vih Le triple 90 réussi pour l’Eswatini et la Suisse

03.10.20
Cécile Josselin
6 min

Pour mettre fin à l’épidémie de VIH dans le monde, l’Onusida s’est pour objectif d’atteindre la cible des trois 90. Un objectif ambitieux, que seuls quelques pays ont aujourd’hui atteint. Deux exemples : la Suisse et l’Eswatini (ex Swaziland).

Fin 2019, 81 % des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) dans le monde connaissaient leur statut sérologique, plus des deux tiers d’entre elles suivaient un traitement antirétroviral (67 %) et près de 59 % de ces dernières avaient une charge virale indétectable.

Force est donc de constater que l’objectif « 90-90-90 » [i] n’a pas été atteint partout. En réalité, dans « seulement » quatorze pays, 73 % de PVVIH avaient une charge virale indétectable. Parmi eux, des pays à revenus élevés (l’Australie, l’Espagne, l’Irlande, les Pays-Bas et la Suisse) et des pays à revenus faibles (le Botswana, le Cambodge, l’Eswatini [ex-Swaziland], la Namibie, l’Ouganda, le Rwanda, la Thaïlande, la Zambie et le Zimbabwe).

Deux pays se sont plus particulièrement distingués pour leurs excellents résultats : la Suisse et l’Eswatini, ce dernier dépassant même l’objectif « 95-95-95 », fixé par l’Onusida pour 2030, en affichant 98-98-97. Une réussite impressionnante quand on sait que ce pays présente l’un des taux de prévalence parmi les plus élevés au monde (27 % en 2019). Un tel contraste a de quoi surprendre et nous interroge sur le comment et le pourquoi ces quatorze pays ont abouti là où tant d’autres semblent avoir échoué.

De l’Afrique australe…

La réussite des sept pays d’Afrique australe s’explique d’abord par une très forte volonté politique, soutenue par un investissement massif. Le Plan d’urgence présidentiel de lutte contre le sida des Etats-Unis (Pepfar) a financé des campagnes de dépistage dans ces pays. Importantes et répétées, ces dernières ont permis d’atteindre, voire de dépasser, la première étape de la cascade de prise en charge dont découlent les deux autres [ii].

Si on manque d’éléments précis pour expliquer le remarquable succès de l’Eswatini, Rose Kimeu Craigue, en charge de ce pays à l’Onusida, pointe néanmoins la volonté marquée du roi de cette monarchie absolue, rappelant que « son ministère de la Santé a alloué des fonds importants (350 millions de SZL par an [environ 17,5 millions d’euros]) à l’achat d’antirétroviraux (ARV) distribués gratuitement aux malades ». La création d’une autorité nationale, le Nercha, pour coordonner la riposte au virus semble par ailleurs avoir été efficace, la petite taille du pays (17 363 m2) étant à cet égard un atout. « L’Estwatini a en outre développé des approches innovantes afin d’offrir des prestations de services au niveau communautaire (distribution de médicaments, [auto]-dépistage du VIH, clubs d’adolescents, soutien à l’observance avec l’aide de clients experts et de mères mentors », souligne Rose Kimeu Craigue.

… à l’Europe

Le succès des pays européens s’analyse surtout par une diminution du nombre d’infections, laquelle conduit mécaniquement à une baisse du nombre de personnes non diagnostiquées. « Depuis 2010, le nombre annuel d’infections a diminué d’environ deux tiers aux Pays-Bas », note par exemple Ard van Sighem, chercheur à Stichting HIV Monitoring (Amsterdam).

Parallèlement, les très bons résultats obtenus pour les deux dernières étapes de la cascade de prise en charge du VIH, grâce à des services de santé performants qui assurent à l’ensemble des malades un excellent suivi, permettent de rattraper le relatif retard de la première étape ; le dépistage reste en effet l’objectif le plus difficile à atteindre en Europe. « La plupart des pays développés qui ont atteint ces objectifs sont des pays qui ont une épidémie que l’on peut qualifier d’ancienne, avec un taux important de personnes diagnostiquées depuis très longtemps, note Virginie Supervie, chargée de recherche à l’Inserm. Celles-ci bénéficiant déjà d’un bon suivi, le taux de personnes dont la charge virale est contrôlée est maintenu à un niveau élevé. »

Pour Anastasia Pharris, experte du VIH au Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), basé à Stockholm (Suède) :« L’application de directives de traitement, l’accès aux ARV pour les sans-papiers, la mise en œuvre de services soutenant l’observance en s’attaquant aux problèmes de santé mentale, d’alcoolisme et de toxicomanie, aux problèmes d’immigration et de logement expliquent également le succès de l’Union européenne qui affiche un taux moyen de 86-91-92. »

L’exemple suisse

En Europe, la Suisse affiche les meilleurs résultats. Ce petit pays affiche en effet trois très bons taux dans la cascade de soin : 93-97-96.

Axel Jeremias Schmidt, un des principaux auteurs de la Swiss HIV Cascade estime que ce succès doit beaucoup à la cohorte nationale de VIH de son pays qui lui a permis d’atteindre plus facilement les 2e et 3e objectifs avec de meilleurs résultats dans le suivi clinique. Elle a aussi su axer ses efforts sur les populations clés (UDI, migrants, HSH) avec un dépistage très ciblé : « La Suisse a apporté une réponse précoce et très libérale aux problèmes des UDI (usagers de drogues injectables) », rappelle-t-il. Concernant les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, elle a lancé des campagnes et mis en place des dispositifs innovants, tel que l’application smartphone Break the Chain, qui se sont concentrées sur les risques de transmission les plus importants, en phase de primo-infection par exemple. « Cette stratégie me semble plus réaliste et plus positive plus le plan sexuel. Cela aide les gens à se concentrer sur ce qui est vraiment important », estime l’épidémiologiste.

Une autre particularité de la Suisse est d’avoir été le premier pays à reconnaître en 2008, dix ans avant le début des campagnes internationales U = U [iii] qu’une personne séropositive ne peut plus transmettre le VIH à partir du moment où sa charge virale a été ramenée à un niveau indétectable. « Je pense qu’un tel discours anti-stigmatisant a suscité chez les personnes séropositives une incitation majeure pour un début précoce du traitement et une bonne observance », conclut Axel Jeremias Schmidt.

Notes

[i] « À l’horizon 2020, 90 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, 90 % des personnes dépistées reçoivent un traitement antirétroviral durable et 90 % des personnes recevant un traitement ont une charge virale durablement supprimée. »

[ii] Dépistage, mise sous ARV et charge virale indédectable.

[iii] Undetectable = untransmittable (indétectable = intransmissible).

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