vih La santé sexuelle, pour mieux lutter contre le VIH ?

01.07.24
Pierre Bienvault
7 min
Visuel La santé sexuelle, pour mieux lutter contre le VIH ?

La troisième édition de la Semaine de la santé sexuelle, qui a eu lieu en juin, a été l’occasion de délivrer des messages sur le VIH. C’est en 2017 qu’a été décidé ce tournant majeur : inscrire la prévention du VIH dans une approche plus globale de la santé sexuelle. Une évolution à laquelle adhère le monde de la lutte contre le sida, même si certains soulignent la nécessité de rester vigilants pour que ce sujet ne passe pas au second plan.

CC BY-NC-ND 2.0 – Nicolas DUPREY/ CD 78

Cela fait plus de trente ans que Bastien Vibert fait de la prévention du VIH en milieu scolaire. « Au fil du temps, les questions des élèves ont largement évolué. Aujourd’hui, par exemple, les thèmes qui les préoccupent le plus sont les violences sexuelles et la question du consentement. Et, dans un cas comme dans l’autre, ce sont de bonnes portes d’entrée pour parler du sida », constate le responsable des programmes VIH au Crips Île-de-France. « C’est là qu’on se rend compte de la pertinence de cette stratégie de la santé sexuelle, qui permet aujourd’hui de parler du sida à des jeunes qui ont des interrogations plus larges sur la sexualité », ajoute-t-il.

Pour cette dernière édition de la Semaine de la santé sexuelle, la priorité a été donnée à quatre thèmes : la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST), la contraception, le consentement et les dysfonctions sexuelles (troubles de la libido, douleurs, problèmes d’érection, etc.). « Les préservatifs sont désormais disponibles sans ordonnance en pharmacie et pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie pour les moins de 26 ans : plus de 19 millions de préservatifs ont été remboursés pour cette classe d’âge depuis la mise en place du dispositif, au 1er janvier 2023 », a précisé le ministère de la Santé, tout en rappelant que le dépistage du VIH est accessible sans ordonnance, directement en laboratoire de biologie médicale et pris en charge à 100 %.

« Une approche positive et respectueuse de la sexualité »

C’est dorénavant une évolution bien ancrée dans les esprits : aujourd’hui, en France, la prévention du VIH/sida s’effectue dans une large mesure via un discours plus large sur la santé sexuelle. Un concept défini de la manière suivante par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : « La santé sexuelle est un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social en matière de sexualité, ce n’est pas seulement l’absence de maladie, de dysfonctionnement ou d’infirmité. La santé sexuelle exige une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences sexuelles agréables et sécuritaires, sans coercition, ni discrimination et ni violence. »

C’est en 2017 que le tournant a été pris par Marisol Touraine, alors ministre de la Santé. « Le ministère avait alors confié au Haut Conseil de la santé publique (HCSP) le soin d’évaluer les programmes nationaux de lutte contre le sida. Il avait constaté que ces programmes avaient été très utiles et qu’il convenait de les maintenir. Mais sous une autre forme », raconte François Dabis, président du comité de pilotage de la deuxième feuille de route 2021-2024 de la stratégie nationale de santé sexuelle et reproductive. 

En suivant l’avis du HCSP, le ministère a donc décidé que ces programmes s’inscriraient dès lors dans la stratégie nationale de santé sexuelle. « L’objectif de cette stratégie est simple : faire en sorte, dès 2020, que 95 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut, que 95 % des personnes séropositives aient accès à des traitements et que 95 % des personnes sous traitement aient une charge virale indétectable, soulignait alors Marisol Touraine. Il s’agit également d’éliminer définitivement les épidémies d’infections sexuellement transmissibles. »

« La sexualité ne se vit pas de façon compartimentée »

Aujourd’hui, cette approche est entrée dans les pratiques. Et dans bien des endroits, la prévention du VIH se fait en parlant aussi de contraception, d’IVG, de respect du consentement ou de violences sexuelles. « Le VIH est rarement le premier sujet dont on souhaite parler quand on pousse la porte d’une permanence du Planning. Mais il est faux de dire que la question des IST n’intéresse plus les jeunes générations, indique Élie Bouet, membre du Planning familial. Certes, la question du sida ne se pose plus de la même manière que dans les années 1980 ou 1980, mais cela reste un sujet sur lequel il y a beaucoup de réponses à apporter. »

Et d’ajouter : « On ne peut que soutenir cette approche globale de santé sexuelle. Le VIH, en effet, est étroitement lié à l’ensemble des questions de sexualité. Pour en parler, il est légitime de tenir compte de questions plus larges, telles que les violences, la contraception, les discriminations fondées sur le sexe, l’orientation, le genre… Les violences sexuelles augmentent le risque d’être infecté par le VIH, tout comme les grossesses non désirées et les discriminations, car la sexualité ne se vit pas de façon compartimentée. »

De son côté, Bastien Vibert juge « intéressant, productif et impactant » d’avoir une vision globale de la santé sexuelle. « Aujourd’hui, il ne serait pas envisageable d’aller en milieu scolaire pour ne parler que du VIH. Il faut d’abord parler aux jeunes de ce qui est au centre de leurs préoccupations. Travailler sur le consentement, les violences sexuelles, l’empowerment, les rapports de genre, c’est aussi un moyen de lutter contre la vulnérabilité face au VIH. On est dans une démarche gagnante-gagnante », estime le représentant du Crips Île-de-France.

« L’objectif d’en finir avec l’épidémie du VIH d’ici à 2030 est toujours affiché »

Reste une question : n’existe-t-il pas un risque que la question du VIH passe à l’arrière-plan, comme diluée dans des discours de prévention désormais plus globaux ? La montée en puissance de la stratégie de santé sexuelle pourrait-elle, à terme, entraîner une sorte d’invisibilisation du sida, le VIH faisant moins peur que par le passé pour une partie de la population ?

« On comprend que cette crainte puisse exister chez des acteurs engagés de longue date dans le domaine du sida, précise François Dabis. Mais, pour l’instant, cette crainte n’est pas fondée. Le VIH/sida reste un pilier de la stratégie de santé sexuelle. Par exemple, l’objectif d’en finir avec l’épidémie de VIH d’ici à 2030 est toujours clairement affiché. »

S’il souligne la nécessité de rester « très vigilants » sur la place du VIH, François Dabis estime que les acteurs de la lutte contre le sida ont parfaitement opéré ce virage de la santé sexuelle. « J’en veux pour preuve la mobilisation du Sidaction sur le dossier de l’éducation à la sexualité dans les écoles. Cette association, acteur historique de la lutte contre le sida, a pleinement intégré tout l’intérêt de cette approche plus globale », explique François Dabis, en évoquant le combat mené par Sidaction aux côtés du Planning familial et de SOS homophobie sous la bannière « Cas d’école ». Un combat conduit de concert par trois associations ayant chacune leur histoire, et ce, pour dénoncer la non-application de la loi de 2001 prévoyant trois séances d’éducation à la sexualité en milieu scolaire.

Le sida ferait-il moins peur aujourd’hui ? « Et alors ? Est-ce si grave ? répond Bastien Vibert. Oui, beaucoup de jeunes ont une approche plus distanciée du risque VIH. C’est normal, car, aujourd’hui, on dispose d’outils efficaces qui permettent de ne plus avoir peur, souligne-t-il. L’essentiel est que les jeunes puissent avoir connaissance des outils de prévention qui n’existaient pas à l’époque où le préservatif était le seul moyen de se protéger du VIH. Et d’affirmer : « Ce qui me ferait peur, c’est surtout qu’on ne parle plus de la PrEP, du TasP ou du dépistage. Cela voudrait dire que toutes leçons que nous avons apprises de la lutte contre le sida ont été jetées à la poubelle. »

Enfin, pour Bastien Vibert, il est important de trouver des espaces pour continuer à parler de problématiques toujours cruciales autour du sida, mais qui ne s’inscrivent pas dans le champ de la santé sexuelle. « Je pense en particulier à la situation des usagers de drogue ou de l’accompagnement social des personnes vivant avec le VIH », conclut-il.

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