique gouvernementale, elle rappelait encore il y a peu que la constitution d’une vraie réserve en médicaments, en vaccins et en masques a été démantelée au fil du temps. « Cela a été une erreur stratégique, mais je pense que cela résulte d’une cascade de responsabilités. Il va falloir en tirer les leçons », nous confie-t-elle. Dans le même esprit, elle regrette que les réactifs des tests de dépistage n’aient jamais été fabriqués en France ou alors à des niveaux très faibles, rendant la France tributaire des marchés internationaux qui donnent la priorité aux plus offrants. « Il va falloir relocaliser sur notre sol les entreprises qui peuvent fabriquer ce dont on a besoin pour faire face à une pandémie, que ce soit les masques et blouses ou les médicaments. Il faudrait avoir une industrie que l’on peut détourner de sa fonction première très rapidement pour monter en puissance pour la réalisation de matériels et de médicaments », estime-t-elle.

D’abord appréciée pour son positionnement mesuré, ni trop alarmiste, ni trop rassurant, elle reconnaît que comme le gouvernement, les médecins ont été dépassés sur le plan clinique. « Nous avons été nombreux à d’abord penser que c’était une sorte de grosse grippe qui donnait des pneumonie chez les personnes fragiles. Nous avons compris que c’était autre chose quand nous avons eu les premiers cas en Italie. C’est aussi à ce moment là que j’ai réalisé que la pandémie serait inévitable », confie-t-elle.

La polémique avec le Professeur Raoult

Mi-avril, elle frappe les esprits en s’opposant farouchement à la précipitation du professeur Raoult dont le message sur la chloroquines’affranchit, juge-t-elle, de la plus élémentaire prudence en matière de diffusion de résultats. Elle lui reproche notamment de ne pas étudier l’efficacité de son traitement en regard d’un bras témoin auquel serait donné un placebo.

Violemment attaquée sur les réseaux sociaux suite à cette prise de position, elle est aussitôt attaquée par les partisans du Professeur marseillais [ii] qui la soupçonnent de s’opposer à la chloroquine pour permettre aux laboratoires Abbvie et Gilead Science dont elle a reçu de l’argent [iii] de vendre des médicaments infiniment plus chers que la chloroquine. Elle reste droite dans ses bottes et rappelle que l’activité d’expertise pour lequel elle a effectivement été rémunérée par les deux laboratoires dans le cadre de conférences sur l’hépatite C et le VIH est « extrêmement encadrée et ne relève pas du conflit d’intérêt », ajoutant sur France info [iv] que cela n’avait rien d’inhabituel, beaucoup de chercheurs étant dans le même cas. 

Pour répondre à la question de l’efficacité ou non de la chloroquine, Karine Lacombe préfère faire confiance à l’essai Discovery. Pour sa part, elle travaille activement sur un autre essai clinique dont elle est la principale instigatrice : Coviplasm. Ce dernier cherche à déterminer si une transfusion de plasma de personnes guéries du coronavirus sur des personnes malades fonctionne. 

Notes

[i] Sa thèse de médecine portait en 2000 sur l’utilisation des fluoroquinolones (ndlr : des antibiotiques) à l’hôpital.

[ii] Elle a été obligée de supprimer son compte twitter et facebook car elle faisait l’objet de messages haineux et de menaces.

[iii] Elle indiquait en 2016 dans une déclaration publique avoir perçu 15 000 euros du laboratoire Gilead et 3 000 de AbbVie sur cinq ans.

[iv] https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-quelles-sont-les-relations-entre-karine-lacombe-accusee-d-etre-hostile-au-professeur-raoult-et-les-laboratoires_3894695.html

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