En janvier dernier, le mouvement social des surveillants n’a pas permis de relancer le débat de société sur la situation des prisons, notamment sur la question de l’accès aux soins. Un récent rapport pointe une régression dans la délivrance des soins. Les problèmes demeurent: manque d’information sur leur état de santé, obstacles à la réduction des risques et pénurie de spécialistes.
Le conflit social autour de la sécurité et des salaires s’est achevé, fin janvier, avec un accord entre le gouvernement et les syndicats de surveillants pénitentiaires. La fin du mouvement laisse pourtant un goût amer à ceux qui espéraient y voir une occasion de relancer le débat sur la situation des prisons françaises. Parmi les nombreux chapitres oubliés, l’état de santé des détenus et l’accès aux soins. Début février 2018, un rapport publié par la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan [1], alertait sur « l’obstacle à la délivrance de soins de qualité » que constitue la surpopulation carcérale (de l’ordre de 117 % en 2017, selon l’Observatoire international des prisons [OIP]) Elle signalait « une augmentation quantitative de la prise en charge sanitaire» induisant la difficulté à ouvrir des droits sociaux, un nombre «insuffisant » de personnels de santé, des unités sanitaires exiguës et, in fine, une « détérioration de la qualité de soins » en raison de la cadence des consultations médicales.
« Le constat du manque de spécialistes, notamment en psychiatrie, soins dentaires, kinésithérapie et ophtalmologie est aggravé par la surpopulation carcérale. Les listes d’attente s’accumulent, confirme François Bès, coordinateur du pôle enquêtes de l’OIP. De même, les associations n’ont ni les moyens ni le temps de mener des actions sur l’éducation à la santé. S’ajoute à cela le vieillissement de la population carcérale, qui entraîne un défaut de prise en charge de la dépendance. » Un rapport du sénateur LR de l’Aisne Antoine Lefèvre, publié en juillet 2017, alertait ainsi sur la nécessité de renforcer l’attractivité des spécialités médicales en milieu carcéral afin d’apporter un début de réponse au problème.
La RdR à l’arrêt
Au début du précédent quinquennat, un groupe de travail santé-justice impliquant les associations , dont Sidaction, avait tenté d’établir des passerelles entre les autorités de santé et l’administration pénitentiaire, afin notamment de lancer de nouvelles expérimentations en matière de réduction des risques (RdR) pour les usagers de drogues au sein des unités sanitaires, priorité affichée depuis vingt ans au sein d’une population où le risque infectieux est nettement supérieur à la population générale. Mais la mise en place de programmes de distribution de seringues est au point mort. « Les soignants ne peuvent toujours pas donner de seringues», estime Ridha Nouiouat, responsable du programme Milieu carcéral à Sidaction. « Le guide méthodologique des soignants en prison, réactualisé en 2017, ne mentionne toujours pas la RdR. Suite au groupe de travail santé-justice, les syndicats de personnels pénitentiaires ont bloqué les propositions de décret prévoyant des expérimentations, notamment aux Baumettes (centre pénitentiaire de Marseille). »
Le statu quo présente des risques majeurs. «Cela induit une inégalité dedans-dehors, une vraie discrimination pour ce public, insiste Ridha Nouiouat. De la même manière, la population carcérale reste exclue des enquêtes nationales de santé. On a une connaissance au rabais de l’épidémiologie des personnes détenues. » Alors que, bien sûr, la santé des détenus a « un impact sur la population générale».
Les associations de santé ont repris le dialogue avec les ministres du nouveau gouvernement avec deux priorités plaider pour l’intégration de ces publics dans les enquêtes nationales de santé afin de mettre à jour les connaissances épidémiologiques et faire enfin reconnaître l’urgence des programmes de RdR par l’administration pénitentiaire.
[1] Les droits fondamentaux à l’épreuve de la surpopulation carcérale, éd. Dalloz, février 2018.