vih Le volontariat vaccinal : une démarche altruiste, un acte militant

07.04.21
Romain Loury
7 min
Visuel Le volontariat vaccinal : une démarche altruiste, un acte militant

Pour évaluer l’innocuité de son nouveau candidat-vaccin contre le VIH, le Vaccine Research Institute (VRI) s’est mis en quête de 72 volontaires. Cet appel au don de soi continue à trouver écho, en particulier chez les plus jeunes.

Alors que la France ne parle plus que de vaccins contre la Covid19, un autre vaccin s’est récemment invité dans l’actualité. Ou plutôt un candidat-vaccin, contre le VIH celui-ci, au sujet duquel le VRI [i] a annoncé fin février le lancement d’un essai de phase I. Dénommé CD40.HIVRI.Env, ce vaccin prophylactique consiste en anticorps monoclonaux dirigés contre le récepteur CD40, un élément essentiel de la réponse immunitaire.

« Il s’agit, avec ce vaccin, de diriger la réponse contre le VIH exactement au niveau des cellules les plus importantes pour l’éducation et l’activation du système immunitaire, c’est-à-dire les cellules dendritiques », explique Yves Lévy, directeur du VRI. C’est la première fois que cette stratégie de ciblage du CD40, que le VRI étudie aussi en vue d’un futur vaccin anti-Covid19, sera testée chez l’homme. « Nous avons beaucoup d’espoir sur ce candidat-vaccin, qui a donné des résultats très intéressants sur des modèles animaux. Il se place très bien parmi l’ensemble des candidats-vaccins » en cours de développement, commente Jean-Daniel Lelièvre, responsable du département recherche clinique du VRI et co-investigateur du nouvel essai.

Comme pour toute étude de phase I, l’essai VRI06, mené en double-aveugle contre placebo, permettra d’évaluer la sécurité du candidat-vaccin. De plus, les chercheurs prévoient de mesurer la réponse immunitaire anti-VIH éventuellement déclenchée par le vaccin. Raison pour laquelle cette étude, plutôt qu’un simple essai de phase I, est en réalité une étude de phase I/II [ii]. 

Chez la moitié des volontaires, ce vaccin protéique, testé à trois doses différentes, sera associé à un autre vaccin, de type ADN. Il s’agit du vaccin DNA-HIV-PT123, qui cible plusieurs protéines du VIH (gp140, gag, pol, nef). Actuellement évalué dans d’autres essais, il s’est déjà avéré « sûr, bien toléré et immunogène », rappelle Jean-Daniel Lelièvre. Au lieu d’être administrés de manière séquentielle, comme il est de rigueur dans d’autres essais, les deux vaccins le seront de manière simultanée.

72 volontaires recherchés

En vue de cet essai très préliminaire, 72 volontaires sont recherchés par le VRI. Pour participer, il est nécessaire d’être âgé de 18 à 65 ans, de ne pas être contaminé par le VIH et d’être à faible risque d’infection, d’être en bonne santé, d’utiliser une contraception efficace pendant toute la période de l’essai (en particulier des préservatifs), de ne pas être enceinte pendant la période de l’essai et jusqu’à quatre mois après la dernière injection vaccinale, d’être affilié ou bénéficiaire d’un régime de sécurité sociale, de résider à proximité d’un des trois centres de l’essai – les hôpitaux Bichat et Cochin (Paris) et l’hôpital Henri-Mondor (Créteil) [iii].

Les investigateurs ont misé sur une campagne médiatique, et mis en place un site internet dédié. Les personnes intéressées sont invitées à contacter l’association Sida Info Service, dont l’écoutant doit « s’assurer de la bonne compréhension de l’essai vaccinal [par le volontaire], de son déroulement, de sa disponibilité pour la durée de l’essai, et l’aider à mesurer l’importance de s’engager comme volontaire », explique le VRI. Si les conditions sont réunies, une visite de pré-inclusion est fixée dans l’un des centres investigateurs en vue d’examens cliniques et biologiques, ainsi que de questions sur la vie sexuelle. « Préalablement à tout examen clinique, le médecin s’assure que vous avez compris l’essai et ses contraintes, que vous êtes informé.e sur vos droits et vous propose de signer ensemble le formulaire de consentement de l’essai », ajoute le VRI.

L’engagement s’est d’emblée annoncé très prometteur : interrogé fin mars, Jean-Daniel Lelièvre indiquait que 203 personnes avaient contacté Sida Info Service, dont 92 avaient au final pris contact avec le centre Henri-Mondor, pour une petite dizaine d’entretiens déjà réalisés. Parmi les premiers répondants, une très grande majorité de personnes âgées de 20 à 30 ans. « On ne s’attendait pas à avoir autant de réponses », reconnaît le chercheur. D’autant que la situation actuelle, « moment compliqué de notre histoire collective », laissait présager quelques difficultés : imminence d’un nouveau confinement, instauré le 19 mars en Ile-de-France, mais aussi méfiance répandue à l’égard des vaccins, ravivée par ceux contre la Covid-19.

Volontaire, pas cobaye

Contrairement aux Etats-Unis, où la participation aux essais vaccinaux est rémunérée, elle ne l’est (quasiment) pas en France. Les participants reçoivent une indemnisation de 100 euros par visite : assez pour affermir une décision, mais insuffisant pour constituer une motivation principale. Dès lors, quels motifs les volontaires avancent-ils à leur participation ? Dans une enquête publiée en avril 2016, menée dans le cadre de son post-doctorat, la chercheuse Mathilde Couderc apporte plusieurs éléments de réponse recueillis lors du recrutement de l’étude VRI01, menée en 2014.

Plusieurs profils émergent de l’analyse : des « militants » (le plus souvent issus de la lutte contre le VIH/sida, ou de la cause homosexuelle), des « avertis » (très au fait de la recherche médicale, il s’agit majoritairement d’étudiants en médecine), ainsi que des « altruistes ». Parmi ces derniers, Jean-Daniel Lelièvre évoque les « altruistes généraux », ceux qui donnent régulièrement leur sang ou effectuent des dons de moelle osseuse, ainsi que ceux dont un proche est infecté par le VIH, voire en est décédé.

Historiquement, les participants aux précédents essais vaccinaux menés en France étaient « des gens âgés de la cinquantaine », recrutés dans le réseau « Volontaires pour un vaccin » mis en place par l’ANRS. En matière de risque d’infection par le VIH –notamment en nombre de partenaires –, les critères d’entrée dans les essais étaient « très stricts », excluant souvent les plus jeunes. Depuis quelques années, l’agence a changé son fusil d’épaule : laissant de côté le réseau « Volontaires pour un vaccin », au profil plus âgé, elle opte désormais pour un public jeune, assouplissant pour cela les critères d’inclusion en matière sexuelle. Ainsi dans l’étude VRI01, l’âge moyen des participants n’était que de 29,8 ans.

Parmi les motifs de ce rajeunissement, le rapport de Mathilde Couderc sur le recrutement dans VRI01 évoque « un souci de comparabilité avec les autres essais vaccinaux préventifs menés à un niveau international ». Pour Jean-Daniel Lelièvre, « nous sommes plus intéressés par le fait de recruter des gens jeunes, parce que si on se projette dans l’avenir, ce sont ces populations jeunes qui seront vaccinées. Elles sont potentiellement plus disponibles, et les centres ne sont pas très loin des universités. [Les jeunes] n’ont pas forcément les moyens financiers d’aider la recherche, donner de soi-même peut être quelque chose de très important ».

Notes

[i] Le VRI est un institut placé sous l’égide de l’ANRS-Maladies infectieuses émergentes, de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’université Paris-Est Créteil (UPEC).

[ii] Pour rappel, les études de phase II permettent d’évaluer l’efficacité d’un produit, médicament ou vaccin, et sa dose optimale; quant à celles de phase III, elles sont menées sur de plus larges effectifs, leurs résultats étant examinés en vue d’une autorisation de mise sur le marché (AMM).

[iii] L’essai vaccinal sera aussi mené au centre hospitalier universitaire Vaudois à Lausanne.

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