vih Le Fonds mondial à la recherche d’au moins 14 milliards de dollars

12.07.19
Romain Loury
6 min
Visuel Le Fonds mondial à la recherche d’au moins 14 milliards de dollars

Le 10 octobre, à Lyon, aura lieu la réunion triennale de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Une conférence au cours de laquelle ses donateurs, principalement les pays du Nord, annonceront leur contribution au sixième cycle du Fonds, qui couvrira la période 2021-2023. Pour son cinquième cycle (2018-2020), le Fonds mondial avait chiffré ses besoins à 13 milliards de dollars, pour n’en obtenir finalement que 12,2 milliards. Cette fois-ci, il porte sa demande à « 14 milliards de dollars au minimum ». Dans un argumentaire publié début janvier, développé lors d’une réunion de lancement de cette sixième reconstitution, qui s’est tenue début février à New Delhi (Inde), le Fonds expose les bases de son calcul[1].

Une hausse nécessaire

« D’emblée, l’objectif onusien de vaincre les trois grandes pandémies d’ici à 2030 sera impossible à atteindre à financements constants », explique le Fonds. Sans effort supplémentaire, l’incidence et la mortalité des trois maladies resteront constantes, nous éloignant ainsi de l’objectif 2030. D’autant que de nombreuses menaces planent, en particulier les résistances aux traitements. S’inscrire dans la trajectoire 2030 exigerait de consacrer 101 milliards de dollars à la lutte contre les trois maladies au cours de la période 2021-2023, dont 54 milliards de dollars rien que pour le VIH/sida.

Dans les faits, on en est loin. Les financements pour la coopération en santé, qui ont connu une envolée au cours de la décennie 2000, n’ont pas augmenté depuis 2013. Tenant compte « des contraintes budgétaires et des priorités divergentes », le Fonds a préféré tabler sur un financement total de 83 milliards de dollars pour 2021-2023, soit 82 % des 101 milliards nécessaires. Ce qui constitue le « minimum requis » pour une élimination des trois épidémies à l’horizon 2030. Rien que pour le VIH/sida, atteindre la cible de 83 milliards de dollars au total permettrait, selon le Fonds mondial, de réduire le taux d’incidence de 64 % et celui de mortalité de 56 %, en 2023 par rapport à 2017.

Sur ces 83 milliards de dollars, 45,8 milliards proviendraient de financements nationaux, effectués par les pays concernés, donc bénéficiaires du Fonds mondial. D’autres bailleurs de fonds, bilatéraux, comme le Pepfar, ou multilatéraux, comme la Banque mondiale, contribueraient à hauteur de 23,3 milliards de dollars, au même niveau qu’en 2018-2020. Les 14 milliards de dollars restants proviendraient du Fonds mondial. Celui-ci espère toutefois obtenir plus, « ce qui sauverait des millions de vies supplémentaires et accélérerait la fin des épidémies ».

Un cofinancement par les États toujours plus élevé

Si l’optimisme reste de mise, le doute demeure sur plusieurs points. D’autant que la reconstitution des ressources du Fonds mondial coïncide avec celle d’autres organismes de coopération internationale, dont l’Alliance globale pour les vaccins et l’immunisation (Gavi), l’Association internationale de développement (IDA) de la Banque mondiale et l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Autre incertitude, la capacité des pays du Sud à financer la lutte contre les trois pandémies à hauteur de 45,8 milliards de dollars, ce qui constituerait une hausse de 48 % par rapport au cycle précédent. « Pour replacer cette forte hausse dans son contexte, il faut rappeler que les engagements des pays en matière de cofinancement en 2018-2020 ont augmenté de 41 % par rapport au cycle 2015-2017 », rappelle le Fonds, qui table donc sur une accélération des financements nationaux.

Si cette hausse attendue de 48 % découle d’« une analyse précise par pays », Sylvie Chantereau, directrice générale des Amis du Fonds mondial Europe, la juge « un peu ambitieuse » : « pour certains pays, cela sera atteignable ; pour d’autres, ce sera compliqué. Certains ont une marge budgétaire suffisante, d’autres non ».

Quant au Fonds mondial lui-même, si la cible d’« au minimum 14 milliards de dollars » constitue une hausse de 7 % par rapport aux demandes formulées pour la période 2018-2020, elle s’élève à 15 % par rapport aux contributions réellement obtenues. Le Fonds atteindra-t-il cet objectif financier ? Sans attendre la réunion de Lyon, plusieurs pays ont annoncé une hausse de leur contribution. Parmi eux, l’Irlande (45 millions d’euros, soit 50 % [•1] de plus par rapport au cinquième cycle), le Luxembourg (9 millions d’euros, soit 11 % de plus) et le Portugal (750 000 dollars, soit 3,3 fois plus).

Les pays du G7, garants du succès du Fonds

Toutefois, le seuil des 14 milliards de dollars ne pourra pas être atteint sans « un effort d’au moins plus 15 % des pays du G7 », à l’origine de 80 % des financements du Fonds depuis sa création, juge Bruno Rivalan, directeur adjoint de l’association Action santé mondiale.

Premier donateur du Fonds mondial, les États-Unis ont promis 4,3 milliards de dollars pour le cinquième cycle. Si le président Donald Trump a menacé de baisser la dotation au programme américain Pepfar et au Fonds mondial, le Congrès, qui affiche un soutien transpartisan à ces deux initiatives, a réaffirmé sa volonté de le financer à la hauteur des besoins. Reste que les États-Unis ont pour règle de ne pas contribuer au Fonds mondial à plus d’un tiers du financement total. Une éventuelle hausse de dotation américaine reste donc suspendue aux efforts consentis par les autres pays.

D’autres grands donateurs pourraient aussi accroître leur effort. Parmi eux, l’Allemagne, qui vient d’annoncer une hausse de sa contribution de 20 % pour le prochain cycle. Ou encore la Commission européenne, qui augmente régulièrement sa dotation, de 475 millions d’euros pour le cycle en cours. « Je ne vois pas de pays qui opérera de coupe majeure », observe par ailleurs Sylvie Chantereau.

Quant à la France, deuxième donateur du Fonds depuis sa création (bien que très légèrement doublé par le Royaume-Uni depuis le quatrième cycle), l’annonce de sa dotation est particulièrement attendue. Depuis 2011, le pays fournit 360 millions d’euros par an au Fonds mondial, soit 1,08 milliard d’euros par cycle. « La France a la responsabilité que cette conférence soit un succès, d’autant qu’elle a pris la présidence du G7 cette année », observe Bruno Rivalan. Si les intentions du gouvernement demeurent inconnues, le fait que le pays ait demandé à accueillir la réunion de reconstitution, une première depuis la création du Fonds, est un signe prometteur. « Aucun pays hôte n’est resté sur un maintien de son aide : chacun d’entre eux a toujours annoncé une hausse de sa contribution », rappelle Bruno Rivalan.

Notes

[1] Accélérons le mouvement. Argumentaire d’investissement, 6e reconstitution des ressources 2019, le Fonds mondial.

 [•1]L’Irlande a donné 30 millions pour le 5e cycle, donc une augmentation de 50 % ne peut pas donner 45 millions ?

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