Depuis des années nous alertons les pouvoirs publics sur les effets des lois de pénalisation à notre encontre, mais au lieu d’être écoutés, nous sommes traités de proxénètes, de menteurs, de pervers petits bourgeois, quand nous ne sommes pas au mieux ignorés.
Les résultats sont là. Depuis la pénalisation des clients1, en 2016, 78,2 % des travailleur·euse·s du sexe disent connaître une diminution de leurs revenus, 42,3 % sont plus exposé·e·s aux violences et 38,3 % ont plus de difficultés à imposer le préservatif2.
Alors que pour la première fois les contaminations semblent diminuer dans tous les groupes, y compris peut-être chez les gays grâce à la PrEP, une épidémie silencieuse se développerait chez les travailleur·euse·s du sexe. Auparavant, les études montraient un taux d’usage du préservatif autour des 90 % pour la pénétration et de plus de 70 % pour la fellation3.
Aujourd’hui, il devient quasi impossible de sucer avec capote et la protection devient de plus en plus un enjeu de négociation. Ce qui était inconcevable avant.
Les collègues devenues séropos expliquent qu’elles n’avaient plus le choix, car il fallait bien payer le loyer et se nourrir. Certaines interrompent leur traitement à cause d’une mobilité accrue, en tentant de trouver de nouveaux revenus dans les pays voisins et elles reviennent avec une remontée de leur charge virale et des infections opportunistes. Les agressions sont plus nombreuses. La précarité est telle qu’on prend des risques pour sa santé et sa sécurité.
Niurka a été assassinée, Véro a été poussée au suicide parce qu’elle ne pouvait plus payer ses amendes et on attend encore l’enquête de police pour connaître les circonstances de la mort de Lily, à l’âge de 30 ans.
Toutes avaient manifesté contre la loi par peur de ses conséquences. Elles ont été méprisées jusqu’à la fin. Mais leur « prostitution » a disparu. La loi dite d’abolition est donc un succès.
Thierry Schaffauser, travailleur du sexe et coordinateur nationale de la fédération. Parapluie rouge : parapluierouge.org
1— Loi n° 2016-444 du 13 avril 2016.
2— medecinsdumonde.org/sites/default/files/Rapport-prostitution-BD.PDF
3— Haute Autorité de santé, 2016.