Déjà commercialisés aux États-Unis et au Canada sous le nom de Cabenuva®, le Vocabria® (Cabotégravir) du laboratoire VIIV Healthcare et le Rekambys® (Rilpivirine injectable) du laboratoire Janssen ont reçu l’autorisation de mise sur le marché européen au printemps dernier. Il s’agit du premier traitement ARV sous forme injectable.
On les attendait depuis des années et, enfin, ils arrivent ! Si aucune date n’est encore fixée, l’HAS (la haute autorité de santé) et les laboratoires ont bon espoir que la commercialisation combinée du premier traitement du VIH sous forme injectable (Vocabrias® et Rekambys® ) se fasse en France à la fin de l’année ou au plus tard en début d’année prochaine.
Malgré tout, il reste encore des inconnues, comme le prix du traitement qui est en train d’être négocié par les autorités de santé françaises et les deux laboratoires. « Les négociations s’annoncent âpres vu le prix où il est déjà commercialisé aux États-Unis (43 560 $ la première année sans compter le premier mois de pilules orales) », nous indique Cédric Daniel, chargé de mission communication et plaidoyer à Actions Traitements, avant d’ajouter que « si les laboratoires demandent le même niveau de prix en France, il est fort probable que les autorités le refusent, ce qui rallongerait les négociations et conduirait à ce que les deux injections ne soient prises en charge qu’à 65% par la sécurité sociale. Autant dire qu’alors, très peu de personnes pourraient accéder à ce traitement ».
En attendant cette décision, la procédure de dispensation a déjà été prévue. Elle se fera en trois temps. Le patient commencera par une prise orale de la bithérapie durant un mois, afin de s’assurer de l’absence d’effets secondaires. Si tout se passe bien, le patient passera ensuite à la forme injectable.
Les trois premiers mois, celle-ci lui sera dispensée obligatoirement à l’hôpital, puis le patient aura la possibilité de la faire réaliser en ville par une infirmière, tous les mois ou tous les deux mois. Intramusculaire, cette double injection se fera successivement sur les deux fessiers, ce qui peut donner lieu à des réactions cutanées comme des hématomes et des douleurs qui durent jusqu’à deux ou trois jours. Ces inconvénients, liés au mode d’administration du traitement, ont été jugés acceptables par les participants des différents essais qui ont mené à sa mise sur le marché.
Pour quels publics ?
Cette nouvelle forme galénique représente plusieurs avantages : « Le Cabotégravir étant une nouvelle molécule, elle peut tout d’abord représenter une nouvelle ligne thérapeutique possible pour les personnes qui ont développé des résistances ou dont le traitement s’essouffle », nous indique Cédric Daniel.
Mais cela va surtout apporter une nouvelle solution aux personnes pour qui il est aujourd’hui compliqué de prendre un comprimé tous les jours. « Je pense notamment aux patients pour lesquels l’observance est compliquée », note ainsi Julie Langlois, pharmacien et secrétaire du groupe Médicaments – Pharmaciens de la SFLS (Société française de lutte contre le Sida). C’est par exemple le cas des personnes ayant des troubles neuropsychiques ou psychiatriques.
« Après, il faut que la personne soit sûre de pouvoir respecter les rappels d’injection, rappelle Cédric Daniel. Pour une personne qui habite en pleine campagne, à 50, 60 ou 80 kilomètres du premier hôpital ou du premier cabinet d’infirmière libérale cela risque d’être compliqué. » Pour éviter la rupture de traitement, à plus ou moins une semaine, le pharmacien – étroitement associé à cette procédure, ne serait-ce que parce qu’un des produits doit se conserver au froid – donnera au patient une petite réserve de comprimés.
« Les injections sont également parfaitement indiquées pour les personnes pour lesquels la prise quotidienne de médicaments pose des problèmes de confidentialité. Je pense à des personnes qui vivent dans un foyer ou un environnement dans lequel elles doivent se cacher pour prendre leur traitement », ajoute Agnès Certain, pharmacien et membre de la Commission Médicaments – Pharmaciens de la SFLS.
Autres cas de figure : les personnes, notamment âgées, qui peuvent avoir du mal à avaler un comprimé ou celles qui ont des problèmes gastro-intestinaux. Mais il est clair que beaucoup d’autres PVVIH (personnes vivant avec le VIH) sont d’ores et déjà intéressés, notamment pour pouvoir voyager sans se soucier d’emporter leur traitement.
« Cela va complètement dans le sens de l’allègement thérapeutique et de l’amélioration de la qualité de vie vers laquelle nous allons de manière inéluctable », analyse Agnès Certain. Un allégement que plébiscitent les PVVIH : dans une étude européenne, elles souhaitent à 68 % essayer les ARV injectables. En regard, les médecins interrogés comptent le proposer à environ un quart (26 %) d’entre elles [i].
Et demain ?
Et les avancées ne font que commencer ! Afin d’apporter plus de souplesse et limiter les coûts annexes du parcours santé, les laboratoires étudient déjà la possibilité d’une auto-injection dans la cuisse, comme c’est déjà le cas pour certaines maladies rhumatismales à l’instar de la polyarthrite. Il s’agira néanmoins de reformuler le produit afin d’en réduire le volume.
« Tout cela va évoluer très vite », nous assure Agnès Certain. Les formes injectables pourront aussi concerner la PrEP (Prophylaxie Pré-Exposition). « Des études sont en cours et devraient donner lieu à une commercialisation dans 2 ou 3 ans », estime Cédric Daniel.
Sans compter les autres molécules injectables actuellement à l’étude et dont les premiers résultats sont encourageants comme le Lénacapavir qui devrait pouvoir être administré tous les 6 mois à des patients lourdement prétraités et infectés par des virus multi-résistants. Des implants sous-cutanés sont également en cours de développement. Assurément, l’avenir laisse augurer de grandes améliorations en termes de qualité de vie pour les PVVIH.
[i] HIV Drug Therapy 2020 d’après Akinwunmi B et al. Factors associated with interest in a long-acting HIV regimen: perspectives of people living with HIV and physicians in Western Europe. HIV Glasgow 2020, abstract P014, cité dans la lettre de l’infectiologue et sur Aidsmap.