vih L’Artère – Le Jardin des dessins, un atelier contributif au parc de la Villette

14.06.21
Yves Jammet
9 min
Visuel L’Artère – Le
Jardin des dessins, un atelier contributif au
parc de la Villette

Jusqu’au 20 juin, un atelier contributif destiné à raconter en dessin l’histoire des luttes contre le VIH/sida est ouvert dans une Folie du parc de la Villette. Il vise à donner une suite au parterre de céramique de 1001 m2, œuvre de Fabrice Hyber, inauguré le 1er décembre 2006 par Jacques Chirac, président de la République. Sidaction et Transversal sont partenaires de cette initiative.

Le 1er décembre prochain, on célèbrera le quinzième anniversaire de L’Artère – Le Jardin des dessins. Comme nombre d’œuvres relevant de ce que les historiens de l’art désignent sous les noms de « peinture d’histoire » et d’« œuvre à message » – pensons, par exemple, à Guernica de Pablo Picasso (1937) – L’Artère témoigne d’un moment dramatique de l’histoire de l’humanité. Début 2021, on estime à plus de 38 millions le nombre de morts de la pandémie [i]. Chiffre qui donne la mesure de la catastrophe. Chiffre très certainement sous-évalué, en raison des données peu fiables communiquées par de nombreux pays.

L’Artère raconte en dessin l’histoire des luttes contre le VIH/sida de 1981 à 2003. C’est en effet en 2003, à Monterey, au Mexique, que Fabrice Hyber réalise cette monumentale peinture sur céramique. Le VIH, comme il l’écrit aux pieds des cent-neuf garde-corps qui entourent son oeuvre, « nous a fait perdre le Nord ». Et, l’humanité a dû apprendre à vivre avec lui.

Mais, force est de constater qu’entre 2003 et 2021 les recherches médicales ont accompagné les transformations des conduites amoureuses et sexuelles des séropositifs et des séronégatifs. Aujourd’hui, le VIH n’est plus synonyme de sida et, partant, de mort. Les tri-thérapies, les traitements pré et post-expositions, les tests gratuits en laboratoire sans ordonnance (à Paris, notamment) ainsi que les auto-tests sont autant d’avancées qui permettent à toutes et tous de connaître son statut sérologique, d’éviter de contaminer et d’être contaminé lors de relations sexuelles. 

Dans le même temps, les évolutions sociales, scientifiques et juridiques ont pris en compte d’autres façons d’aimer, de se situer dans les genres ou de procréer. Depuis le début du XXe siècle, on sait que les pratiques sexuelles sont indissociables des conditions économiques et politiques, que la sexualité est déterminée socialement et historiquement.

Une oeuvre ouverte, libre

Une œuvre ouverte comme L’Artère peut et doit témoigner de toutes ces évolutions. Lieu de vie, de prévention et de commémoration, la forme de l’anti-monument de Fabrice Hyber est celle d’un ruban dénoué. Gage d’espoir – le nœud du sida se dénouera le jour où un vaccin sera découvert – mais, aussi, invitation faite à chacune et chacun de cheminer librement à travers les 1 001 m2 et les 16 000 dessins de L’Artère

Métaphoriquement, l’expérience de la marche, comme la vie sexuelle, est toujours en devenir, non fixiste, vivante, libre. Expérience qui, sur L’Artère, est l’occasion de prendre le temps de regarder, de lire et d’interpréter certains dessins pour, tour à tour, se poser des questions fondamentales et banales, existentielles et triviales, tournées vers le passé ou l’avenir… puisqu’on marche sur L’Artère, comme dans la vie, sans trop savoir où l’on met les pieds.

Parmi les milliers de dessins de L’Artère, Fabrice Hyber a inventé Les Hommes cellulaires, représentation visuelle qui permet de comprendre que les êtres vivants sont des amas de cellules, de bactéries, de microbes ainsi que de… virus. Les silhouettes dessinées au sol sont remplies de cercles qui figurent les milliards de micro-organismes qui nous constituent. L’un des plus grands dessins de L’Artère a pour titre Le Nouveau monde. Une tête et trois corps, féminin, masculin et médicalisé. Un corps cellulaire rose, un corps cellulaire bleu et un écorché, écho aux dessins anatomiques de la Renaissance. 

Physiologiquement et psychiquement, chacune et chacun est un être riche d’identités multiples, elles aussi en devenir permanent. Ce que l’on cherche est tout, dit le poète… Et, comme Léonard de Vinci l’a écrit de la peinture, toutes celles et ceux qui marchent sur Le Jardin des dessins comprennent que la sexualité est une chose de l’esprit (una cosa mentale) et que la jouissance peut également s’entendre « j’ouis sens ».

Actualiser L’Artère

Raconter visuellement, avec des pastels et des fusains, le VIH aujourd’hui, c’est tout l’enjeu de l’atelier contributif L’Artère 2021 qui accueille, en semaine, des groupes. D’une part, des associations engagées dans les luttes contre le VIH/sida, la sérophobie, la transphobie : Aremedia, Comité des familles, Sidaction, Acceptess-T, PASTT, Aides 19e, Arcat, Ikambéré. D’autre part, des associations qui accompagnent les jeunes « en difficulté » : Unis-Cité, Ecole de la 2e chance, Missions locales… Pendant les week-ends, l’accueil du public individuel est privilégié.

L’atelier se déroule en deux temps [ii] : une visite-promenade dans le parc de la Villette, centrée sur Le Jardin des Bambous et L’Artère-Jardin des dessins ; un atelier arts-plastiques, encadré par Marion, Morgane et Martin, diplômés d’écoles d’art. Pour l’ensemble des premiers participants, L’Artère a été une découverte, aussi bien pour les professionnels de la lutte contre le sida et les IST, que pour les militants associatifs ou les jeunes présents lors de l’atelier. Unanimement, tous ont manifesté leur intérêt et exprimé leur satisfaction [voir les témoignages en encadré ci-dessous].  

Pour beaucoup de participants, l’atelier de la Villette a coïncidé avec la reprise des activités en groupe et en présentiel après la période de confinement hivernal. Tous ont été sensibles à la beauté du parc de Bernard Tschumi. Les jours de soleil, les tables installées pour dessiner sur la terrasse de la Folie, face à la prairie du Triangle, ont été une source de joies partagées. Tous ont également souligné la qualité du matériel de dessin mis à disposition. Enfin, pour certains, le fait d’avoir pu rencontrer Fabrice Hyber a été vécu comme une chance.

Comme l’explique un usager d’une cinquantaine d’année du Comité des familles participant à l’atelier : « Dessiner, je me rends compte que c’est vraiment difficile. En plus, je prends conscience que je suis un traitement mais que j’ai du mal à en parler. Le fait de dessiner et de discuter avec Fabrice Hyber m’a permis de comprendre que de dessiner des médicaments en ajoutant les outils de la mesure du temps, cela renforçait la signification de mon dessin. Les médicaments seuls, c’est vrai que ça ne dit grand chose… Ils s’inscrivent toujours dans un protocole. C’est ça justement le traitement. Dans quinze jours, je dois voir mon infectiologue, c’est sûr, je lui parlerai ma visite à la Villette. »  

En regardant la première centaine de dessins produits dans le cadre de l’atelier, Fabrice Hyber a constitué une sorte de typologie : les dessins réalistes, les dessins à message, les dessins allégoriques. Sa première idée est de regrouper ces dessins par thème, sur une ou deux toiles flottantes de grands formats. Pendant l’été, il travaillera à la composition de l’ensemble des matériaux recueillis qu’il surchargera, peut-être, de ses propres dessins.

Comme l’oeuvre de 2006, L’Artère 2021 sera la propriété de Sidaction. Florence Thune, directrice générale de l’association, souhaiterait mettre en dépôt cette nouvelle œuvre dans un établissement public francilien, fréquenté par un large public. Si les négociations engagées débouchent sur un accord, L’Artère 2021 pourrait être inaugurée à l’automne prochain et donner lieu à de nouvelles actions de médiation artistique, scientifique et technique. Transversal vous tiendra bien sûr informé [iii]. A suivre…  

« Je voyais mais je ne regardais pas. » Homme, 30 ans environ. Aremedia.

« Je suis séropositive et viens souvent à la Villette mais je n’avais jamais vu L’Artère. Je ne savais même pas qu’elle existait. » Personne trans, environ 35 ans. PASTT.

« Muqueuse, je connaissais le mot mais je ne savais pas ce que c’était réellement. Grâce aux dessins de L’Artère, je crois avoir enfin compris les propriétés des muqueuses et pourquoi la pénétration anale non protégée est la pratique la plus à risque. Chose que je n’avais jamais comprise jusqu’à maintenant. » Jeune femme, 20 ans environ. Unis-Cité Val-de-Marne.

« La PrEP, je n’en avais jamais entendu parler. C’est super si depuis hier, les médecins traitants peuvent la prescrire. » Jeune homme, 20 ans environ. Unis-Cité Val-de-Marne.

« Je suis séropositif depuis longtemps et je n’avais jamais eu l’occasion de m’interroger sur la signification du logo de la lutte contre le sida. » Homme, 50 ans environ. Comité des familles.

« Pour moi, L’Artère, c’était un lieu de commémoration. Je ne l’avais jamais regardé comme une œuvre d’art. Je crois que beaucoup de militants sont dans mon cas. » Femme, environ 50 ans. Sidaction.

« Oh, la, la,… Jacques Chirac, était-il au courant de tout ce qui était représenté sur L’Artère ? En tous cas, c’est courageux de sa part d’avoir inauguré une oeuvre comme celle-là. Dans mon pays, je crois que même aujourd’hui ce ne serait pas possible. » Homme, environ 30 ans. Acceptess-T.

« Je n’étais pas revenu voir L’Artère, depuis son inauguration par Jacques Chirac en 2006. Cette œuvre n’a rien perdu de sa force. Nous serons aux côtés de L’Artère 2021 pour les 15 ans de l’œuvre. Cette œuvre doit être remise en avant ! » Homme, environ 40 ans. CRIPS Ile-de-France.

L’atelier contributif : témoignages de participants

Notes

[i] Pascale Cossart, Fabrice Hyber, Le monde invisible du vivant, Odile Jacob, 2021.

[ii] Certains groupes ont pu bénéficier de la présentation de la Cité de la santéet d’interventions du Crips IDF. La Cité de la santé et le Crips IDF étant partenaires de la manifestation.

[iii] Dès maintenant et pour en savoir plus, n’hésitez pas à consulter le compte Instagram : @artere_2021

Photo de couverture, Isabelle Smadja : détail (Les hommes cellulaires) de l’oeuvre de Fabrice Hyber L’Artère – Le Jardin des dessins au Parc de la Villette à Paris.

Agissez
Pour lutter contre le VIH/sida
Je donne
45€

Pour informer
24 personnes
sur le dépistage.

Faire un don
hearts

Pour contribuer à lutter contre le VIH

Nos actus

Toutes les actus
Restez informés En vous inscrivant à la newsletter
Vous acceptez que cette adresse de messagerie soit utilisée par Sidaction uniquement pour vous envoyer nos lettres d’information et nos appels à la générosité. En savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits.
Partagez,
likez,
tweetez
Et plus si affinités