vih La notification formalisée aux partenaires : un outil efficace, inutilisé en France

09.07.21
Cécile Josselin
7 min
Visuel La notification formalisée aux partenaires : un outil
efficace, inutilisé en France

Quand il s’agit d’annoncer sa séropositivité à son ou ses partenaires, les patients sont souvent livrés à eux-mêmes en France. Le système de santé n’a prévu aucun outil pour les y aider : une lacune que l’OMS (Organisation mondiale de la santé) et le CNS (Conseil national du sida et des hépatites virales) appellent à combler, la notification aux partenaires restant de loin un des moyens le plus efficace pour lutter contre l’épidémie cachée.

C’est une question qui revient presqu’à chaque fois qu’une personne se découvre séropositive : Aurais-je contaminé d’autres personnes ? La deuxième question qui très vite lui emboîte le pas est : Comment annoncer à mon ou mes partenaires qu’ils ont pu aussi le contracter ?

Assurément, la démarche est délicate et le système de santé français n’a rien prévu pour faciliter la tâche du patient. Si les médecins leur recommandent d’en parler à ses partenaires, actuellement aucune recommandation officielle n’encadre la pratique et aucune aide n’est prévue. Aussi, le patient est-il très largement livré à lui-même et beaucoup renoncent à le faire.

« Actuellement il n’y a pas en France de législation à proprement parler sur la notification aux partenaires. La loi au contraire vient limiter strictement certaines pratiques », nous confie Michel Celse, conseiller-expert du CNS. Ainsi, si un patient index [i] demande à son médecin de contacter un de ses partenaires à sa place pour lui dire qu’il a pu être contaminé sans révéler son nom, il est formellement interdit à ce dernier de le faire.

« Le fait que le patient ait donné son accord et que le médecin ne dévoile pas son identité n’est pas suffisant. La loi sur le secret médical est très précise là dessus. Le médecin ne peut intervenir que dans l’intérêt de son patient. Or, dans ce cas précis, la notification est surtout dans l’intérêt du partenaire… et de la santé publique », nous précise Karen Champenois, actuellement en charge pour l’INSERM d’une étude expérimentale pour tester la faisabilité de nouvelles méthodes de notification aux partenaires (NotiVIH).

« Pour contourner ce problème nous allons tester une notification par le personnel médical à la demande de patients multipartenaires auprès de personnes également multipartenaires afin de préserver quasi à coup sûr l’anonymat du patient index », ajoute cette dernière.Car c’est bien de cela qu’il s’agit : préserver à tout prix l’anonymat du patient index qui pourrait être, si son état était connu, victime d’ostracisme par sa communauté, rejeté par sa famille, voire être victime de violences.

Les solutions étrangères envisagées

Certains pays comme le Royaume-Uni et les Pays-Bas proposent un service de counselling [ii] au patient après un dépistage positif. Le professionnel de santé diligenté dans ce cadre discute avec le patient index de l’importance de la démarche de notification et l’aide à dresser la liste de ses partenaires depuis la date estimée de contamination. Il l’aide ensuite à les retrouver et étudie avec lui l’opportunité et la meilleure manière de leur transmettre cette information, partenaire par partenaire, tout en laissant le patient libre de ses choix.

Certains pays vont plus loin et après avoir donné un certain laps de temps au patient pour le faire lui-même peuvent s’en charger à sa place. À l’extrême, en Suède, le patient index a l’obligation de prévenir tous ses partenaires et pourrait être condamné s’il ne le fait pas.

 « Il est hors de question d’en arriver là en France, prévient d’emblée Michel Celse. Ce serait contraire aux libertés individuelles. ». Et puis ce ne serait pas forcément efficace car n’ayant plus confiance au système de santé, les patients index seraient tentés de cacher des informations qu’ils peuvent être seuls à connaître.

Pour autant, le dépistage ultra-ciblé découlant de la notification au partenaire reste un outil crucial de santé publique. Les chiffres sont à ce sujet imparables : Si en France 0,19 % des dépistages se révélait positif en 2019 (0,24 % pour les sérologies anonymes) un dépistage ciblé sur les partenaires d’une personne qui vient d’être dépistée positive monte à 12 voire 86 % selon les études !

En théorie, on pourrait même envisager, grâce aux notifications, d’identifier toute la population cachée vivant avec le VIH. Dans la pratique, c’est plus compliqué : une étude néerlandaise révèle ainsi que seul un tiers des personnes identifiées à risque dans le cadre de leur étude ont été notifiées. Et parmi elles, seul un autre tiers s’est fait tester dans le programme parmi lesquels 22 % se sont révélés positifs.

Pour convaincre les patients index les plus rétifs à l’idée de se confronter directement à leurs anciens partenaires, plusieurs pays ont mis en place une plateforme informatique qui donne à la personne dépistée positive un code lui permettant d’envoyer anonymement (ou non) un SMS, un mail ou une carte d’information à ses anciens partenaires de manière plus ou moins personnalisée. Aucune donnée n’est conservée et la confidentialité de l’information délivrée aux partenaires est garantie. Des dispositifs de ce type existent en Belgique (Partneralert), au Portugal (CheckOut), aux Pays-Bas (Partner Waarschuwing), en Australie (Let them know), aux États-Unis (inSPOT) et sont envisagés en France.

Notification anonyme vs. notification par un professionnel de santé

Pour autant, il s’agit là d’une solution de dernier recours. En effet, si on s’intéresse aux méthodes de notification les plus efficaces pour convaincre les partenaires à risque de se faire dépister, il apparaît assez logiquement que la notification nominative est bien plus efficace que la notification anonyme qui peut être perçue comme une mauvaise blague dont il n’y a pas lieu de tenir compte. Il faudra beaucoup communiquer pour faire connaître le sérieux de ces plateformes.

À l’inverse, une notification par un professionnel de santé a 1,5 fois plus de chance d’être prise au sérieux qu’une notification directe par le patient-index, sans doute car en plus d’être gage de sérieux, celle-ci permet de dédramatiser l’éventualité d’un dépistage positif, d’informer le partenaire de l’intérêt d’un traitement précoce et ainsi de le mettre en confiance, mais cela exigerait une évolution législative qui n’est pas d’actualité en France.

« À l’heure actuelle, on peut seulement envisager un entretien à trois chez un professionnel de santé, durant lequel le patient index dévoile sa séropositivité et la possible contamination de son partenaire avant que le médecin n’intervienne pour apporter les informations médicales complémentaires pour le rassurer et lui recommander un dépistage, mais c’est surtout une solution envisageable dans le cadre d’un couple stable », nous précise Karen Champenois.

La mise en place d’un service de counselling proposé au patient index comparable à ce qui se fait au Royaume-Uni, serait déjà une première étape, promue par le CNS. Elle nécessiterait juste comme outre-Manche l’embauche de personnel dédié, ce qui resterait largement coût-efficace. Espérons que l’étude NotiVIH qui devrait démarrer bientôt, alimentera le plaidoyer en ce sens.

Notes

[i] Nom que l’on donne au patient originellement dépisté positif

[ii] Le counselling est une méthode de communication interpersonnelle dont le but est d’amener le sujet à trouver lui-même les solutions à son problème. 

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