Un nouveau cas de contrôle post-traitement de l’infection VIH vient d’être décrit par des équipes de recherche argentine (Helios Salud) et américaine (NIH). Cette femme, d’une cinquantaine d’année, contrôle la réplication du VIH à des taux indétectables, sans prise de traitement, depuis maintenant 12 ans.
Une femme argentine, d’une cinquantaine d’année, a contrôlé le VIH en deçà des limites de détection depuis l’arrêt du traitement anti-VIH rapportent des chercheurs de Buenos Aires (Helios Salud) et du National Institutes of Health (NIH) des États-Unis.
Diagnostiquée positive pour le VIH-1, cette femme originaire de Buenos-Aires a suivi un traitement antirétroviral lui permettant d’avoir une charge virale indétectable à partir de 1998. Une mauvaise adhérence au traitement ajouté au diagnostic d’une lipodystrophie aggravée l’ont amené à changer plusieurs fois de traitement, jusqu’à finalement le stopper en 2007. Depuis lors, sa charge virale est restée indétectable et elle présente un taux de lymphocytes T CD4 supérieur à 500 cellules/ml de sang. En 2015, elle a été suivie par des médecins de l’institut national de santé américaine (NIH) afin d’évaluer son contrôle post-traitement. Les nombreuses analyses, menées en Argentine puis aux Etats-Unis, ont permis de conforter le fait que cette personne contrôlait bien l’infection VIH.
Concernant les paramètres virologiques, aucune trace du virus (ARN viral) n’a pu être détecté dans les différentes biopsies (intestin, ganglions, liquide céphalo-rachidien) réalisées. Les taux d’ARN viral sanguins étaient inférieurs à la limite de détection du test le plus sensible. Les seules traces d’ADN viral détectées l’ont été dans les ganglions mais à des taux très faibles. Enfin du virus réplicatif a été décelé, mais à des taux extrêmement bas, dans les lymphocytes T CD4. L’analyse des paramètres immunologiques a montré la présence d’une réponse cellulaire T (CD4 et CD8) spécifique du VIH de faible intensité. La réponse cellulaire CD8 (cytotoxique) est demeurée très faible même après plusieurs jours de stimulation in vitro, alors que la réponse CD4 était plus élevée que celle observée dans le contrôle négatif. Ce niveau de réponse cellulaire diffère de la forte réponse observée chez les sujets « contrôleurs d’élite » ou « asymptomatiques à long terme ».
Une absence d’anticorps anti-VIH
Le paramètre qui a surpris les cliniciens fut la sérologie VIH négative de la patiente. En effet, aucun anticorps anti-VIH n’a pu être détecté, indiquant une séroconversion de la patiente. Cette perte des anticorps anti-VIH (séroconversion), qui reste un cas extrêmement rare, a intrigué les chercheurs. En effet, même le patient de Berlin avait maintenu pendant de nombreuses années de faibles taux d’anticorps spécifiques du VIH. Ils ont voulu savoir si cette absence d’anticorps pouvait s’expliquer par une altération de sa capacité à maintenir une réponse humorale, que ce soit à la vaccination ou aux infections latentes persistantes. Les analyses menées auprès de la patiente ont clairement montré qu’elle était capable d’induire une réponse humorale, puisque des anticorps contre d’autres pathogènes (virus de l’hépatite B, cytomegalovirus) ont été détectés.
Enfin, l’analyse de marqueurs génétiques a montré que cette personne possède l’allèle HLA protecteur B*58. L’ensemble de ces résultats a questionné les chercheurs quant au diagnostic VIH établit en 1996. Mais ces interrogations furent vite levées après examen approfondi de son dossier médical, indiquant notamment la présence d’une infection VIH cérébrale.
D’autres cas de contrôle post-traitement ont déjà été reportés, les premiers furent identifiés en France en 2013 dans la cohorte Visconti. Certains des 27 patients suivis dans cette cohorte contrôlent leur charge virale depuis maintenant plus de 20 ans sans prise de traitement. Pour autant plusieurs facteurs virologiques et immunologiques rendent ce cas unique selon les auteurs de l’article. Parmi eux, la taille très réduite du réservoir compétant (en dessous du seuil de détection) qui diffère de la plupart des autres contrôleurs post-traitement ou contrôleurs d’élite et surtout l’absence d’anticorps spécifique du VIH.
Selon les auteurs, une des hypothèses pouvant expliquer cette séroconversion est la présence dans le corps d’une très faible quantité d’antigènes viraux, qui ne permettrait pas d’induire la production d’anticorps. Enfin ce cas est aussi unique en son genre étant donné que cette personne est capable de contrôler sa charge virale sans traitement depuis maintenant 12 ans, alors qu’elle fut diagnostiquée à un stade avancé de l’infection VIH. Comme l’ont conclu les auteurs de l’article ce cas pourrait représenter le meilleur exemple de rémission fonctionnelle post-traitement. Est-ce une « preuve de concept » qu’une rémission durable est possible sans la nécessité d’interventions invasives comme la greffe de moelle. Reste à comprendre le mécanisme naturel permettant d’arriver à une rémission durable.