vih Lénacapavir : la solution pour la PrEP ?

31.10.24
Kheira Bettayeb
7 min
Visuel Lénacapavir : la solution pour la PrEP ?

Depuis cet été, un médicament contre le VIH fait beaucoup parler de lui : le lénacapavir, qui s’est avéré, dans les essais cliniques, très efficace en tant qu’outil de prévention. Le hic ? Son prix encore très élevé.

C’est du jamais vu ! Selon une étude présentée en juillet 2024 lors de la Conférence internationale sur le VIH/sida à Munich, Allemagne, le traitement lénacapavir est efficace à 100 % pour empêcher l’infection par le VIH, aucune contamination n’étant constatée dans le groupe qui l’a testé. Autre grand atout : son administration ne nécessite qu’une dose… tous les six mois.

« Très prometteur, ce traitement constitue une nouvelle révolution dans le domaine de la prévention. Il pourrait significativement transformer la lutte contre le VIH… s’il devient abordable financièrement partout », commente Bruno Spire, directeur de recherche spécialiste des comportements et des besoins des personnes touchées ou exposées au VIH, à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), à Marseille.

Développé par le laboratoire pharmaceutique américain Gilead, le lénacapavir est « le premier représentant d’une nouvelle classe de médicaments anti-VIH : les inhibiteurs de la capside, qui agissent en perturbent la stabilité de la capside protéique du VIH, cette sorte de bouclier protéique, qui entoure et protège le matériel génétique du virus et les enzymes nécessaires à sa réplication », précise le Professeur Jade Ghosn, infectiologue qui participe à l’évaluation de ce médicament, à l’Hôpital Bichat-Claude Bernard de Paris.

De fait, souligne le médecin, « cette molécule est déjà commercialisée en France depuis 2022, sous le nom de Sunlenca®. Mais à ce jour, elle est utilisée uniquement pour le traitement des adultes en échec thérapeutique, infectés par une souche multirésistante aux autres médicaments anti-VIH disponibles ».

Lors de l’étude présentée en juillet 2024, le lénacapavir a fait ses preuves pour une autre indication : la prophylaxie pré-exposition (PrEP), qui vise à empêcher l’infection des personnes séronégatives à haut risque de contamination. Disponible en France depuis 2016, cette stratégie consiste en la prise d’un traitement antirétroviral avant l’exposition potentielle au VIH. Lequel passe actuellement par la prise de comprimés de Truvada® ou de ses génériques, un traitement utilisé depuis longtemps pour contrôler le VIH chez les personnes vivant avec le VIH.  

Un usage très efficace en PrEP
La PrEP sous cette forme est certes très efficace, mais cette efficacité « en vie réelle », de l’ordre de 93 %, est conditionnée à la bonne observance du traitement.  De son côté, le lénacapavir ne nécessite pas la prise d’un comprimé tous les jours à heure fixe ou, en fonction, la prise de cachets avant et après un rapport sexuel exposant au VIH. Par ailleurs, la prise de la PrEP per os reste assez « visible » : elle peut exposer à une stigmatisation et à une discrimination liée à la crainte du VIH.

Résultat, comme l’a mis en évidence une étude publiée en 2022 par le Groupement d’intérêt scientifique Epi-Phare, la diffusion de la PrEP à toutes les catégories de population qui pourraient en bénéficier reste limitée. « Avec une seule injection tous les six mois, le lénacapavir pourrait attirer de nouvelles populations et améliorer le taux de personnes à risque couvertes par la PrEP », analyse Bruno Spire.

Baptisée « PURPOSE 1 », l’étude qui a conclu à une efficacité de 100 % du lénacapavir, consistait en un essai clinique de phase 3 [la dernière étape de l’évaluation des médicaments, NDLR], menée chez plus de 5 300 femmes et adolescentes d’Afrique-du-Sud et d’Ouganda, une population très exposée au VIH.

Un autre essai clinique a également montré des résultats très impressionnants : l’étude PURPOSE 2, qui a porté cette fois sur près de 3 300 participants majoritairement issus de la communauté LGBT+ aux États-Unis, en Afrique du Sud, au Pérou, au Brésil, en Argentine, au Mexique et en Thaïlande. Les résultats montrent que le lénacapavir, administré deux fois par an, a réduit les nouvelles infections de 96 % par rapport à l’incidence moyenne du VIH dans ces populations et s’est révélé supérieur à la prise quotidienne de Truvada®.

Afin de vérifier ces résultats dans d’autres contextes géographiques et auprès d’autres populations à fort risque de contamination – une étape indispensable avant la demande d’approbation du lénacapavir par les autorités sanitaires -, Gilead a lancé trois autres études, menées cette fois, dans des pays à revenu élevé : « PURPOSE 3, qui évalue la tolérance du lénacapavir en PrEP chez des femmes particulièrement touchées par le VIH aux États-Unis ; PURPOSE 4,qui teste la tolérance du lénacapavir en PrEP chez des personnes qui utilisent des drogues injectables aux États-Unis ; et PURPOSE 5, qui étudie l’usage régulier et continu du lénacapavir chez des personnes exposées et qui ne reçoivent pas déjà une autre option de PrEP en France et au Royaume-Uni », détaille un porte-parole du laboratoire américain.

Concernant l’essai en France, « lancé en fin octobre 2024, il mobilise 7 centres, dont le nôtre, l’Hôpital Bichat – Claude Bernard de Paris, précise le Professeur Jade Ghosn. Les résultats ne seront pas disponibles avant au moins un an ». Si cet essai et les autres en cours sont positifs, Gilead pourrait commercialiser le lénacapavir pour la PrEP dès la fin 2024. 

La prévention… à tout prix ?
Si la molécule aligne les résultats impressionnants, elle n’est pourtant pas prête d’être largement accessible à toutes les personnes qui en ont besoin. A environ 37 000 euros par an et par personne – c’est son coût actuel pour son utilisation chez des adultes infectés par le VIH -, contre environ 150 euros pour les génériques du Truvada®, le médicament du laboratoire américain demeure aujourd’hui hors de portée pour de nombreuses personnes exposées au VIH dans le monde.

Dès l’annonce des résultats spectaculaires de l’essai PURPOSE 1, plusieurs organisations, dont l’Onusida, le programme commun des Nations Unies sur le VIH, ont exhorté Gilead à autoriser la fabrication de versions génériques du lénacapavir, qui par définition, seront nettement moins chères.

Début octobre 2024, le laboratoire a répondu à cette demande en annonçant, par voie de communiqué, avoir signé des accords de licence volontaire [négociés, NDLR], « non exclusifs et libres de redevances » avec six fabricants pharmaceutiques pour fabriquer et vendre du lénacapavir générique dans 120 pays à forte incidence et aux ressources limitées.

Cependant comme l’a souligné Beatriz Grinsztejn, présidente de la Société internationale sur le sida (IAS), dans un communiqué publié le lendemain même de cette annonce, si « ces accords constituent une avancée importante », ils laissent toutefois de côté « de vastes régions du monde […], y compris les pays où des essais ont été menés ».

Pour Bruno Spire, « l’idéal serait que Gilead négocie une licence de production de génériques avec le Medicines Patent Pool [une organisation internationale soutenue par les Nations unies, qui a pour but d’accroître l’accès à des médicaments plus abordables, NDLR]. Cela permettrait que les génériques du lénacapavir soient accessibles partout ».

Notes et références

[i,ii] La PrEP est utilisée principalement par des hommes (97 %), âgés de 36 ans en moyenne et majoritairement urbains (72 %). Source, étude EPI-PHARE :

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