vih L’histoire du préservatif féminin

12.04.17
Cécile Josselin
10 min

S’il n’a jamais vraiment émergé en France, le préservatif féminin puise ses origines dans un lointain passé. Évoqué dans la mythologie grecque, il devient réalité à la Belle époque, avant d’être exploité à grande échelle dans les années 90. Retour sur l’histoire d’un outil de prévention trop méconnu.

Préservatif féminin : raisons d’un désamour
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Selon la mythologie grecque, Pasiphaé, lasse des adultères de son époux, le roi de Crète Minos, lui aurait jeté un sort pour son sperme contienne en germe des serpents venimeux et des scorpions, condamnant à mort ses maîtresses. Pour s’attirer les faveurs du roi, Procris a alors eu l’idée de façonner en gaine une vessie de chèvre et de l’introduire dans le vagin des jeunes femmes avec lesquelles Minos souhaitait s’accoupler. L’idée du préservatif féminin était née.

Si on retrouve des traces, bien plus tangibles du préservatif masculin dès l’antiquité égyptienne il faut attendre la fin du dix-neuvième siècle pour trouver la trace d’un véritable préservatif féminin.

La découverte de la vulcanisation du caoutchouc en 1839 par l’Anglais Hancock, puis par l’Américain Goodyear, associée à la diffusion des idées néo-malthusiennes en Europe ouvre alors la voie aux préservatifs modernes. Mac Intosh, le célèbre fabricant d’imperméables britannique, en commence la production vers 1870 puis les exporte dans toute l’Europe.

Les femmes ne sont pas oubliées, mais les outils qui leur sont alors proposés sous le nom de « préservatif pour dames » ne sont alors souvent que des capes cervicales, des diaphragmes ou des pessaires, bien plus discrets (car à déposer au fond du vagin), mais dont l’efficacité contraceptive reste relative à moins d’être associés à une douche vaginale après l’acte sexuel. L’American Hygien vend en 1891 un engin à cet effet, « le Dilalérus », qu’il appelle « préservatif pour dames ». Si elle avait le mérite d’exister, cette méthode contraceptive partiellement efficace, se révélait par contre totalement insuffisante pour prévenir les MST comme la Syphilis.

En l’absence de brevet relatif à un réel « préservatif féminin » avant la fin du vingtième siècle, on ignore quel fut l’inventeur du premier modèle. On en retrouve par contre un dessin dans un catalogue de la Manufacture spéciale de caoutchouc dilaté « Ch. Frédéric » (1886-1908) en 1897. Baptisé audacieusement « l’invisible » – il n’en avait bien-sûr que le nom – l’objet était présenté dans la catégorie des « pessaires préservatifs ».

Le dessin du même objet réapparaît en 1908 sur une publicité de la maison Excelsior1. Désormais baptisé « le pratique », l’outil est cette fois clairement présenté comme un « préservatif pour Dames » en feuille anglaise extra et à bourrelet pneumatique. « Tout récemment inventé », il assurerait, à en croire la réclame, « la sécurité la plus complète et la plus absolue sans rien enlever à l’illusion ni aux sentiments ». La notice explique que «le tube en caoutchouc très souple et ferme (doit être) placé à l’entrée, mais de préférence à l’intérieur de l’organe de la femme dont il possède exactement la forme et les dimensions. »

On ignore quel fut le succès de l’objet, mais on l’imagine réduit et de courte durée, en raison de son prix élevé2 et de la réputation sulfureuse de tels outils auprès de la gente féminine.Dans tous les cas,la loi de 1920 punissant de un à six mois de prison et d’une amende de 100 à 5000 francs quiconque entreprendrait une propagande anticonceptionnelle calma probablement toute velléité commerciale en France3.

Du mythe à la réalité

Au Royaume Uni, où les idées malthusiennes pouvaient davantage s’exprimer, on trouve la première mention d’un préservatif féminin dans les années vingt dans la « Liste illustrée des appareils chirurgicaux, hygiéniques et domestiques » du fabricant londonien Paul Blanchard, sous le nom de « Capote blanco ». En caoutchouc avec un rebord en acier, ce dernier était conçu pour être utilisé enroulé comme un capuchon par la femme, ou déroulée par son partenaire. Marie Stopes, pionnière dans le contrôle des naissances, évoque également un préservatif féminin dans son livre de 1923 « Contraception (birth control) its theory, history and practice », photo à l’appui. Dénommé « Feminine sheath ou « Capote Anglaise », l’objet ressemble fort aux deux dessins retrouvés en France. Sa mention dans un autre livre anglais de 1937, et une seconde photo datée de la même année semble confirmer la persistance de cet outil avant la première Guerre mondiale.

Dans les années 1930, un autre préservatif féminin semble avoir été conçu et distribué sous le nom de Gee Bee Ring4. Décrit dans une brochure de 1934, l’article était présenté comme une poche à double anneaux, que l’on pouvait insérer dans le vagin pour prévenir les grossesses comme la transmission des MST.

Un dernier modèle, baptisé « Ladies own sheath » aurait enfin été rapporté au Royaume-Uni. Mais devantla difficulté à en retrouver la trace, on imagine qu’il n’a pas, comme ses prédécesseurs, connut de franc succès. L’introduction de la pilule contraceptive, dans les années 60, lui a, dans tous cas, probablement porté un coup fatal.

Les précurseurs anglo-saxons

C’est avec la diffusion de l’épidémie du Sida au début des années 80 que les préservatifs retrouvent leurs lettres de noblesse. En 1985, le médecin et inventeur danois, Lasse Hessel, développe le « Femidom » (FC1). Ce nouveau dispositif intra vaginal en polyuréthane a la forme d’une gaine lubrifiée de 17 cm de long et 7,5 cm de large, maintenu en place par deux anneaux flexibles. Après en avoir acquis les droits, la Wisconsin Phamacal Company s’engage dans un long combat pour obtenir son approbation aux États-Unis. D’abord autorisé en Suisse, en 1992, puis en Grande Bretagne et quatre autres pays, le préservatif féminin obtient enfin l’approbation de la FDA pour sa mise sur le marché américain en 1993 puis le marquage CE en 1998.

En France, il faut attendre mai 1999 pour qu’il soit distribué par le laboratoire Terpan. Mais en raison de son prix élevé5 et des modestes campagnes pour le promouvoir, le produit reste cantonnée à un marché de niche. Tourné en ridicule par les journalistes, ignoré des cliniciens, il reste largement rejeté par les femmes occidentales qui n’en voient pas l’intérêt.

Il en est tout autrement en Afrique, où le produit présente rapidement un fort potentiel6. Plus exposé aux ravages du VIH, les femmes y sont en effet toujours à la recherche de moyens de contraception. La société américaine (rebaptisée Female Health Company) décide alors de se concentrer sur le secteur public mondial. Elle entreprend à cette fin à partir de 2003 le développement d’une seconde version en nitrile 30 % moins cher à produire : le FC2 qui arrive sur le marché en 2005. Préqualifié par l’OMS en 2006, puis par l’UNFPA, il est approuvé aux États-Unis en 2009 et remplace complètement le FC1 l’année suivante.

Après des débuts difficiles, le FC2 trouve sa vitesse de croisière, En 2016, 42 millions d’exemplaires sont vendus dans 144 pays.

Le préservatif féminin renaît en 1985

Depuis 2011, d’autres modèles émergent, dont trois sont d’ores et déjà préqualifiés par l’OMS et le FNUAP : Cupid en 2012, et depuis 2016 : Woman’s Condom et Velvet.

Fabriqué en latex, avec un cadre externe octogonal, le premier peut être inséré et reste en place grâce à une éponge. Il est surtout distribué en Inde, mais aussi au Brésil et en Indonésie.

Fabriqué à Shanghaï, sous l’impulsion du programme de technologie appropriée en santé (PATH), le Woman’s Condom puise quant à lui ses origines en 1996. L’idée était alors de concevoir un préservatif féminin qui répondrait aux attentes des utilisatrices. Après plus de 300 prototypes, le Woman’s Condom, en polyuréthane arrive sur le marché en 2009. Partiellement encapsulée, l’extrémité interne s’insère comme un tampon avant de se dissoudre dans le vagin où il est maintenu par quatre petits points de mousse. Distribué depuis 2011 en Chine, depuis 2013 en Afrique du Sud, puis au Malawi et en Zambie, il a le marquage CE depuis 2010. La même année HLL Lifecare Ltd lance le Velvet sur le modèle du FC2 mais en latex.

Et d’autres modèles sont déjà sur les rangs, comme le Air Female Condom, le Phoenurse, le VA w.o.w, le Natural Sensation Panty Condom, l’Origami… Assurément, l’histoire du préservatif féminin ne fait que commencer.

Le choix s’étoffe depuis la fin des années 2000

  1. Excelsior : petite société fondée en 1907 spécialisée dans la fabrication, l’achat et la vente d’appareils d’orthopédie, de chirurgie, d’hygiène, d’accessoires de pharmacie. V. Vidal dans son livre (le préservatif, 100 questions réponses, Alternatives, 1996) laisse entendre que « le pratique » était également apparu à la même époque en Angleterre et aux États-Unis, sans plus de détails.
  2. Il était vendu 5 francs l’unité, soit le salaire d’une bonne à tout faire sur deux journée de travail et demie à cette époque. Comme aujourd’hui, les préservatifs masculins étaient beaucoup moins chers.
  3. Il faut attendre la loi Neuwirth en 1967 (dont les décrets d’application n’ont été votés qu’en 1972) pour que la contraception (et donc la vente de produits contraceptifs) soit de nouveau autorisée en France. La publicité sur les préservatifs n’est quant à elle de nouveau autorisée en France que depuis 1987.
  4. Ce nom faisait probablement référence au petit avion du même nom. Construit à partir de 1932, ce dernier était dédié à la voltige et aux courses. Très difficile à piloter il avait été surnommé « Piège mortel », en raison des nombreux pilotes qui y ont perdu la vie.
  5. Le Femidom a d’abord été disponible uniquement dans les centres du planning familial, les associations de lutte contre le sida, les centres de protection maternelle et infantile et les services sociaux des municipalités. Cher, le produit ne sera vendu que dans un second temps en pharmacies, autour de 20 francs pièce, soit 4 euros actuel si on intègre l’inflation.
  6. Dès 1996, la société pharmaceutique collabore avec le programme « Onusida » des Nations Unies pour élargir l’accès et l’usage du préservatif féminin, permettant une distribution gratuite dans de nombreux pays du Tiers Monde via USAID (l’Agence des États-Unis pour le développement international) et la FNUAP (Fonds des Nations Unies pour la population (ou UNFPA en anglais).
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