vih L’autotest : le dépistage du confinement ?

21.01.21
Cécile Josselin
8 min
Visuel L’autotest : le
dépistage du confinement ?

Face aux CeGGID fermés et à des laboratoires d’analyse médicale submergés par les tests PCR, le recours à l’autotest pour pallier la chute du dépistage du VIH en 2020 n’apparaît pas évident, malgré des ventes en ligne en hausse par rapport à 2019.

On aurait pu espérer que les tests de dépistage du VIH qui n’ont pas pu être pratiqués dans les CeGGID [i] durant le confinement aient été remplacés par les autotests. S’ils ont l’avantage de pouvoir se faire sans quitter son domicile (notamment via une livraison), cela n’a malheureusement pas été le cas : « Les ventes par les pharmacies d’autotests VIH ont chuté au premier semestre 2020 (–22 % par rapport au premier semestre 2019). Cette baisse est particulièrement marquée en mars (–32 %) et en avril (–50 %) par rapport aux mêmes mois en 2019 et persiste en mai (–20 %) et en juin (–14 %) » sans bénéficier d’un rattrapage en juin et juillet, explique Santé publique France [ii].

Stimuler le recours à l’autotest

Plusieurs initiatives ont pourtant été tentées dans ce sens. Des associations de lutte contre le VIH, comme Aides, ont fortement misé sur les autotests pour remplacer les TrOD (tests rapides d’orientation diagnostique), qui ne pouvaient plus être réalisés. « En 2020, nous avons distribué entre 11 000 et 12 000 autotests, contre 7 425 en 2019 », indique Coline Mey, chargée de mission Nouvelles stratégies de santé à Aides. Le nombre d’envois a été multiplié par huit lors du premier confinement, puis a de nouveau plus que doublé au moment du déconfinement avec l’opération « Teste-toi avant le sexe ! », menée avec Vers Paris sans sida.

Avec le développement des tests antigéniques, il a également été envisagé de proposer un couplage du dépistage de la Covid-19 et du VIH (par un TrOD ou un autotest). Pour Fabien Larue, directeur du laboratoire AAZ, il s’agit là d’une occasion manquée. « Les associations de lutte contre le sida auraient pu proposer aux personnes de profiter du test de la Covid-19 pour faire le point sur leur sérologie VIH, mais elles n’ont pas eu l’autorisation de pratiquer les tests antigéniques, ce qui, à mon avis, est un non-sens. » Envisagée outre-Atlantique par une équipe de chercheurs américains, une simulation a montré que « la mise sur pied d’un programme conjoint de dépistage du VIH et du Sars-CoV-2 pourrait réduire de près de 17 % le nombre de nouvelles infections par le VIH sur cinq ans si 90 % [des personnes] se voyaient proposer un test de dépistage du VIH [et qu’environ 60 % d’entre elles l’acceptaient] » [iii].

Faute de pouvoir se déplacer hors de leur quartier où elles sont souvent mal à l’aise pour acheter un autotest, les personnes intéressées par cet outil de dépistage se sont tournées vers la commande en ligne et le conseil téléphonique qui, sans être massif, a notablement augmenté. C’est du moins ce que suggèrent les chiffres de vente des pharmacies en ligne et l’observation des appels reçus à SIS Association (anciennement Sida info service).

Une hausse des ventes en ligne

En effet, tandis que les ventes en officines physiques ont clairement chuté en 2020, on observe une hausse des ventes en ligne, qui représentent autour de 20 % des ventes d’autotests par des pharmacies, selon Fabien Larue. Par exemple, Pharmacie GDD, un des leaders sur ce marché, affiche une augmentation de 300 % des ventes de l’autotest VIH® du laboratoire AAZ durant le premier confinement et une hausse de 250 % sur la vente du lot de deux boîtes Exacto® par rapport à la même période en 2019. 

Une tendance confirmée par SIS Association, qui a visiblement recueilli les demandes d’information et de conseils qui n’ont pas pu être donnés en officine. « Du 17 mars au 30 novembre 2020, nous avons reçu 1 600 sollicitations au sujet des autotests, alors que durant cette même période en 2019 nous n’en avions que 909, soit une augmentation de près de 43 % », rapporte la Dr Radia Djebbar, coordinatrice médicale à SIS Association, avant d’ajouter que sur la même période la structure avait été informé de presque deux fois plus de tests positifs : « L’année dernière, du 17 mars au 30 novembre, nous avions été contactés suite à 7 tests positifs. Cette année, nous en avons reçu 13 sur la même période ! »

Un autotest en mal de reconnaissance

Trois autotests VIH se partagent le marché français : l’historique, l’autotest VIH® du laboratoire AAZ, Exacto® HIV de Biosynex, deux fois moins cher, et, plus marginal, le INSTI® VIH de BioLytical Laboratories. Au total, 79 500 unités ont été vendues en pharmacie en 2019, selon Santé publique France. Un chiffre stable (+6 % par rapport à 2018), auquel il faut ajouter les autotests vendus directement aux associations de lutte contre le VIH et aux CeGGID par les fabricants. Non négligeable, leur nombre monte à 37 000 unités pour le laboratoire AAZ, qui en est de loin le principal pourvoyeur.

Un recours à l’autotest néanmoins modeste, comparé aux 6,2 millions de tests effectués en 2019, mais qui a le mérite d’exister et de représenter une alternative aux autres formes de dépistage qui dépendent toutes d’un tiers. Selon Françoise Cazein, épidémiologiste à Santé publique France, « autour de 1 % des sérologies positives au VIH est découvert via un autotest, soit un taux concordant avec son poids sur le marché ». Impossible par contre de connaître le taux de positivité découvert par ce mode de dépistage, car on ignore combien d’autotests ont effectivement été réalisés et quelle est la proportion des résultats positifs qui ont été rapportés par l’usager. 

Largement achetés en Île-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes, où ils concentraient 61 % des ventes en 2019, ils sont par contre très peu vendus en Martinique et en Guadeloupe (respectivement 207 et 243 unités achetées en 2019), régions où le virus circule pourtant activement [iv].

À SIS Association, en 2020, 67 % des appels pour un autotest provenaient d’hommes et 45 % de jeunes de 20 à 29 ans. « Ce sont toujours des personnes informées qui nous appellent, estime la Dr Radia Djebbar. Nous n’arrivons pas à atteindre les communautés les plus isolées que nous voulions toucher à l’origine. En cela, l’objectif des autotests n’a pas été atteint. »

Peu connus du public du fait de son manque de visibilité, les officines n’ayant pas le droit de les proposer en libre accès dans leurs rayons, encore beaucoup de gens en ignorent l’existence. Selon l’enquête Rapport au sexe 2017 [v]le prix, bien que relativement élevé, ne semble pas être un frein au choix de l’autotest, du moins au sein de la population des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), même la plus jeune. 

Les dispositifs de prise en charge sont par ailleurs largement sous-utilisés. Plusieurs complémentaires santé (Smeno, CNM prévoyance Santé, MGEL, LMDE, Smerep [nouvellement Heyme], etc.) proposent le remboursement intégral de l’autotest, mais rares sont les adhérents à utiliser cette option. Alors qu’un adhérent sur deux de la Smeno pourrait bénéficier d’un remboursement intégral une fois par an, seule une personne en a fait la demande en 2020 !

Quant aux autotests achetés par les associations et les CeGGID, beaucoup ne sont finalement pas distribués faute de trouver leur public, comme le confirme Radia Djebbar, qui intervient également au CeGGID d’Ambroise-Paré (Boulogne Billancourt) : « Nous avions des autotests que nous pouvions donner aux personnes qui venaient se faire dépister gratuitement, mais nous avons dû les jeter, car ils avaient dépassé leur date de péremption. »

Notes

[i] Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic du VIH, hépatites virales et IST.

[ii] Cazein F, Sommen C, et al, « Dépistage du VIH : état des lieux en 2019 et sur les sept premiers mois de l’année 2020 », BEH, no 33-34, déc. 2020.

[iii] « Des tests de la Covid-19 et du VIH effectués conjointement pourraient réduire la propagation des deux virus », catie.ca, oct. 2020.

[iv] Sources : Geodes, Santé publique France.

[v] Lydié N, Duchesne L, Velter A, « Qui sont les utilisateurs de l’autotest VIH parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes en France ? », BEH, no 40-41, nov. 2018.

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