vih Les États généraux de la bioéthique à l’heure du premier bilan

18.06.18
Cécile Josselin
6 min
Visuel Les États généraux de la bioéthique
à l’heure du premier bilan

Au moment où la consultation des États généraux de la bioéthique se clôture, nous avons voulu savoir dans quel esprit ils avaient été organisés par le Comité consultatif national d’éthique. Son président, le Pr Jean-François Delfraissy, nous en dresse un premier bilan.

Ces derniers États généraux ont été élaborés par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et non plus par le ministère de la Santé, qu’est-ce que cela a changé?

Pour la loi de 2009-2011, c’était effectivement le ministère de la Santé qui était le pilote des États généraux de la bioéthique. Mais, en tant qu’opérateur de la loi, il leur était difficile de porter la réflexion de façon complètement indépendante. Dans la loi de 2011, il a donc été décidé que les États généraux seraient organisés par le CCNE. Le débat préparatoire est ainsi entièrement dissocié du processus législatif. Je tiens à préciser que je n’ai reçu des politiques aucune directive, sauf celle de les terminer avant juillet afin que la révision de la loi puisse être proposée à l’automne.

Vous avez souhaité donner davantage la parole aux citoyens, pourquoi ? et comment avez-vous procédé?

Sur les sujets de bioéthique, les experts sont indispensables, mais ce n’est pas suffisant. La parole des citoyens me semble très importante. Je tenais donc à permettre au plus grand nombre de s’exprimer.

Quant à la manière de procéder, comme il n’existe pas d’outil parfait et que nous avons voulu mettre l’argumentation au centre des débats, nous avons opté pour quatre outils complémentaires. Près de 250 débats publics ont été organisés, contre quatre en 2011. La plateforme que nous avons mise en place sur le Web a également été un vrai succès, environ 30 000 personnes y ont participé. Par ailleurs, nous avons auditionné quelque 150 associations, sociétés savantes, institutions et groupes de pensée philosophiques ou religieux. Nous avons enfin décidé d’un quatrième « outil » de consultation, le comité citoyen.

Au total, c’est plusieurs dizaines de milliers de personnes qui ont été mobilisées, voire des millions si on considère toutes les personnes représentées par les groupes auditionnés. Comme vous voyez, nous avons complètement changé de dimension.

Quels sont les thèmes qui ont le plus mobilisé le public?

Le périmètre des États généraux était étendu à neuf thématiques, dont deux grands points sociétaux : d’un côté, la procréation regroupant la PMA (procréation médicalement assistée) et, de l’autre, la question de la fin de vie. Nous avions hésité à les Les États généraux de la bioéthique à l’heure du premier bilan inclure, car il ne s’agit pas de sujets de bioéthique à proprement parler puisqu’on ne note pas de grandes avancées scientifiques ou médicales les concernant. La question de la PMA est sociétale et politique, même si elle pose toute une série de questions éthiques, par exemple sur la filiation. Mais le public n’aurait pas compris que nous ne les intégrions pas. Et, effectivement, ces deux sujets ont beaucoup mobilisé : la PMA a recueilli environ 45 % des 64 980 contributions sur le site Web et la fin de vie, près de 24 %. Cela montre que sur le plan sociétal, c’est une vraie question.

De ce fait, d’autres sujets concernant la bioéthique proprement dite sont passés au second plan. Le regrettez-vous ?

D’autres grands sujets sont apparus, comme la recherche sur les cellules souches et l’embryon, et la génomique. Et puis, un quatrième, qui n’était initialement pas prévu, s’est détaché : la question du patient au cœur du système de soin.

Quels points de bioéthique touchant au VIH ont été abordés ?

Ce qui est ressorti des États généraux, c’est une inquiétude des citoyens quant à leur place en tant que patients dans les systèmes de soin. Ils se sentent un peu perdus dans cette médecine du futur ! Je considère que le VIH, qui est devenu une maladie chronique, est au cœur de cette problématique, même s’il existe bien sûr des problèmes spécifiques. Ceux-ci sont traités par le Conseil national du sida, et je tiens à respecter les périmètres de chacun

Des États généraux de la bioéthique sont organisés tous les sept à huit ans, est-ce suffisant ?

L’innovation technologique et scientifique avance avec un renouvellement des connaissances très rapide. On dit qu’en biomédecine, 50 % des connaissances sont renouvelées tous les cinq ans. C’est donc un domaine qui connaît une formidable accélération. Il faut un certain temps avant que la société ne s’empare de cette transformation des connaissances. Ce n’est pas un hasard si la génomique « sort » parmi les quatre grands thèmes de la consultation ! On a déjà vingt à vingt-cinq ans de science derrière nous. Le sujet « numérique et santé » est tout récent, mais on sent bien que c’est en train de bousculer les normes à tous les niveaux : organisation des soins, des plateformes à l’hôpital, peut-être même aussi l’organisation des études médicales.

Des États généraux sur ces sujets complexes tous les sept à huit ans sont importants, nécessaires, mais insuffisants. Pour la prochaine loi, il serait souhaitable que nous n’attendions pas 2025 pour nous en saisir et que nous puissions organiser une consultation plus fluide, un peu en continu. 

Quelle est l’étape suivante ?

Nous allons d’abord remettre un rapport de synthèse, le plus objectif possible, sur ces États généraux. Nous émettrons ensuite un avis où nous indiquerons les grandes valeurs qui doivent guider la révision de la loi de bioéthique. Pourquoi ne pas donner à cette loi une vision un peu plus large, afi n que ce ne soit pas une loi qui ferme, bloque, interdit, mais une loi qui donne quelques grands principes et ouvre de nouvelles directions, comme dans le domaine du numérique et de la santé. Après, ce sera au tour du législateur et des politiques de remplir leur rôle.

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