vih « La COVID-19 vient remuer beaucoup de choses lorsque l’on est séropositif »

25.03.21
Amélie Weill
7 min
Visuel « La COVID-19 vient remuer beaucoup de choses lorsque
l’on est séropositif »

Nicolas Aragona est architecte, il a 32 ans et vit avec le VIH depuis 10 ans. Pour Transversal, il revient sur son parcours, sur les difficultés qu’engendre la pandémie de Covid-19 et sur la récente création de son association, qui défend un meilleur soutien et une plus grande visibilité pour les personnes séropositives.

Transversal : L’association Supersero a pour vocation, entre autres, de diffuser des témoignages de personnes vivant avec le VIH. Quelles sont les raisons qui ont motivé sa création ?

Nicolas Aragona : Cela faisait longtemps que j’avais cette idée en tête, et la pandémie de COVID-19 est venue accélérer les choses, car il devient de plus en plus urgent de sortir les personnes qui vivent avec le VIH de leur isolement grandissant. Notre association poursuit également cet objectif : nous répondons aux questions des gens, nous essayons d’assurer une présence, un lien. Ce que nous cherchons, c’est à favoriser un partage bienveillant d’expériences. En parallèle, nous recueillons et filmons donc des témoignages que nous diffusons sur nos réseaux. C’est le début, mais je pense que c’est important, car la lutte contre le VIH en France manque de porte-paroles séropositifs, de voix et de visages directement concernés et largement plus médiatisés. Quand l’annonce du VIH tombe, on se sent très seul, c’est le trou noir. Lorsque j’ai appris que j’étais séropositif, à 21 ans, j’aurais aimé avoir accès à plus de témoignages, de références. C’est mon expérience qui me donne envie de prendre la parole et de tendre le micro à d’autres.

T . : Comment as-tu abordé cette découverte de séropositivité, ainsi que les années qui ont suivi ?

N.A. : Ça a été compliqué. L’annonce tout d’abord, car j’ai dû être rapatrié du Canada suite à labyrinthite développée pendant la primo-infection. Je n’ai pas su tout de suite que j’avais le VIH. Mon médecin traitant était en congés, et son remplaçant refusait de me livrer le diagnostic. J’ai dû me rendre à l’hôpital avec ma mère, où j’ai attendu de longues heures avant qu’une médecin ORL n’accepte de m’expliquer ce que j’avais. Quand je l’ai su, je n’ai pas pensé à la mort. Sans être bien informé, je savais qu’il existait des traitements. Mais je savais que socialement, ça allait être difficile d’être accepté en tant que personne séropositive. Un médecin m’a conseillé de ne surtout pas en parler, mais j’ai eu le réflexe de ne pas m’infliger cette double-peine. J’avais déjà vécu cela en choisissant d’assumer mon homosexualité. Vivre caché, je ne voulais pas. Dans les années qui ont suivies, je me suis beaucoup plongé dans mes études, puis mon travail d’enseignant, mon entreprise, mes peintures. Je suis très actif ! Mais surtout, je voulais me concentrer sur ce qui se passait bien, parce qu’au niveau social, justement, c’était beaucoup plus perturbé. Le VIH a créé beaucoup de peurs, notamment au sein de la communauté homosexuelle. J’ai essuyé des rejets, parfois violents – jusqu’aux menaces de mort -, beaucoup de méfiance et d’ignorance. Mon parcours médical a également été douloureux, je ne suis pas forcément tombé sur les bons praticiens, j’ai entendu beaucoup de choses aberrantes sur le VIH ou sur l’homosexualité.

T . : Cela a-t-il évolué aujourd’hui ?

N.A. : Je pense que ça a changé, que les tabous se dissipent peu à peu, même si c’est loin d’être gagné. D’une certaine manière, je crois que la PrEP a contribué à détendre les rapports dans la communauté homosexuelle. La parole a pris plus de place, elle est mieux acceptée, mais elle peine encore à se libérer complètement. Les bonnes informations ont parfois du mal à se frayer des chemins jusqu’aux personnes concernées, il faut faire le tri, et en règle générale, les gens restent très ignorants par rapport au VIH. Le fait que je ne transmette plus le virus, car ma charge virale est indétectable, j’ai l’impression de devoir l’expliquer trop souvent.

T . : Comment la pandémie vient impacter ces avancées fragiles ?

N.A. : La COVID-19 vient remuer beaucoup de choses lorsque l’on est séropositif. Je ne peux pas m’empêcher de faire des parallèles entre les deux épidémies. Le climat de méfiance, la chute de l’empathie envers les personnes infectées, causée par la peur de l’être aussi. Il faut protéger ceux qui ne sont pas touchés et tout faire pour endiguer les transmissions, mais il ne faut pas oublier ceux qui sont infectés. Il faut s’occuper de tout le monde, pour faire reculer ces maladies infectieuses, sinon on se déshumanise, on tombe dans la paranoïa collective, et ça, ça fait beaucoup de dégâts. Il faut rester vigilant, car les personnes séropositives sont déjà très marginalisées, à cause des représentations sociales du VIH et de leurs parcours de vie, souvent marqués. Avec les confinements et les différentes mesures sanitaires, elles s’enfoncent dans l’isolement. Le lien social, déjà tenu, risque de rompre complètement. A travers les actions de notre association, nous mesurons cette détresse psychologique. D’autant plus que le secteur médical, et notamment les laboratoires, est totalement mobilisé pour la lutte contre le COVID-19, ce qui peut créer des situations d’errance médicale pour les personnes touchées par le VIH.

T . : Quels sont les risques pour la lutte contre le VIH ?

N.A. : Le problème se joue beaucoup autour du dépistage. Avec les traitements anti-rétroviraux, on sait pourtant qu’il vaut mieux connaitre son statut pour être traité au plus vite, avoir une charge virale indétectable et ainsi, ne plus transmettre le virus – même sans préservatif ! La situation ne doit pas se détériorer davantage, il faut améliorer encore les conditions d’accès au dépistage, ainsi que l’accompagnement des personnes dépistées séropositives. Et bien sûr, il est essentiel de faire bouger les représentations sociales de la maladie, sans quoi rien ne changera ! C’est pour cela qu’avec Supersero, nous voulons mettre en avant un maximum de témoignages, pour composer une mosaïque de visages et de vécus, et inciter les autres à sortir de la peur. A terme, j’aimerais que des célébrités puissent également parler de leur séropositivité sans crainte. Quand je me suis découvert homosexuel à 8 ans, j’étais persuadé que j’avais un grave problème, ça aurait été différent si j’avais eu plus de modèles, de références. Aujourd’hui, les homosexuels existent, mais pas les séropositifs. Il faut aussi faire bouger ces lignes-là pour mettre fin à l’épidémie de VIH. 

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