vih L’anneau vaginal a-t-il assez d’atouts ?

18.12.18
Anne Lepennec
7 min
Visuel L’anneau vaginal a-t-il assez d’atouts ?

En Afrique subsaharienne, 24,7 millions de personnes vivent avec le VIH. Près de 60 % d’entre elles sont des femmes. Les jeunes âgées de 15 à 25 ans sont particulièrement exposées : victimes de normes de genre et d’un manque d’accès à l’éducation, ces jeunes femmes s’approprient difficilement les outils de prévention mis à leur disposition. Pour freiner la progression de l’épidémie, il apparaît nécessaire de déployer de nouveaux dispositifs qui aident les femmes à prendre leur santé en main. L’anneau vaginal pourrait être l’un d’eux si l’on en croit les premiers résultats d’essais menés dans plusieurs pays d’Afrique depuis 2012.

À première vue, cet anneau vaginal ressemble à s’y méprendre à son équivalent contraceptif. Découpé dans un matériau souple, il s’insère dans le vagin où il délivre en continu son composé actif. Ici, toutefois, point d’hormones : l’anneau vaginal mis au point pour prévenir l’infection par le VIH contient de la dapivirine, un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI). L’utilisatrice l’insère et le retire elle-même. Le dispositif est dosé pour agir pendant un mois, après quoi il faut le remplacer.

Deux essais cliniques de phase III contre placebo ont été conduits simultanément pour en évaluer l’efficacité et la sécurité d’emploi à long terme. Le premier, baptisé The Ring Study [1], émane de l’organisation à but non lucratif International Partnership for Microbicides (IPM). Le deuxième, Aspire [2], a été mené par le réseau américain Microbicides Trials Network (MTN). Quelque 4 000 femmes, âgées de 18 à 45 ans, ont accepté de participer à ces essais en Afrique du Sud, au Malawi, en Ouganda et au Zimbabwe. Les résultats communiqués en 2016 sont sans appel : l’utilisation de l’anneau vaginal réduit de 30 % en moyenne le risque d’infection par le VIH. Ce chiffre augmente avec la fréquence d’utilisation de l’anneau, sauf au sein du groupe des femmes âgées de 18 à 21 ans, pour lesquelles ce moyen de prévention s’avère inefficace. « Dans ces études, souligne Lisa Rossi, directrice de la communication et des relations extérieures au sein du MTN, les femmes utilisaient l’anneau vaginal pour la première fois, sans certitude quant à son efficacité et à sa sécurité à long terme. Ces dernières étant confirmées, nous avons de bonnes raisons de croire qu’elles seront encore plus motivées pour adopter cette stratégie de prévention si on leur en donne la possibilité et qu’elles le souhaitent. »

Dans le contexte africain, prendre un comprimé chaque jour, comme la pilule contraceptive, est synonyme de maladie.

Pourquoi ce choix ?

Le souhaitent-elles, justement ? Pour compléter ces premiers résultats encourageants, deux autres études, Dream et Hope, sont en cours depuis 2016. Cette fois, toutes les participantes qui le souhaitent se voient remettre l’anneau vaginal à la dapivirine. Les données intermédiaires présentées en mars 2018 confirment l’intuition des chercheurs. Dans ces conditions, le recours à l’anneau vaginal permettrait de réduire de plus de 50 % le risque d’infection chez les femmes [3]. « Celles qui choisissent de ne pas l’utiliser sont quand même incluses dans l’étude, précise Lisa Rossi, car nous cherchons aussi et surtout à comprendre pourquoi cette stratégie de prévention fonctionne pour certaines et pas pour d’autres, comment ce choix évolue dans le temps et quels sont les différents facteurs qui l’influencent. » À cet égard, les chercheurs ne partent pas de zéro. Grâce aux connaissances acquises au cours des campagnes de promotion de la contraception, ils ont déjà des pistes. « Nous savons que quatre principes au moins facilitent l’appropriation d’une méthode de contraception : sa simplicité d’utilisation, sa discrétion, la facilité d’accès et sa fiabilité », rapporte Ariane Van der Straten, experte en méthodes de prévention du VIH auprès des femmes au RTI International et qui participe aux études du MTN sur l’anneau vaginal. Par exemple, dans le contexte africain, prendre un comprimé chaque jour, comme la pilule contraceptive, est synonyme de maladie. Et le préservatif, qui doit se négocier avec son partenaire et qui peut se déchirer, est souvent source de stress. « En va-t-il de même pour la prévention du VIH ? C’est probable, mais nous devons le vérifier et affiner notre compréhension, précise la chercheuse. Pour sûr, l’enjeu est celui de l’acceptation sociale et par les pairs. La stigmatisation vis-à-vis de la communauté est un énorme frein. » Et d’ajouter : « Les effets secondaires réels ou perçus, première cause d’abandon d’un moyen de contraception, n’ont pas pu être étudiés dans les essais contre placebo cités précédemment. Cette fois, c’est possible. On sait déjà qu’il y en aura moins avec l’anneau vaginal qu’avec la PrEP [prophylaxie préexposition, NDLR]. » L’ensemble des données collectées dans le cadre de Dream et Hope devrait être publié d’ici à six mois.

Zoom sur les très jeunes femmes

Une troisième étude multicentrique engagée par le MTN se penche spécifiquement sur les besoins et les préférences des (très) jeunes femmes. Nommée Reach [4], elle se propose d’évaluer et de comparer l’appropriation de deux méthodes de prévention – l’anneau vaginal et la PrEP [prise du Truvada® sous forme de comprimé] – chez les 16-21 ans. « L’une et l’autre sont efficaces, mais uniquement dans des conditions d’utilisation adéquates : prendre un comprimé tous les jours, laisser l’anneau en place pendant un mois et le changer ensuite, explique Lisa Rossi. Or c’est un vrai défi pour ces très jeunes femmes. » Pour sûr, la PrEP, déjà autorisée dans de nombreux pays, a une longueur d’avance sur l’anneau vaginal, disponible seulement dans le cadre de ces essais. Un dossier d’autorisation a été déposé auprès de l’Agence européenne du médicament (EMA). Son avis est attendu courant 2019. « Si la réponse est positive, nous demanderons une préqualification à l’Organisation mondiale de la santé », détaille l’IPM. L’autorisation de mise sur le marché dépendra ensuite de chaque pays.

Notes

[1] – Nel A, Van Niekerk N et al, “Safety and Effi cacy of a Dapivirine Vaginal Ring for HIV Prevention in Women”, N Engl J Med, 2016.
[2] – Baeten J-M, Thesla Palanee-Phillips T et al, “Use of a Vaginal Ring Containing Dapivirine for HIV-1 Prevention in Women”, N Engl J Med, 2016.
[3] – Dream (Dapivirine Ring Extended Access and Monitoring). HIV incidence and adherence in DREAM : an open-label trial of dapivirine viginal ring. Abstract présenté par Zeda Rosenberg lors de la CROI, mars 2018.
MTN-025 Hope (HIV Open label Prevention Extension). High uptake and reduced HIV-1 incidence in an open-labl trial of the dapivirine ring. Abstract présenté par Jared Baeten lors de la CROI, mars 2018.
[4]– MTN-034 Reach (Reversing the Epidemic in Africa with Choices in HIV prevention) : mtnstopshiv.org/news/about-reach-study-mtn-034

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