vih « Le VIH doit rester un pilier fort de la Stratégie nationale de santé sexuelle »

12.06.21
Pierre Bienvault
7 min
Visuel « Le VIH doit rester un pilier fort de la
Stratégie nationale de santé sexuelle »

A la mi-avril, le Pr François Dabis a été nommé président du comité de pilotage de la deuxième feuille de route 2021-2023 de la Stratégie nationale de santé sexuelle et reproductive. L’ancien directeur de l’ANRS, qui a remplacé à ce poste le Pr Patrick Yéni, fait le point sur les avancées du comité.

Transversal : En quoi consiste cette Stratégie nationale de santé sexuelle ? Et pourquoi a-t-elle remplacé le plan national de lutte contre le VIH/ sida ?

François Dabis : Les plans pluriannuels de lutte contre le sida ont eu une importance reconnue et incontestable pour structurer la lutte contre le VIH en France. Mais à un moment, le ministère a estimé nécessaire que cette action s’inscrive dans un cadre plus global avec un discours qui ne soit plus vertical et uniquement centré sur le VIH. De fait, on ne peut plus parler du sida aux jeunes générations comme on le faisait il y a 20 ans. Il faut que les messages soient délivrés dans un discours plus global sur la sexualité au sens large. On ne peut plus faire de la prévention du VIH auprès des jeunes sans aborder la question des autres IST, de la contraception, de l’IVG, des violences sexuelles, du consentement, du respect d’autrui…C’est pour cette raison qu’a été adoptée en 2017, puis lancée en 2018, cette Stratégie nationale de santé sexuelle, qui vise à favoriser le développement des politiques publiques en faveur de la santé sexuelle. Tant dans le domaine de l’éducation à la sexualité et à la santé reproductive que de la prévention et du dépistage des IST et du VIH.

T. : Quelle va être votre mission à la tête de ce comité de pilotage ?

F.D. : Quand la Stratégie a été lancée avec un horizon 2030, une première feuille de route a été mise en place pour la période 2018-2020. Le but, aujourd’hui, est d’élaborer une deuxième feuille route 2021-2023 que nous devons remettre au ministère pour la fin du mois de septembre. En sachant que nous avons commencé nos travaux à la fin avril, il va falloir travailler vite. Trois groupes de travail principaux ont été constitués. La première porte sur l’information des publics. Le deuxième va se pencher sur la problématique des dépistages et de la prévention biomédicale, comme la PrEP par exemple. Le troisième groupe, enfin, va travailler sur toute la question des prises en charges.

T. : Sur le VIH, quels sont les grands objectifs de cette Stratégie ?

F.D. : Son objectif est clair : en finir avec l’épidémie du sida d’ici 2030. Pour y parvenir, elle s’était fixée, pour 2020, la cible des 3-95, c’est-à-dire faire en sorte que 95 % de l’ensemble des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut VIH, que 95 % des personnes, connaissant leur séropositivité, aient accès au traitement et que 95 % des personnes sous traitement aient une charge virale supprimée. Sur ce dernier indicateur, on est plutôt bon mais sur les deux premiers, on a encore du chemin à faire

T. : La Stratégie prévoyait aussi la création, à titre expérimental, de centres de santé sexuelle, d’approche communautaire dans des villes à forte prévalence du VIH et des infections sexuellement transmissibles…

F.D. : Oui, ces centres s’inspirent notamment de la clinique de santé sexuelle de Londres. Le but est de proposer, dans un même lieu, une offre globale de santé sexuelle, la plus intégrée possible, pour un public qui cumule les facteurs et situations à risque et dont on peut penser qu’il ne fréquente pas ou peu les structures déjà existantes. Cela peut être le cas, par exemple, des travailleurs et travailleuses du sexe, des personnes issues des minorités ou en situation de grande vulnérabilité sociale. Trois centres de santé sexuelle ont déjà été mis en place à Paris, Lyon et Nice. Sur ce sujet comme sur les autres, notre travail va être voir ce qui a déjà été fait, ce qui reste à faire, et bien sûr à répliquer lorsque les expérimentations ont réussi. Et aussi de voir, si depuis le lancement de cette Stratégie, de nouvelles priorités n’ont pas émergé.

T. : En avez-vous déjà identifié certaines ?

F.D. : Sur le VIH, on va bien sûr prendre en compte le développement de la PrEP. Dans ce domaine, nous ne sommes plus du tout dans la même situation qu’en 2018. Dans la première feuille de route, il n’y avait aucune cible à atteindre en qui concerne la PrEP. Aujourd’hui, on sait que ce mode de prévention est très efficace chez les HSH (hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes) mais qu’il n’est pas encore suffisamment développé auprès de ce public et pas du tout utilisé par d’autres publics, cibles potentiels. Quantitativement, on est en dessous du nombre de personnes qui pourraient utiliser la PrEP. Et la toute récente autorisation pour une primo-prescription chez les médecins généralistes donne des perspectives nouvelles. La PrEP aura donc une place à part entière et importante dans la prochaine feuille de route. De manière plus large, nous allons aussi devoir nous interroger sur les bouleversements qu’on connaît depuis l’arrivée de l’épidémie de Covid-19. La pandémie a permis un essor des outils numériques dans le domaine de la santé dont personne n’aurait pu imaginer l’ampleur il y a seulement deux ans. Et dans cette prochaine feuille de route, il faudra nécessairement se poser la question de la place, par exemple, de la téléconsultation ou des offres de services en ligne.

T. : Depuis quelques années, on voit que les mesures ou les structures spécifiques du VIH/sida sont intégrées dans des ensembles plus larges. Cela a été le cas avec les plans de lutte contre le sida désormais intégrés dans cette Stratégie nationale de santé sexuelle. C’est un peu la même logique que celle mise en place avec l’ANRS qui, désormais, s’occupe aussi de toutes les maladies émergentes. N’existe-t-il pas un risque de voir se diluer l’expérience propre et singulière acquise ces 40 dernières années sur le sida ? Ou que la prise en compte du VIH soit à l’avenir moins importante ?

F.D. : Le virage, opéré lors de mise en œuvre de cette Stratégie nationale de santé sexuelle, s’est fait avec une certaine pertinence à mes yeux. Comme je vous l’ai dit, il n’est plus possible de faire de la prévention du VIH aujourd’hui comme il y a 20 ans. Et cela n’aurait plus de sens d’avoir une approche très verticale sur le sida. Les modes de prévention et de prises en charges ont évolué avec le temps et je ne pense pas qu’on ait perdu, ces dernières années, les acquis de la lutte contre le sida. Ces acquis, au contraire, sont précieux pour appréhender au mieux les nouveaux défis sanitaires. Ensuite, on doit se poser la question des limites à se fixer dans cette approche globale. On voit aujourd’hui toute l’importance prise par les questions liées à la vaccination (hépatites virales, papillomavirus) ou aux violences sexuelles. Un des enjeux va être de voir comment on prend en compte ces problématiques devenues incontournables. Mais quoi qu’il en soit, il est certain que la lutte contre le VIH doit rester un pilier fort de la Stratégie de santé sexuelle

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