vih Les contrôleurs du VIH, catalyseurs d’espoir

21.09.18
Angeline Rouers
7 min

La définition de « contrôleurs du VIH » s’avère difficile, entre contrôleurs virémiques, contrôleurs d’élite, contrôleurs posttraitement… Il existe pourtant un critère commun : tous réussissent à maîtriser le virus sans prise de traitement. Pour certains, le contrôle est naturel depuis toujours et ils maîtrisent parfois leur charge virale jusqu’à un niveau indétectable. On parle de « contrôleurs d’élite », lesquels représentent environ 0,5 % des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) [2].

Pour d’autres, la charge virale reste détectable et ils sont classés « contrôleurs » du point de vue immunologique, car ils maintiennent un taux de CD4 supérieur à 500/mm3.

Plus récemment, les contrôleurs posttraitement ont fait leur entrée. Il s’agit de PVVIH ayant reçu un traitement antirétroviral (souvent assez tôt dans l’infection) et chez qui, même après l’arrêt du traitement, la charge virale et le taux de CD4 restent stables [3]. Dans ce cas, l’action rapide des molécules antirétrovirales permet sûrement de ne pas trop endommager le système immunitaire, de sorte qu’il peut être fonctionnel et prendre le dessus sur le virus à la suite de l’arrêt du traitement. On parle alors de cas de « rémission fonctionnelle ». À noter cependant que certains cas de contrôle posttraitement ont parfois été observés lors d’une initiation du traitement plus tardive (en phase chronique).

Parmi ces différents types de contrôleurs du VIH, les chercheurs sont très intéressés par les contrôleurs naturels, notamment les contrôleurs d’élite.

Différents types… et plusieurs hypothèses

La première explication concerne des facteurs génétiques. Certaines mutations de gènes peuvent être favorables. C’est par exemple le cas d’une mutation du gène codant pour le récepteur CCR5 (porte d’entrée du VIH sur les cellules immunitaires) qui devient alors non fonctionnel, bloquant ainsi l’entrée du virus. Certaines formes des molécules présentatrices d’antigènes (les allèles B*27 et B*57 par exemple) sont souvent retrouvées chez les contrôleurs.

Par ailleurs, sans que cela soit associé à un terrain génétique particulier, le système immunitaire peut se révéler plus performant chez les contrôleurs : lymphocytes B, anticorps, lymphocytes T CD8 et T CD4… plusieurs paramètres entreraient en jeu.

Les anticorps : la clé du mystère ?

Thématique très appréciée par les chercheurs : les anticorps neutralisants. Ces anticorps ont été trouvés chez certaines PVVIH et ont même été clonés afin d’être transmis à des patients dans le cadre de nouvelles stratégies thérapeutiques. Ces anticorps sont cependant le plus souvent caractérisés chez des patients virémiques (parfois hautement virémiques). Et plusieurs études montrent que les anticorps des contrôleurs ne sont pas plus neutralisants que les anticorps de personnes sous traitement. On ne peut pas exclure que dans certains cas de contrôle une capacité neutralisante exceptionnelle des anticorps soit impliquée, mais d’autres fonctions des anticorps sont aujourd’hui davantage mises en avant, comme la capacité d’ADCC (cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps). De plus, un maintien exceptionnel des cellules productrices d’anticorps, les lymphocytes B, pourrait être favorable au contrôle. Chez certains contrôleurs, des lymphocytes B mémoires peuvent être retrouvés sur le long terme et seraient donc facilement mobilisables afin de maîtriser le peu de virus qui tenterait de s’échapper dans le sang [4]

Le rôle central des lymphocytes T CD4

Lors de la découverte des contrôleurs du VIH, une des premières hypothèses avancées était celle du rôle des lymphocytes T CD8, ayant un fort pouvoir cytotoxique (capacité à tuer des cellules). Les lymphocytes T CD4 étant les cibles privilégiées de l’infection par le VIH, ils étaient peu étudiés dans ce contexte de contrôle du virus.

Quelques années plus tard, l’identification d’une population particulière de lymphocytes T CD4 : les lymphocytes T folliculaires « helper » (Tfh), impliqués dans l’aide aux lymphocytes B pour la production d’anticorps, a éveillé un intérêt quant à l’analyse de cette population chez les patients contrôleurs. De récentes études démontrent que les Tfh spécifiques du VIH retrouvés dans le sang sont plus nombreux chez les contrôleurs que chez les patients traités [5].

Chez certains contrôleurs, des lymphocytes B mémoires peuvent être retrouvés sur le long terme et seraient donc facilement mobilisables afin de maîtriser le peu de virus qui tenterait de s’échapper dans le sang.

Chez certains contrôleurs, des lymphocytes B mémoires peuvent être retrouvés sur le long terme et seraient donc facilement mobilisables afin de maîtriser le peu de virus qui tenterait de s’échapper dans le sang.

D’autres études suggèrent également une meilleure fonction des Tfh chez les contrôleurs, ce qui pourrait expliquer le maintien de la mémoire des lymphocytes B [6]. « En effet, nous pensons que les lymphocytes T CD4 jouent un rôle central dans le contrôle du VIH. Ils permettraient aux autres acteurs de la réponse immunitaires (les lymphocytes B, mais aussi les lymphocytes T CD8) de jouer leur rôle antiviral », explique Lisa Chakrabarti, chercheuse à l’Institut Pasteur (Paris). Il faut néanmoins noter que ces cellules semblent maintenir un état d’activation constant (similaire à ce qui est observé chez les patients traités), pouvant entraîner un épuisement sur le long terme.

Une affinité exceptionnelle des récepteurs T

Les lymphocytes T (CD4 comme CD8) reconnaissent, grâce à leurs récepteurs T, de petits morceaux du virus (peptides) présentés par des cellules spécialisées sur les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). Les lymphocytes T ne reconnaissent donc pas uniquement le virus, mais un complexe CMH/peptides. « Nos récents travaux montrent que les lymphocytes T CD4 des contrôleurs possèdent des récepteurs T de très haute affinité pour un peptide du VIH (Gag293), présentés sur différentes molécules du CMH. Alors qu’un récepteur T est généralement capable de reconnaître un peptide sur une seule molécule du CMH », souligne Lisa Chakrabarti. Cette flexibilité des récepteurs T, associée à leur haute affinité, permet aux lymphocytes T CD4 de produire plus de cytokines (molécules de signalisation) et leur confère une activité cytotoxique (normalement réservée aux lymphocytes T CD8) [7]

De nouvelles connaissances pour lutter contre le VIH

De nouvelles stratégies thérapeutiques se dessinent peu à peu. Des travaux en cours s’intéressent par exemple à transférer les récepteurs T de haute affinité, qui ont été identifiés chez les contrôleurs du VIH, par thérapie génique dans des modèles murins d’infection par le VIH. Preuve de concept en développement pour le moment, cette stratégie pourrait être appliquée à l’humain avec l’idée de « transformer » des PVVIH en contrôleurs du VIH. En plus des thérapies, ces découvertes peuvent être appliquées au développement de nouveaux vaccins, le but étant de mimer les réponses immunitaires observées chez les contrôleurs de façon à préparer l’organisme à une future infection.

Les contrôleurs du VIH représentent un grand espoir dans la lutte contre le VIH. Les raisons du contrôle semblent multifactorielles et n’ont sûrement pas toutes été élucidées, mais les contrôleurs sont en tout cas la preuve vivante que le système immunitaire est capable de lutter contre le VIH et que l’infection n’est donc pas irrémédiable. 

[1] Lambotte O et al, Clin Infect Dis, oct. 2005, 41(7):1053-6. 

[2] Ibid.

[3] Sáez-Cirión A et al, PLoS Pathog, mars 2013, 9(3).

[4] Buckner CM et al, J Infect Dis, août 2016, 214(3):390-8.

[5] Claireaux M et al, mBio, mai-juin 2018, 9(3).

[6] Colineau L et al, PLoS One, oct. 2015, 10(10).

[7] Benati D et al, J Clin Invest, juin 2016, 126(6): 2093–2108.

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