En janvier dernier, des médecins chinois ont mené un essai évaluant l’efficacité de molécules antirétrovirales entrant dans la composition du Kaletra, chez des patients infectés par le Covid-19 hospitalisés à l’hôpital Jin Yin-Tan à Wuhan. Utilisé dans le cadre de la trithérapie VIH, ce traitement est composé de deux antiprotéases : le lopinavir et le ritonavir. Les résultats publiés dans la prestigieuse revue New England Journal of Medecine sont malheureusement peu concluants quant à la réelle efficacité de ce traitement dans le cadre de l’infection Covid-19.
C’est une véritable course contre la montre à laquelle se livrent les chercheurs à travers le monde. Trouver un traitement qui soit efficace pour lutter contre le Covid-19, qui a pris tout le monde de court. Alors que dans les hôpitaux les soignants font tout leur possible pour soigner les malades, les équipes de recherche sont sur le qui-vive pour comprendre la physiopathologie de ce virus encore inconnu il y a quelques mois. Ce sont ces précieuses informations qui permettront de pouvoir développer une thérapie et un vaccin efficace.
Malheureusement ces recherches prennent du temps et celui-ci est compté au vu de l’évolution de l’épidémie. La décision a alors été prise de tester sur ce coronavirus des médicaments déjà utilisés pour lutter contre certaines infections. Une pratique déjà utilisée lors de l’apparition du VIH dans les années 80.
Dans le cadre de cet essai, 99 patients – constituant le bras contrôle ou témoin – ont reçu les soins standards [ii] appliqués aux personnes infectées par le coronavirus hospitalisées. 95 personnes ont reçu, en plus de ces soins standards, la thérapie lopinavir-ritonavir par voie orale deux fois par jour pendant 14 jours. Au cours de l’essai, les patients ont également reçu d’autres traitements (interféron, glucocorticoïdes) si nécessaire.
Le critère d’évaluation principal était le temps nécessaire à l’amélioration clinique. Cette amélioration se défini comme le temps écoulé entre la participation à l’essai et la sortie de l’hôpital ou une amélioration clinique basée sur un ensemble de critères prédéfinis. Malheureusement concernant le temps nécessaire à l’amélioration clinique, aucune différence n’a pu être observée entre les deux groupes. Les médecins ont tout de même observé que le groupe de patients sous ARV restaient moins longtemps en soins intensif que les patients du groupe « contrôle » (médiane de 6 jours contre 11 jours). Le taux de mortalité à 28 jours était un peu plus faible dans le groupe sous ARV que pour le groupe contrôle, mais la différence n’était pas significative (19,2 % dans le groupe traité et 25 % dans le groupe témoin). Il faut aussi tenir compte que le nombre de sujets est faible et que les patients du groupe contrôle semblaient plus malades à l’entrée dans l’essai.
Concernant les données virologiques, le constat est le même. Le traitement à base d’antiprotéase ne semble pas avoir d’effet ici, puisque les charges virales mesurées tout au long de l’étude sont similaires entre les deux groupes. La survenue d’effets indésirables a été répertoriée dans les deux groupes. La survenue de troubles intestinaux (nausée, vomissement, diarrhée) était plus fréquente chez les patients sous lopinavir – ritonavir.
Ces résultats semblent indiquer qu’un traitement à base de lopinavir et ritonavir comme appliqué ici n’est pas efficace contre l’infection Covid-19, que ce soit sur la diminution de la charge virale ou l’amélioration des signes cliniques. Une analyse plus poussée des données, se basant sur la date de mise sous traitement a donné un résultat intéressant à creuser. Les résultats indiquent que la différence dans le taux de mortalité observée entre les deux groupes était plus importante pour les patients traités dans les 12 jours suivant l’apparition des symptômes que chez ceux traités plus tard. La question d’un traitement antiviral plus précoce se pose alors.
De plus, le nombre de patients présentant des complications graves (lésions rénales aiguës et infections secondaires) ou nécessitant une ventilation mécanique non invasive ou invasive pour insuffisance respiratoire était plus faible dans le groupe sous traitement que dans le groupe témoin. Ces données amènent à penser qu’un traitement avec le lopinavir et le rotinavir à un stade plus précoce de l’infection pourraient peut être réduire les complications liées à l’infection. La validation ou non de cette hypothèse nécessite la mise en place de nouvelles études.
Certes cette étude réalisée dans l’urgence de l’épidémie présente des limites, que les auteurs eux-mêmes pointent dans l’article. Pour autant elle a le mérite d’apporter des bases qui pourront servir pour la mise en place de nouveaux essais.
[i] https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2001282
[ii] Ces soins comprennent oxygène supplémentaire, ventilation non invasive et invasive, antibiotiques, soutien vasopresseur, thérapie de remplacement rénal et oxygénation de la membrane extracorporelle (ECMO)