vih L’aide publique au développement amputée, la lutte contre le VIH fragilisée

14.10.24
Hélène Ferrarini
7 min
Visuel L’aide publique au développement amputée, la lutte contre le VIH fragilisée

L’aide publique au développement de la France a connu une première baisse soudaine en février 2024, grévant son budget annuel de 13 %. De nouvelles coupes budgétaires plus drastiques encore sont prévues dans le projet de loi de finances 2025, qui sera examiné par l’Assemblée nationale à partir du 21 octobre. Les actions de solidarité internationale, parmi lesquelles la lutte contre le VIH, sont déjà affectées, via les associations qui les portent.

Dimanche 18 février 2024, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire annonce des coupes budgétaires. L’aide publique au développement voit son budget amputé de 742 millions d’euros. « Cela nous a placé dans un état de stupeur », reconnaît Corentin Martiniault, chargé de mission Analyse et plaidoyer à Coordination Sud, qui réunit plus de 170 associations de solidarité internationale, parmi lesquelles un certain nombre lutte contre le VIH/SIDA (Aides, Coalition Plus, Médecins du monde, Mouvement français pour le planning familial, Sidaction, Solthis…). « Cette coupe est tombée d’un coup sec, nous ne l’avions pas du tout anticipée ». Lorsque le ministre concrétise ses annonces avec la publication d’un décret au Journal officiel le 22 février, c’est 13 % du budget 2024 de l’aide publique au développement qui disparaît du jour au lendemain.

« On est entré dans un contexte politique et budgétaire qui risque d’être catastrophique pour la solidarité internationale », prévient Gautier Centlivre, coordinateur plaidoyer à Action santé mondiale. « Des baisses ont été actées, d’autres sont à venir, et ceux qui vont payer sont les populations les plus vulnérables. » Les effets sont en effet immédiats. « Les organisations de la société civile ont du baisser leur budget de 13-15 % et revoir à la baisse leur activité », commente Corentin Martiniault de Coordination sud.

En ce qui concerne la lutte contre le VIH, le coup de rabot de février 2024 s’est traduit par une double baisse des budgets de l’Agence française de développement (AFD) : au sein de sa direction santé et dans les financements alloués aux ONG.

Une « restriction » pour la direction santé de l’AFD

Philippe Walfard de la division Organisations de la société civile au sein de l’AFD, parle de restriction « à laquelle malheureusement nous ne pouvions échapper puisque cela a touché l’ensemble des dispositifs de l’AFD ». Courroie de transmission des financements étatiques de l’aide publique au développement vers la société civile, l’AFD a répercuté la réduction budgétaire sur les associations. « Les baisses des subventions ont touché l’ensemble des projets inscrits dans la programmation 2024 », précise Philippe Walfard.

Chez Sidaction, le budget du programme Tremplins (Transferts, recherche et expertises multipays pour lutter contre l’infection au VIH et les inégalités en santé) qui intervient dans 14 pays d’Afrique, a ainsi été réduit de 10 % ; alors même que la note d’intention avait été acceptée en décembre 2023 et le dossier pour l’instruction finale déposée en janvier 2024. Du jamais vu ! « On a choisi de réduire le projet dans la durée, en enlevant un trimestre de financement sur le projet initialement prévu pour quatre ans », pour ne pas modifier le fond, explique Anne Susset, coordinatrice des programmes internationaux à Sidaction. Et, avec l’idée de « construire un nouveau projet qui prendra le relais ».

« Il est encore difficile de mesurer l’onde de choc des baisses de début 2024, car cela produit des effets sur le moyen-long terme. Des ONG vont arrêter des activités, quitter des pays, se repositionner… », décrit Corentin Martiniault de Coordination Sud. Le collectif est rapidement monté au créneau en publiant une tribune dans le quotidien Le Monde dénonçant une décision qui « remet en question les principes de justice et de solidarité, ternit la réputation de la France à l’international et, plus grave encore, met en péril des vies humaines ».

De sources concordantes, à l’initiative du ministère des Affaires étrangères, les financements à destination des organisations de la société civile locale, c’est-à-dire à l’étranger, ont été préservés des coupes budgétaires de février 2024. Ce choix témoigne de critères retenus par les instances étatiques pour reporter les baisses budgétaires, mais nos questions demandant des précisions à ce propos n’ont pas obtenu de réponse.

Concernant la lutte contre le VIH, Philippe Walfard de l’AFD souligne que « la part des financements des organisations de la société civile destinés à la lutte contre le VIH/sida est à mettre en perspective avec les contributions multilatérales de la France (Fonds mondial de lutte contre le sida, tuberculose et paludisme, UNITAID, ONUSIDA, …) et reste modeste ». Les baisses budgétaires de février 2024 n’ont pas affecté la contribution de la France à ces fonds multilatéraux répondant à des engagements pluriannuels, à savoirpour le Fonds mondial de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme « de près de 1,6 milliard d’euros pour le triennum 2023-2025, dont 20 % via L’Initiative, et de 255 millions d’euros pour Unitaid », rappelle une source diplomatique.

« Une séquence pleine d’incertitudes »

Mais les restrictions budgétaires devraient s’amplifier avec le budget 2025, dont le projet a été présenté en conseil des ministres le 10 octobre. S’agissant de l’aide publique au développement, le gouvernement Barnier a suivi les « plafonds de dépenses prévisionnels » proposés par le précédent gouvernement de Gabriel Attal. La baisse des dépenses de l’État allouées à l’aide publique au développement se chiffre à 1,3 milliard d’euros. Les 6,5 milliards de la loi de finances 2024 fondent à 5,2 milliards dans le projet de loi de finances 2025. Soit une perte colossale de 20 %, faisant de l’aide publique au développement l’un des secteurs les plus touchés par les restrictions budgétaires à venir, qui s’élèvent en tout à 20 milliards d’après le projet de loi de finances 2025. A Coordination Sud, on regrette ce « message de dépriorisation de l’aide publique au développement », qui fait figure de « bouc émissaire » des coupes budgétaires.

« Dans ce contexte, y compris le Fonds mondial, l’UNITAID… verront leurs aides rabotées », alerte Gautier Centlivre d’Action santé mondiale. L’inquiétude est palpable, alors que la huitième conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial doit avoir lieu en 2025. L’annonce de la contribution de la France, qui est l’un des principaux donateurs, sera scrutée avec attention. Pour l’instant, le ministère des affaires étrangères renvoie à la future loi de finances qui, « une fois votée, permettra d’avoir de premières indications sur la tendance pour les contributions 2026-2028 de la France dans les grands fonds verticaux ». Contactée par nos soins, Expertise France, qui abrite L’Initiative par laquelle transite 20 % de la participation de la France au Fonds mondial sous forme d’aides bilatérales, n’a pas souhaité donner suite à nos demandes.

« On est dans une séquence pleine d’incertitudes », commente Corentin Martiniault, « alors même que dans le domaine de la solidarité internationale, on a besoin de stabilité ». Pour Action santé mondiale, « c’est le reniement de tous les engagements et discussions des années passées ».

La loi développement solidaire promulguée en août 2021 prévoyait en effet que la France alloue 0,7 % de son revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement à l’horizon 2025. Engagement repoussé dans un premier temps à 2030 par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et qui semble désormais disparaître vers un horizon de plus en plus lointain, bien qu’une source diplomatique assure que « la France reste attachée à l’atteinte de cette cible ». En 2023, seul 0,50 % du RNB était consacré à l’aide publique au développement. Ce sera vraisemblablement moins en 2024 et 2025.

La solidarité internationale est désormais suspendue à l’adoption du budget 2025, qui suscite déjà de vifs débats au sein desquels le sujet de l’aide publique au développement fait figure de grand absent. Or, comme le rappelle Corentin Martiniault, « cela a des impacts très concrets sur des milliers de vie, il ne faut pas que les gens pensent que cela n’a pas d’effets. »

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