vih Les Observatoires jouent les contre-pouvoirs

21.09.18
Valérie Gautier
6 min

En France, « l’objectif des ORS est d’améliorer l’information sur l’état de santé et sur les besoins des populations régionales, dans le cadre d’une mission d’aide à la décision ». Tel est défini leur rôle sur le portail de la Fédération nationale des observatoires régionaux de santé (ORS). Pour Isabelle Tron, membre de la Fédération et directrice de l’ORS Bretagne,  « il s’agit en effet d’apporter des données fiables, suffisamment robustes pour dresser un panorama de la situation ».

Mesurer l’état de santé

Acteurs aujourd’hui essentiels du monde sanitaire, l’existence des ORS n’est pourtant pas si vieille. La plupart d’entre eux ont vu le jour dans les années 1980, dans le but d’« analyser la situation du système de soins et de l’état sanitaire des régions afin de mieux définir les objectifs et apprécier les résultats de la politique de santé ». On parle du tout premier observatoire, créé en 1974, en Île-de-France.

« Avant cette époque, en termes de données, on n’avait pas grand-chose », rappelle Isabelle Tron. Un outil fiable manquait afin d’orienter les politiques de santé et les politiques publiques. Au début très centrés sur des études quantitatives, les ORS se sont peu à peu tournés vers des études qualitatives, en variant les profils des chercheurs. « Aujourd’hui, nos équipes sont composées de profils très diversifiés : sociologues, sociodémographes, ingénieurs économistes, documentalistes, médecins de santé publique, psychologues, etc. », ajoute-t-elle.

Mais le rôle de l’ORS est aussi de développer des partenariats à l’échelle locale, spécifiques, bien sûr, aux problématiques locales. Dans le cas du VIH et de l’ORS Bretagne, le partenariat s’est créé via le Corevih avec l’Agence régionale de santé de Bretagne et la Cire Bretagne, laquelle représente Santé publique France en région. Si la région est peu touchée par l’infection, une volonté commune des partenaires a cependant permis de produire un rapport annuel sur les dépistages réalisés en Bretagne et sur l’épidémiologie des patients suivis dans les services hospitaliers.

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Deux questions à Caroline Izambert
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En Afrique de l’Ouest, l’histoire des ORS et celle de l’épidémie de VIH sont étroitement liées. Simon Kaboré, directeur exécutif du Réseau pour l’accès aux médicaments essentiels (Rame), au Burkina Faso, explique qu’au moment où l’épidémie battait son plein et que les premiers antirétroviraux sont apparus, leurs coûts étaient exorbitants et inaccessibles pour la population burkinabée.

Dans son pays, les organisations de la société civile, fer de lance de la prise en charge, se sont organisées avant les structures publiques afin de permettre l’accès aux soins des personnes vivant avec le VIH, avec l’aide des structures de la société civile internationale et notamment européenne. En 2001, dans une tribune, Médecins sans frontières a violemment critiqué l’accès inexistant des patients aux soins et le silence des autorités publiques. Cela a marqué le début d’un ralliement d’individus, d’organisations des droits de l’homme et d’associations communautaires de lutte contre le VIH dans le but d’initier un mouvement d’ensemble contre le coût excessif des traitements.

Le Rame voit le jour en 2003 et mène une activité importante de rédaction d’articles, de lancement de pétitions et de déclarations. Sa première victoire sera la dénonciation des limitations de l’accord de Bangui [1] à l’importation de médicaments moins coûteux, à cause des brevets. « Cette dénonciation a permis au ministère de la Santé d’exploiter la faille de l’accord de Bangui. Et, pour la première fois, la Centrale d’achats des médicaments essentiels génériques et consommables médicaux (Cameg) a importé des molécules génériques. C’était le premier acte concret d’une baisse significative du coût des traitements », explique Simon Kaboré. Peu à peu, le réseau s’étoffera et dérangera les autorités publiques, qui n’approuvent pas ses méthodes (dénonciations, organisation de marches et de débats publics, etc.). Ce qui entraînera le départ du réseau d’associations qui craignent de perdre leurs soutiens et le non-accès aux financements. Mais, au final, les actions du Rame gagneront en popularité. 

Dénoncer le coût des traitements

Fogué Foguito bouge les lignes

Un équilibre fragile

En 2009, le gouvernement burkinabé vote la gratuité des traitements. Aujourd’hui, le Rame est présent à différents degrés, avec, toujours, pour principal objectif d’influencer la politique en vue de favoriser la santé pour tous : mise en place de plaidoyers, création d’une plateforme régionale de coordination et de communication pour la société civile et les communautés en Afrique francophone du Fonds mondial, promotion du rôle de veille et d’influence de la société civile dans les processus de renforcement des systèmes de santé ou encore mise en place d’un Observatoire communautaire sur l’accès aux services de santé (Ocass).

Ce dernier projet, particulièrement pertinent aux yeux du Rame, vise à observer et à dénoncer, au Burkina Faso, au Niger et en Guinée, les dysfonctionnements qui résident à tous les niveaux de la pyramide sanitaire et de la chaîne d’approvisionnement. Et ce, pour les trois épidémies que sont le VIH, la tuberculose et le paludisme. « Ces observatoires viennent donc en appui des politiques sanitaires nationales, dont ils renforcent les systèmes déficients d’information sanitaire », explique Simon Kaboré. Pour autant, ce dernier regrette qu’il ait fallu du temps pour que les décideurs acceptent le Rame et que les citoyens l’« appréhendent comme un outil citoyen pour dénoncer les dysfonctionnements. Même aujourd’hui les dénonciations ne sont pas spontanées ».

Mais si le Rame, à l’image des autres Observatoires de santé africains, a gagné sa crédibilité, son rôle de « contre-pouvoir » le rend vulnérable. Même constat du côté des ORS français. Pour Isabelle Tron, il est important que les ORS restent vigilants : « Rien n’est jamais acquis. Sans financement, cela peut être très compliqué pour nous. Nous devons rester très mobilisés, et nos partenaires doivent avoir les ressources pour financer nos études. Nous sommes dépendants d’un contexte national. Cependant, nous sommes reconnus pour nos compétences et avons connu des périodes plus difficiles. »

[1] Cet accord régit la propriété intellectuelle au sein de 16 pays membres de l’Organisation africaine de propriété intellectuelle (Oapi).

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