vih La mise sous traitement précoce également bénéfique pour les nouveau-nés

09.12.19
Nora Yahia
7 min

Concernant les cas de VIH pédiatrique, l’OMS recommande de tester les nouveau-nés dès la naissance afin de pouvoir leur administrer, si nécessaire, un traitement ARV dans les plus brefs délais. Pour autant l’évolution de l’infection, notamment l’établissement du réservoir viral, dans le système immunitaire en développement des nourrissons reste encore peu documenté.

Les équipes du Ragon Institute (MIT-Harvard) ont monté une étude clinique prospective mesurant sur une période de deux ans l’évolution des déterminants virologiques (réservoir viral) et immunologiques (réponse innée et adaptative) de nouveau-nés infectés par le VIH et mis sous traitement précoce (quelques heures après la naissance) ; dans deux maternités du Botswana. L’objectif général de cette étude « Early Infant Treatment » (EIT) était de déterminer si l’initiation très précoce du traitement antirétroviral chez les nourrissons limite la taille des réservoirs viraux et maintient une bonne réponse immunitaire. Pour leur analyse les scientifiques ont comparé les résultats obtenus chez ces nourrissons à deux groupes de référence : une cohorte de nouveau-nés mis sous traitement plus tardivement (dans les quatre mois suivant la naissance) et une cohorte d’adulte sous traitement depuis de nombreuses années (moyenne de 16 ans). Leurs résultats récemment publiés [1] montrent que cette initiation précoce du traitement ARV est bénéfique aux nouveau-nés tant au niveau virologique qu’immunologique.

D’un point de vue virologique, les données présentées dans l’article relèvent l’impact positif du traitement précoce sur la taille du réservoir viral. Les nouveau-nés mis sous traitement précoce présentent un nombre de cellules réservoirs inférieur aux deux autres groupes de référence. Le réservoir viral s’établissant au moment de l’infection est composé en majorité de provirus [2] défectueux, incapables de produire de nouveaux virus suite à une stimulation. Une analyse plus poussée a été menée afin de déterminer la quantité de provirus intacts, capable de donner de nouveaux virus après réactivation des cellules réservoirs. Les nourrissons traités précocement présentent un nombre de provirus intact inférieur à celui retrouvé dans les deux groupes témoins. La diminution des provirus intacts et défectueux s’effectue dans les 24 premières semaines suivant le traitement avant de stagner. Les chercheurs ont noté une diminution des provirus intacts plus rapide que celui des provirus défectueux.

Concernant les paramètres immunologiques, le traitement précoce semble bénéficier au système immunitaire des nouveau-nés. Il faut savoir que le système immunitaire chez les nourrissons est en plein développement et ne présente donc pas les mêmes caractéristiques que celui des adultes. Cette différence a un impact sur l’infection par le virus VIH et son évolution. Les résultats obtenus chez les nourrissons de la cohorte EIT ont été comparé à trois groupes de référence : des nourrissons non infectés nés de mères infectés par le VIH (HEU) ; des nourrissons non infectés (HUU) et des adultes non infectés. L’analyse du compartiment inné s’est portée sur les cellules Natural Killer (NK) et les cellules myéloïdes. Les cellules NK sont un des composants immuns innés protecteurs clé chez les nourrissons. La proportion de cellules NK retrouvées chez les nouveau-nés traités précocement est significativement inférieure à celle des autres groupes témoins (HUU, HEU et adultes). Cette proportion reste tout de même équivalente à celle retrouvée dans le groupe de nouveau-nés infectés traités plus tardivement. Cependant, le nombre de cellules NK présentant une activité cytotoxique ainsi que celles caractérisées par une forte production de cytokines est plus important chez les nouveau-nés traités précocement que chez les groupes HUU et HEU. 

Les cellules myéloïdes (macrophages, monocytes, cellules dendritiques) jouent un rôle important dans les défenses antimicrobiennes, notamment grâce à leur activité de phagocytose. Dans l’étude, la proportion de cellules myéloïdes associées aux fonctions de phagocytose est significativement plus importante chez les nourrissons traités précocement par rapport au groupe HEU ; atteignant même des taux comparables à ceux retrouvés chez les adultes sains. Au contraire, les cellules avec des fonctions associées à l’activation et l’inflammation sont présentes en quantité plus faible.

Autres résultats très intéressants discutés dans le papier, l’expansion des cellules NK et des monocytes est associée à une diminution du réservoir viral intact, suggérant que ces cellules du système immunitaire inné pourraient influer sur la taille du réservoir viral. L’importance des cellules NK dans la maitrise de l’infection VIH a déjà été démontrée [3] chez les patients « contrôleurs post-traitement » [4] de la cohorte française VISCONTI, dont une des particularités est d’avoir été traité dès la primo-infection. Chez ces personnes, les cellules NK présentent un profil phénotypique différent de celui retrouvé chez des PvVIH sous traitement et qui sont capables de contrôler in vitro l’infection à VIH sur les cellules T CD4.

Cette étude démontre les nombreux avantages à prescrire un traitement ARV dès la naissance : diminution du réservoir viral, réponse innée avec une activité antivirale améliorée et diminution de la proportion de lymphocytes T [5] présentant des caractéristiques associées à la progression de la maladie. Ces résultats font sens avec ceux obtenus chez les adultes prouvant qu’une mise sous traitement précoce permet de réduire la taille du réservoir viral et de préserver les fonctions immunes des lymphocytes T. Traiter l’infection VIH au plus tôt permet de préserver le système immunitaire et pourrait sur le long terme, comme pour les patients VISCONTI, permettre de maintenir une charge virale indétectable après un arrêt des ARV.

Ce travail démontre l’avantage d’un traitement précoce chez les nourrissons. Néanmoins, se pose le problème d’une implémentation efficace dans les régions les plus touchées par le VIH pédiatrique ; comme le sont les pays d’Afrique subsaharienne. En effet, aujourd’hui encore il y a entre 300 et 500 nouveaux cas d’infections de nouveau-nés chaque jour dans cette zone et entre 25 et 50% de mortalité dans les deux ans, si aucun traitement n’est mis en place. Des problèmes logistiques et d’infrastructures empêchent ces pays d’appliquer les recommandations de l’OMS et les nourrissons y sont dépistés dans les quatre à six semaines suivant leur naissance. La preuve scientifique du bienfait du traitement précoce chez les adultes et les nouveau-nés étant maintenant établit, il reste à un important travail à réaliser pour améliorer le dépistage et la mise sous traitement précoces afin de donner les meilleures chances aux individus infectés par le virus VIH.

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