vih L’accueil, un tremplin vers le soin

16.04.24
Nicolas Gateau
7 min
Visuel L’accueil, un tremplin vers le soin

En amont de la 12ème édition de la conférence AFRAVIH à Yaoundé (Cameroun), Sidaction a organisé un séminaire de travail consacré à l’accueil des bénéficiaires dans les structures de soin. Pendant trois jours, une vingtaine de participant.es issu.es d’associations de lutte contre le VIH d’Afrique de l’Ouest et du Centre se sont penché.es sur le sujet, avec pour objectif d’établir un référentiel favorisant la qualité de prise en charge.

« L’accueil, c’est le premier soin » insiste Mama Kany Matturie, la présidente de l’association Fondation Espoir Guinée (FEG) au premier jour du séminaire. « Si une personne est mal accueillie, elle ne se rendra plus au centre de santé. On ne la verra plus, ce qui aura évidemment des conséquences néfastes sur sa santé » explique-t-elle.

Comme une vingtaine d’acteur.rices issu.es d’associations de lutte contre le VIH d’Afrique de l’Ouest et du Centre, Mama Kany a participé à un atelier organisé du 13 au 15 avril dernier par Sidaction à Yaoundé (Cameroun). Son thème ? La manière dont sont reçus bénéficiaires dans les structures de soins et d’accompagnement de personnes vivant avec le VIH (PVVIH).  

« Le recours aux soins est aussi conditionné par le fonctionnement du système de santé et, notamment, par le 1er lien avec les structures de prise en charge : le bon accueil est déterminant pour la suite du parcours de santé des PVVIH », explique Emilie Henry, la directrice du Pôle qualité et recherche en santé chez Sidaction, pointant la centralité du sujet dans la réponse aux enjeux posés par l’épidémie de VIH.

L’intérêt de Sidaction pour cette question n’est pas neuf, loin s’en faut. « Cet atelier, indique Emilie Henry, c’est une des premières activités de notre nouveau programme qui s’appelle TREMPLINS 2. Il fait suite à un autre programme, également cofinancé par l’Agence française de développement (AFD), que l’on a déjà mené pendant 4 ans. »

« Au cours de cette deuxième phase, Sidaction a décidé d’accentuer sa réflexion autour des questions de qualité de la prise en charge et des services » précise-t-elle. « Dans ce cadre, il y a un premier travail à faire pour consolider les conditions d’accueil des personnes et faire en sorte que le premier contact donne envie en gens de revenir dans les structures ».

« Co-construire avec nos partenaires »

Pendant ces trois jours studieux, l’atelier ambitionnait de poser les bases d’un « référentiel commun sur l’accueil de qualité au sein des structures de prise en charge ». « L’idée, poursuit Emilie Henry, c’est de capitaliser sur le travail effectué sur le sujet depuis des années par nos partenaires associatifs sur le terrain. Sidaction souhaite répertorier les bonnes pratiques et les transférer au-delà, au secteur public. »

Pour ce faire, aucune définition de ce qui constitue un « bon » accueil n’est donnée au début de l’atelier. Rien d’horizontal dans la démarche. Le premier jour est ainsi dédié au recueil des idées, des recommandations et des expériences des différents partenaires présents. En petits groupes de travail thématiques, ce sont les participant.es qui viendront tracer les grandes lignes de ce référentiel.

« Dans beaucoup de pays, on atteint l’objectif des trois 90 [i], explique Anne Susset, la coordinatrice des programmes internationaux de Sidaction. On remarque en revanche que l’épidémie se polarise aujourd’hui sur des populations en situation de multi-vulnérabilité, les personnes issues des communautés LGBT, les travailleur.euses du sexe ou les usager.ères de drogues notamment. Pour arriver à toucher ces dernières niches particulièrement difficiles à atteindre, pour les amener vers le dépistage et les inclure dans le circuit de soin, la solution passe par un accueil de qualité, basé sur l’inclusivité, le non-jugement et la non-discrimination. »

« Sidaction, poursuit-elle, travaille avec les associations qu’elle finance dans une logique de partenariat, c’est-à-dire dans une logique de co-construction des actions qui sont menées sur le terrain. Elles seules disposent de l’expertise, c’est à dire de la connaissance de leurs contextes et des problématiques des personnes concernées par le VIH sur leurs territoires. Ce sont également elles qui sont en première ligne dans la fourniture de services et la prise en charge de ces personnes. A ce double titre, leurs apports sont essentiels dans notre réflexion. »

L’accueil, un vecteur de transformation des structures de soin

Au cours du premier jour, les échanges ont été particulièrement riches, les participant.es soulignant tous la transversalité des questions touchant à l’accueil. Loin de se limiter au guichet de réception, tous les aspects du fonctionnement des structures de soins sont balayés, de l’environnement physique et la sécurité, en passant par le « cadre commun », qui définit la posture et les attitudes à adopter par les personnels, jusqu’à l’organisation du travail des équipes. En effet, souligne Emilie Henry, « l’accueil est quelque chose de global qui concerne l’ensemble des équipes qui travaillent dans les structures de soin, du médecin jusqu’au gardien ».

Un constat : un « bon » accueil demande un travail de remise à plat du fonctionnement des structures. Et, parfois, un changement général d’attitude face aux usager.ères. Eric Nsengiyumva, coordinateur de l’association BAPUD à Bujumbura (Burundi), est en particulier intervenu pour pointer le manque de souplesse et d’ouverture de certaines structures de soins, et la persistance de pratiques stigmatisantes envers certains usager.ères.

« Beaucoup de structures se centrent sur le traitement du VIH, des IST ou des infections opportunistes en mettant les personnes dans une case, explique-t-il. Elles accueillent plus favorablement certains publics que d’autres en oubliant que leurs usagers peuvent avoir plusieurs ‘casquettes’, une personne trans peut aussi être usagère de drogue ou travailleuse du sexe, tout comme un homme ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) peut avoir fait un séjour en prison. Il faut sensibiliser les équipes sur la diversité des expériences et des identités des bénéficiaires, afin que tous puissent se sentir à l’aise. »

Pour guider la réflexion des participant.es, la matinée du second jour de l’atelier a fait intervenir l’association camerounaise Affirmative Action basée à Yaoundé. Jacques Ombilitek, le directeur exécutif adjoint de l’association, a présenté le projet « Mon prestataire, ma santé » qui visait à observer la prise en charge des HSH et de personnes trans dans les formations sanitaires, en identifier les insuffisances et développer un outil de suivi de la prise en charge de ces publics.

Plus technique, la fin de l’atelier s’est enfin attachée à définir, toujours en petits groupes de travail, quels pourraient être les outils et les indicateurs à développer pour améliorer et évaluer efficacement la qualité de l’accueil d’une structure.  

Des échanges à formaliser

La fin de ces trois jours d’échanges et d’émulation inter-associative ne signe pas l’arrêt de la collaboration entre Sidaction et les participant.es de l’atelier sur la question de l’accueil. Plusieurs réunions en visioconférence sont d’ores et déjà prévues au cours du second semestre 2024 : il s’agira d’abord, avec les associatifs volontaires, de synthétiser et d’organiser les idées des participant.es, puis d’affiner les premières versions du référentiel de qualité de l’accueil. La publication officielle de ce dernier est prévue à la fin de l’année.

Dans l’attente, nombreux sont les participants qui n’attendront pas pour faire évoluer leurs pratiques. « Cet atelier me permet remettre en question mes pratiques et celles de ma structure, indique Sefils Ndoda, psychologue au sein de l’association AMC à Lomé (Togo). Au sein de mon association, nous avions déjà travaillé un peu sur l’accueil, mais nous n’avions pas abouti à quelque-chose de très élaboré. En me nourrissant des différents échanges, des retours d’expériences d’autres structures, en m’inspirant des différents outils présentés, je vais pouvoir mieux évaluer le dispositif d’accueil au sein de ma structure et commencer à mettre en place les actions correctives pour l’améliorer. »

Notes et références

[i] Le « 90-90-90 » est un objectif mondial fixé par l’Onusida, d’ici à 2020, pour la riposte face au sida : 90 % des personnes séropositives connaissent leur statut sérologique ; 90 % des personnes qui connaissent leur séropositivité reçoivent des traitements antirétroviraux; 90 % des personnes sous traitements antirétroviraux ont une charge virale indétectable.

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