vih La prévention du VIH, victime collatérale de la Covid-19 ?

25.03.21
Cécile Josselin
8 min
Visuel La prévention du VIH, victime
collatérale de la Covid-19 ?

On s’en doutait, et les chiffres publiés à l’occasion du 1er décembre 2020 l’ont confirmé : la Covid-19 a grandement affecté le dépistage et la prévention du VIH en France.

En déferlant brusquement dans le monde entier l’année dernière, la Covid-19 a fait passer au second plan des priorités toutes les autres maladies. Comme de nombreuses infections, le VIH en a fait les frais. Et si les soins aux malades ont pu être préservés, le dépistage a été grandement ralenti, voire suspendu par endroits.

Pour expliquer ce phénomène, plusieurs raisons viennent immédiatement à l’esprit : nombre d’associations de lutte contre le VIH ont dû fermer leurs portes et suspendre leurs campagnes communautaires. De nombreux Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGGID) ont également été fermés pendant le premier confinement et quand ils ont rouvert, ce ne n’était que sur rendez-vous et dans des tranches horaires restreintes qui ont dissuadé les personnes les plus éloignées du soin de s’y rendre. Le développement exponentiel des tests PCR (prélèvement nasopharyngé) a ensuite complètement monopolisé l’activité de certains laboratoires, ce qui a eu pour effet de rendre difficile, voire quasi impossible, le dépistage du VIH.

Un contexte anxiogène

Effrayées par le risque de contamination par la Covid-19 ou de peur d’encombrer inutilement les lieux de soins au premier rang desquels figurent les hôpitaux et les cabinets médicaux, beaucoup de personnes ont préféré différer, voire annuler, leurs examens de routine jugés non essentiels.

Durant les six premiers mois de l’épidémie, l’étude EPI-PHARE [i] estimait ainsi qu’environ 650 000 tests n’avaient pas été réalisés en laboratoire à cause de la Covid-19. Si on s’intéresse à l’évolution du problème dans le temps, Santé publique France nous montre que « la chute observée en mars-avril 2020 est beaucoup plus importante que ces variations mensuelles habituelles : entre février et avril, le nombre de sérologies réalisées a diminué de 56 % (…) Le nombre de sérologies a ensuite augmenté de nouveau en mai et juin, sans atteindre les niveaux observés en début d’année [ii] ».

Principales victimes de ce repli : les hommes (– 66 %), qui ont été plus touchés que les femmes (– 49 %), lesquelles ont continué à bénéficier des tests VIH prénataux, les plus jeunes (– 62 % chez les 15-24 ans) et les plus âgés (– 62 % chez les 50 ans et plus).Pour ces derniers, l’explication pourrait être la plus grande proportion de cas sévères de la Covid-19 et donc une crainte plus élevée de sortir de chez eux.

Plus inquiétante, l’étude de Santé publique France sur l’impact perçu de l’épidémie de Covid-19 des hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (HSH) en France [iii] révèle que ce sont les HSH les plus exposés au VIH (multipartenaires et non-usagers de la prophylaxie préexposition [PrEP]) qui ont le plus souvent reporté leur recours au dépistage. Les chiffres cités sont édifiants : si 28 % des répondants déclaraient avoir reporté un dépistage du VIH/IST, préférant attendre la fin du confinement, ce chiffre monte à 40 % parmi les HSH qui ont eu cinq partenaires ou plus durant les six derniers mois.

Une hausse des contaminations à craindre

Si on ne dispose encore que de chiffres partiels sur les sérologies effectuées en 2020, il est fort à craindre que celles-ci soient bien moindres qu’en 2019. Cela devrait avoir pour conséquence des dépistages retardés dont les effets délétères ne sont pas négligeables, car ils se traduisent par une prise en charge des patients plus tardive, à un stade plus avancé de la maladie et par une plus grande diffusion de l’épidémie. Les personnes séropositives qui ignorent leur statut sérologique étant, rappelons-le, à l’origine de 60 % des nouvelles contaminations, faute d’un traitement adapté qui rendrait rapidement leur charge virale indétectable.

Même s’ils demeurent marginaux dans l’offre de dépistage, les autotests VIH auraient pu constituer une alternative, car ils sont réalisables de chez soi, en conformité avec les règles de distanciation sociale. Ils représentaient une réelle opportunité, mais ils n’ont malheureusement pas joué ce rôle de rattrapage, comme le révèle Santé publique France : « En ce qui concerne les ATVIH [autotest VI], les ventes en pharmacie ont également chuté au premier semestre 2020 (– 22 % par rapport au premier semestre 2019). Cette baisse est particulièrement marquée en mars (– 32 %) et en avril (– 50 %) par rapport aux mêmes mois de 2019, et elle persiste en mai (– 20 %) et en juin (– 14 %) [ii]. »

À cela plusieurs explications : durant le confinement, les Français ont préféré limiter le plus possible leurs achats aux magasins de proximité et même si les pharmacies restaient ouvertes en tant que commerces essentiels, les acheteurs d’autotests évitaient leur pharmacie habituelle pour préférer effectuer cet achat hors de leur quartier, si possible dans le centre commercial d’une grande ville où ils ont peu de risque d’être reconnus. Or les déplacements à plus d’un kilomètre du domicile n’étaient autorisés que sous certaines conditions.

Les achats en ligne d’autotests semblent par contre avoir notablement augmenté si l’on en croit Pharmacie-GDD, un des leaders sur ce marché. Ce dernier a en effet noté une augmentation de 300 % des ventes de l’autotest VIH® du laboratoire AAZ durant le premier confinement et une hausse de 250 % sur la vente du lot de deux boîtes Exacto® par rapport à la même période en 2019. SIS-Association a aussi été plus sollicitée par les acheteurs avides d’informations qu’ils n’avaient pas trouvées en ligne. Ce report partiel n’a cependant pas compensé la diminution des achats en officines, car ceux-ci représentent selon Fabien Larue, directeur du laboratoire AAZ, 80 % des ventes d’autotests.

Une sévère chute des initiations de PrEP

Le recours aux moyens de prévention tels que la PrEP a également souffert de la crise sanitaire. Pour preuve, l’étude d’EPI-PHARE [i] montre que les délivrances de PrEP ont ralenti à partir du 17 mars. Par ailleurs, le nombre d’initiations à la PrEP qui s’est complètement effondré pendant le confinement, accusant une chute de 47 % par rapport à 2019. Les personnes déjà traitées ont davantage été préservées, car elles pouvaient bénéficier de téléconsultations, plus difficiles à organiser pour un premier rendez-vous. 

Bien que négatifs, ces chiffres pourraient cependant se révéler moins inquiétants que ne le sont les chiffres du dépistage, car la période du confinement s’est aussi traduite par une diminution des relations sexuelles multipartenaires et donc des prises de risque. Selon l’article paru dans le BEH [iii], « durant le confinement, 59 % des 946 usagers de la PrEP (interrogés) ont arrêté de la prendre, principalement parce qu’ils n’avaient plus de rapports sexuels (87 %) et 6 % sont passés d’une PrEP continue à un régime à la demande pour la même raison. Lorsque les répondants ont déclaré avoir eu des partenaires occasionnels durant le confinement, 24 % en avaient eu, mais moins qu’auparavant. »

Comme les autotests auraient pu l’être pour le dépistage, l’autorisation de la primoprescription de la PrEP en ville, qui a été retardée par la survenue de la crise liée à la Covid-19 en mars 2020 et qui vient d’être retoquée par le Conseil d’État, ne devrait pas permettre de redonner un nouveau souffle à ce prometteur moyen de prévenir la contamination du VIH. Il faudra donc vraisemblablement encore attendre pour que la situation se régularise. 

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