vih Le TasP, une arme encore méconnue

09.03.18
Cécile Josselin
6 min
Visuel Le TasP, une arme encore méconnue

Une personne séropositive sous traitement, avec une charge virale (quantité de virus dans le sang) durablement maintenue à un seuil indétectable (moins de 40 copies/ml de sang) ne transmet pas le virus à ses partenaires sexuels. Mais le chemin est encore long pour la reconnaissance de cette évidence scientifique.

En 2016, l’étude Partner [1] est venue confir­mer des données qui avaient été établies dès 2008 par des cliniciens suisses. Au moment de cette annonce, les personnes vivant avec le VIH ont entrevu pour la première fois le fait de pouvoir protéger leurs partenaires tout en se soignant. En termes de santé publique, la pers­pective du traitement comme outil de prévention (TasP) a ouvert de nouveaux horizons. En effet, après avoir démontré le bénéfice indivi­duel du traitement précoce, il devenait possible d’y associer celui d’une limitation des nouvelles contaminations. Seules conditions : une observance et une surveillance rigoureuses afin de protéger les patients des autres infections sexuellement transmissibles, susceptibles d’en­traîner un rebond de la charge virale. Au niveau mondial, des modélisations établissent que les nouvelles infections pourraient stopper à hori­zon 2030 si toutes les personnes vivant avec le VIH dans le monde accédaient aux traitements. Mais aujourd’hui seulement 53 % des personnes infectées sont sous antirétroviraux (ARV).

En France, aujourd’hui, grâce à l’extension conjointe du dépistage et de la mise sous ARV précoce dès le diagnostic du VIH depuis 2013, plus de 90 % des personnes séropositives sous traitement ont une charge virale indétectable. Pourtant, les pouvoirs publics ont tardé à se posi­tionner sur ce nouvel outil de prévention et cer­tains médecins peinent encore à en parler à leurs patients. Trois fois sur quatre, ils n’en parlent qu’à l’initiative du patient, d’après l’enquête VIH, hépa­tites et vous, réalisée par Aides en 2016.

Le TasP et la PrEP : les deux faces d’une même médaile

Dans le panier des nouveaux outils de prévention indispensables : la PrEP (prophylaxie préexposition). Cette stratégie consiste à proposer à des personnes séronégatives et particulièrement exposées au risque du VIH la prise préventive de traitements antirétroviraux. Le but est d’éviter la transmission grâce à la prise sous surveillance médicale d’un médicament, Truvada®, en amont de l’exposition potentielle. Particulièrement prometteuse pour les publics ciblés, la PrEP pourrait à elle seule réduire de 30,7% le nombre d’infections par le VIH, d’après une récente étude menée par les chercheurs des universités Drexel et Northeastern (États-Unis) auprès de 10 000 hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes à risque élevé (JAIDS, janvier 2018. Ils ont également observé qu’en l’absence de PrEP, l’utilisation du préservatif prévient 48,8 % des infections ; les comportements séroadaptatifs, 37,7 % et le TasP, 27,1 %. Si ces trois stratégies étaient utilisées, 72 % des nouvelles infections seraient évitées.)

Une réalité médicale méconnue

Même du côté des patients, des craintes tenaces semblent demeurer. Le TasP devrait changer la donne. L’enquête de Aides mon­ trait que le TasP avait diminué la peur des personnes vivant avec le VIH de transmettre le virus et avait facilité la discussion (pour 40,8 % des personnes interrogées), sans que cela ne se traduise par une baisse de l’usage du préservatif (seules 29,2 % disaient l’avoir diminué suite à leur connaissance du TasP, contre 8,1 % qui l’ont augmenté). Par ailleurs, pour un quart des personnes séropositives interrogées en Île­ de-France, cela se traduisait par une améliora­tion de l’adhésion au traitement. «Quand on leur apprend leur séropositivité, puis qu’on leur parle du TasP, les patients voudraient avoir un traitement dans la minute pour être le plus rapidement possible non contaminants. C’est pour eux une motivation essentielle tant leur vie sexuelle est envahie par la phobie de la transmission», sou­ligne Michel Ohayon, directeur du 190 [2].

Une plus large diffusion de l’information pourrait en effet faire tomber ces barrières en réduisant la méconnaissance et les discrimina­tions envers les personnes séropositives. Mais le chemin est encore long. Si les populations les plus concernées, personnes vivant avec le VIH et HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes), sont relativement bien informées [3], le grand public conserve des pré­jugés tenaces malgré les évidences scienti­fiques. Selon un sondage réalisé en octobre 2017 par le CSA pour Aides, 87 % des Français interrogés continuent à croire qu’avoir des rap­ports sexuels sans préservatif avec une per­sonne séropositive sous traitement constitue « un risque élevé, voire très élevé» de contamina­tion. Seuls 2 % évaluent correctement ce risque comme étant « très faible, voire quasi nul ».

Pour faire avancer les connaissances de tous, plusieurs campagnes nationales d’affi­chage ont eu lieu ces deux dernières années. Fin 2016, Aides lançait sa campagne (#Révé­lation) en France sur le thème « Les séroposi­tifs sous traitement ont beaucoup de choses à nous transmettre. Mais pas le virus du sida ». Les pouvoirs publics, longtemps silencieux sur la question, présentent désormais le TasP comme faisant partie de l’éventail des moyens de prévention. Après avoir été évoqué dans le cadre d’une campagne destinée aux HSH, associée à nouveau site Internet (sexosafe.fr), le message a aussi été repris dans l’une des affiches de la campagne Vers Paris sans sida.

Indétectable = intransmissible

Mais c’est encore le milieu associatif qui se mobilise le plus sur cette question. Aux États­ Unis, la campagne U=U (Undectable = Untrans­mittable, pour indétectable = intransmissible en français), initiée par Bruce Richman, a été amplement saluée dans les plus grands médias anglo-saxons comme une avancée importante . Sidaction a traduit le texte de la campagne pour qu’il soit accessible aux francophones et l’a publié sur son site Internet. Depuis son lancement en 2016, la campagne a été largement soutenue et diffusée dans le monde, notamment par Aides en France.

« Bruce Richman a réussi avec cette campagne à influencer jusqu’aux recommandations de la principale agence gouvernementale américaine (GOG) en matière de santé publique [1] » se réjouit Florence Thune, directrice générale de Sidac­tion. Preuve que le relais de l’information est aussi essentiel que la preuve scientifique pour changer la vie des personnes séropositives et agir efficacement face à l’épidémie.

[1] En 2016, l’étude Partner démontre que parmi 1166 couples sérodifférents, gays et hétéros, et après 58 000 rapports sans préservatif, il n’y a eu aucun cas de transmission du VIH.

[2] Centre de santé sexuelle qui a développé une expertise en santé gay et LGBT.

[3] Dans l’enquête VIH, Hépatites et vous, 48,5 % des personnes interrogées dans la population cible (75,7 % des séropositif s et 41,9 % des séronégatifs) ont affirmé connaître le TasP avant qu’on leur en ait donné la définition précise.

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