Après un recul en 2020, les initiations de PrEP sont reparties à la hausse, avec une augmentation des nouvelles prescriptions effectuées par des médecins de ville. Cependant, d’après une autre étude récente, cet outil de prévention n’est pas toujours bien utilisé, ce qui diminue son efficacité.
Arme majeure de la lutte contre le virus du sida, le VIH, la prophylaxie pré-exposition, ou PrEP, vise à éviter la contamination des personnes séronégatives à haut risque de contamination. En pratique, elle consiste à prendre un médicament antirétroviral (Truvada® ou ses génériques), quotidiennement ou avant et après chaque rapport sexuel à risque, afin de prévenir l’infection par le VIH. Lors de plusieurs essais cliniques, cet outil s’est avéré extrêmement puissant, avec un taux de personnes l’utilisant, non infectées, atteignant 92% dans l’étude américaine iPrEx, et 86 % dans les essais britannique PROUD et français IPERGAY.
En France, la PrEP est disponible et remboursé à 100% depuis 2016. Afin de faciliter son accessibilité au plus grand nombre, en 2021, la possibilité de la prescrire pour la première fois a également été octroyée aux médecins de ville, alors que jusque-là cet acte était réservé aux médecins spécialistes hospitaliers.
Depuis 2017, le Groupement d’intérêt scientifique EPI-PHARE, créé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (Cnam), évalue le nombre de personnes utilisant la PrEP et son évolution.
Après une pause liée au COVID, des chiffres encourageants
Communiqués en fin novembre 2022 [i], les derniers chiffres d’EPI-PHARE sont encourageants à bien des égards. Tout d’abord, ils montrent qu’en fin juin 2022, un total de 64 821 personnes avaient commencé la PrEP, soit une augmentation de 39% par rapport à fin juin 2021 (42 159 personnes). « Nos données indiquent qu’après le ralentissement de la diffusion de la PrEP en France de 2020, lié à l’épidémie de Covid, il y a eu une reprise de ses initiations au premier semestre 2021, qui s’est confirmée au second semestre 2021 et au premier semestre 2022 », commente Rosemary Dray-Spira, directrice adjointe d’EPI-PHARE.
Autre bonne nouvelle, il est apparu que les initiations de PrEP prescrites en ville ont très nettement augmenté : au premier semestre 2022, presque 3800 primo-prescriptions, soit 41% de l’ensemble des initiations de PrEP, ont été effectuées par des prescripteurs libéraux ; contre 1389 (19%) au premier semestre 2021.
Mais tout n’est pas rose… : les données d’EPI-PHARE indiquent aussi que « la diffusion de la PrEP à toutes les catégories de population qui pourraient en bénéficier reste limitée », souligne Rosemary Dray-Spira. En effet, à ce jour, ce traitement est utilisé principalement par des hommes (97 %), âgés de 36 ans en moyenne et majoritairement urbains (72 %)…
Et ce n’est pas tout, une seconde récente étude d’EPI-PHARE, présentée cette fois en septembre 2022 au congrès de la Société française de lutte contre le sida (SFLS), et publiée en juin 2022 (2) dans la revue The Lancet Public, a révélé elle, un autre problème plus inquiétant : une diminution de l’efficacité de la PrEP liée à une mauvaise observance, à savoir un non respect strict des règles de sa prescription.
A la base, les travaux qui ont mis en évidence ce problème, visaient à évaluer pour la première fois l’efficacité de la PrEP en vie réelle. « Lorsqu’un médicament est largement prescrit en pratique courante à des utilisateurs avec des profils plus diversifiés que ceux recrutés lors des essais cliniques, l’efficacité de ce traitement peut différer. D’où la nécessité de mener des études en vie réelle », explique Rosemary Dray-Spira.
Selon les publics, une efficacité moins grande en vie réelle
En pratique, l’épidémiologiste et son équipe ont analysé des données du Système National des Données de Santé (SNDS) de l’Assurance maladie, concernant 46 706 hommes âgés de 18 à 65 ans, résidant en France métropolitaine et identifiés à haut risque d’infection par le VIH par voie sexuelle entre 2016 et 2020. Pour évaluer l’efficacité de la PrEP, les chercheurs ont comparé son utilisation entre des participants nouvellement contaminés par le VIH au cours du suivi et des témoins (séronégatifs tout au long du suivi), ainsi que le niveau de couverture de chacun, à savoir le pourcentage de jours couverts par les délivrances de PrEP.
Première conclusion importante : « nos résultats montrent que lorsque la PrEP est bien prise dans la vraie vie, en respectant les règles de sa prescription, elle a un niveau d’efficacité extrêmement élevé, proche de celui rapporté lors des essais cliniques », indique Rosemary Dray-Spira. En effet, lorsque la couverture par la PrEP était élevée, c’est-à-dire en cas de bon niveau d’observance et sans hiatus dans la prescription, son efficacité était de 93 %. Et lorsque l’équipe a considéré uniquement les périodes sans interruption de la PrEP, ce taux était de 86 %. Soit exactement les chiffres obtenus lors des grands essais cliniques qui ont évalué cette approche.
Mais, deuxième résultat important – beaucoup moins réjouissant –, les chercheurs ont aussi noté que l’efficacité de la PrEP était significativement réduite chez les plus jeunes et les personnes défavorisées sur le plan socio-économique, avec un taux de protection de seulement 26 % chez les moins de 30 ans, contre 83% pour les plus de 40 ans. Cela, notamment à cause de problèmes d’observance surviennant plus fréquemment chez ces deux groupes. « Ce deuxième résultat met en évidence l’importance d’un niveau élevé d’observance à la PrEP pour assurer son efficacité en vie réelle », observe Rosemary Dray-Spira.
Ainsi, à mesure que la PrEP continue à se généraliser, renforcer les efforts visant à améliorer son observance, en particulier auprès des jeunes et des personnes défavorisées sur le plan socio-économique, apparaît comme crucial pour garantir son efficacité chez tous.
[i] Rapport téléchargeable ici : https://bit.ly/3HWUcEd
[ii] Hugo Jourdain et al. Lancet Public Health. Juin 2022. doi: 10.1016/S2468-2667(22)00106-2